Nous sommes surtout positifs sur l’Asie

Nicolette de Joncaire

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«Ce dont nous sommes témoins aujourd’hui sur les marchés émergents est une situation normalisée» estime Richard Titherington de J.P. Morgan AM.

 

2017 a été très favorable aux marchés émergents. Comment envisagez-vous l’avenir?

2017 fut une année singulière que nul ne prévoyait fin 2016. Je dirais même que 2017 avait démarré sous de tristes auspices pour les émergents car le dollar américain était attendu à la hausse. Ce dont nous sommes témoins aujourd’hui est une situation normalisée: 15 à 20% de désinvestissement n’a rien d’exceptionnel dans un contexte où le dollar grimpe, les taux d’intérêt montent, les tarifs douaniers deviennent incertains, la situation politique est instable. Les bénéfices des entreprises des pays émergents et de l’Europe sont en ligne avec nos attentes, mais le marché a été plus euphorique. Entre temps, les bénéfices au US continuent de surprendre positivement à cause de la réforme fiscale.

Quels sont les pays émergents qui pâtissent le plus de cette désaffection?

Les «suspects ordinaires»: ceux dont le compte courant est déficitaire: l’Argentine, la Turquie, l’Indonésie. La remontée récente du pétrole bénéficie les pays producteurs – Russie, Nigeria – mais ils peuvent présenter d’autres failles. Quant au Brésil, il essuie une véritable tempête politique.

Nous privilégions les entreprises de qualité
avec un profil de croissance à long terme.
Quels sont les segments les plus porteurs sur les marchés émergents?

Côté pays, nous sommes surtout positifs sur l’Asie (par rapport à l’Amérique Latine ou à la région EMOA). Alors que la plupart des analyses sont pessimistes sur le Nord de l’Asie, nous y identifions des valorisations attractives, offrant un rendement annualisé de l’ordre de 20% sur les 5 prochains années. Certains pays de l’ANASE1 posent problème, l’Inde est trop chère (même si elle offre aussi des opportunités) et la Turquie est bon marché mais présente un risque politique important. Le Mexique a fortement repris mais souffrirait de la dissolution de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA).

Côté secteurs, nous privilégions les entreprises de qualité avec un profil de croissance à long terme, dans la technologie chinoise ou dans le secteur de la banque privée en Inde. Notre stratégie favorise les modèles d’affaires à cycle long et les entreprises bien gérées orientées vers les changements de comportement des consommateurs car nous sommes positifs sur la consommation domestique des pays émergents. Nous évitons les entreprises soumises à des cycles courts et trop endettées.

Pensez-vous investir dans Saudi Aramco lorsque cela sera possible?

Nous avons augmenté au fil des dernières années nos positions en Arabie Saoudite, un pays qui entrera bientôt dans les grands indices mais il est trop tôt pour se prononcer sur Saudi Aramco. C’est une boîte noire.

L’économie évolue, s’éloignant des secteurs voués
à infrastructures et à l’exportation.
Citez-nous trois sociétés qui vous paraissent particulièrement intéressantes.

Nous mettons toujours en avant la qualité et les investissements à long terme. Je mentionnerais Tencent et Alibaba dont le profil ne diffère guère de Google ou de Facebook. Je pense aussi au secteur des banques privées indiennes comme HDFC Bank.

L’investissement local est-il en expansion dans les pays émergents?

Les fonds de pension et les fonds souverains soutiennent la performance, même si les investissements étrangers sont encore marginaux. Ce n’est, bien évidemment, pas le cas du marché domestique chinois qui est très local et où les étrangers n’entrent que depuis peu. Dans les prochaines années, ce marché dominera les émergents car les réformes progressent et les sociétés d’Etat ont perdu leur position dominante. Les actions A sont très porteuses: l’économie évolue, s’éloignant des secteurs voués à infrastructures et à l’exportation, vers de nouvelles orientations comme le taux de pénétration d’Internet et les paiements mobile.

Comment faites-vous tourner vos portefeuilles?

Aussi peu que possible. Les marchés émergents exigent une grande cohérence de vue et nous recommandons un investissement à long terme. Avec un rendement exprimé en dollars (ce qui est notre cas), le risque le plus important est sur les devises, toutes nos opinions sur les actions sont toutes basées en dollars américains. Aussi long que le rendement composé d’un placement excède la dévaluation monétaire, nous pourrons observer des performances.

Les taux de croissance devraient compenser
l’impact négatif de la hausse du dollar.
Sommes-nous en période de risk-off ou de risk-on?

Les marchés sont pour l’instant en risk-off. Les taux de croissance devraient compenser l’impact négatif de la hausse du dollar. Si les ventes atteignent 20 à 25% des actifs, elles sont autour de 18% actuellement, nous devrions être proches du point de retournement.

Quelle est votre cible de rendement annuel?

Nous anticipons un rendement de l’ordre de 10% sur les croissances de bénéfices des marchés émergents (à travers le cycle).  

Les critères ESG s’appliquent-ils bien à l’investissement EM?

Oui, le fait de mettre l’accent sur ESG implique une meilleure durabilité. L’histoire nous enseigne qu’une bonne gouvernance génère de meilleurs rendements. La Chine en a pris acte.  

 

1 Association des nations de l'Asie du Sud-Est réunissant l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande, Brunei, le Viêt Nam, le Laos, la Birmanie et le Cambodge.