Les taux d’intérêt vont encore beaucoup monter

Emmanuel Garessus

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Jim Rogers, une star de l’investissement basé à Singapour, se dit très déçu par la Suisse. Il s’attend à la poursuite des turbulences.

Jim Rogers, 80 ans, est l’un des financiers les plus réputés. Après avoir fait fortune dans les marchés financiers, cet Américain de Singapour avait pris sa retraite à 38 ans pour faire un tour du monde en moto. Il s’est ensuite fait connaître pour ses investissements dans les matières premières et a d’ailleurs créé, en 1998, le Rogers International Commodity Index. Il est d’ailleurs l’auteur du bestseller Hot Commodities. L’investisseur a vendu sa maison de New York en 2007 pour vivre à Singapour où il réside aujourd’hui. Ses conseils ont souvent été corrects, notamment celui de vendre les titres financiers et immobiliers en 2006. Jim Rogers répond aux questions d’Allnews sur les banques suisses, les marchés et les matières premières:

Quelle est votre perception de la crise bancaire?

Historiquement, les problèmes apparemment modestes au départ tendent à se renforcer, à s’aggraver et à concerner un nombre croissant d’acteurs de taille toujours supérieure. Aux Etats-Unis, les problèmes économiques ont par exemple pris une année avant de se manifester clairement. Nous approchons aujourd’hui de la fin du processus.

Comment jugez-vous les problèmes de la place suisse dans le cadre de la concurrence avec une place financière telle que Singapour?

Les banques asiatiques sont sans aucun doute plus solides que les américaines et probablement que la plupart des établissements européens. Elles sont moins aventureuses dans leurs investissements à Singapour qu’en Californie. Même la Suisse n’est plus aussi sûre que dans le passé.

Est-ce que les turbulences traduisent un phénomène à court terme ou un processus qui prendra beaucoup du temps à se résoudre?

C’est un problème à long terme. Les pratiques des banques européennes et suisses sont moins saines qu’auparavant. Qu’il suffise de mentionner les investissements aventureux et risqués de Credit Suisse. Quand j’étais un enfant, la Suisse était l’endroit le plus sûr au monde. Elle ne l’est plus.

Presque aucun placement n’est épargné par une crise. Mais c’est à ce moment-là qu’il s’agit d’acheter le blé ou le maïs, lesquels ne tarderont pas à s’apprécier.
L’endettement d’un nombre croissant d’Etats vous inquiète beaucoup. Comment protéger son épargne dans en ces périodes particulièrement troublées?

La première règle consiste à placer son épargne dans une banque solide. La deuxième est d’investir dans des titres sûrs, à l’image de bons du Trésor américain à court terme, et attendre. Evitez de spéculer! Je recommande donc de n’investir que dans des placements dont l’investisseur connaît les risques. Si les titres baissent, il saura comment réagir, et s’ils montent également.

Que pensez-vous des perspectives de l’or?

Je possède effectivement de l’or et de l’argent (Jim Rogers montre une pièce à l’écran) et si les cours baissent j’en accumulerai davantage. Mais lors de la dernière crise, l’or et l’argent avaient aussi temporairement baissé.

Quelles sont les meilleures opportunités dans les matières premières?

Les matières premières agricoles sont les plus intéressantes en ce moment. Leur tendance a été très médiocre depuis plusieurs années. Le pétrole aussi, sans doute, et le cuivre, dans la perspective du développement des véhicules électriques, sont aussi attractifs.

Comment les marchés de matières premières sont-ils touchés par les difficultés bancaires?

Presque aucun placement n’est épargné par une crise. Mais c’est à ce moment-là qu’il s’agit d’acheter le blé ou le maïs, lesquels ne tarderont pas à s’apprécier.

Est-ce préférable d’acheter des actions de groupes miniers ou des commodities?

On peut acheter des actions de groupes miniers à condition de bien connaître leur management. Il s’agit notamment de considérer leur degré d’endettement.

Quel est votre regard sur la réouverture de la Chine. La reprise dépasse-t-elle les attentes?

La reprise est plus forte que prévu. Le confinement a été si long et si mauvais pour l’économie. Nous rencontrons beaucoup de Chinois à Singapour actuellement. Les services touristiques et les restaurants en profitent partout en Asie.

Est-ce que les obligations souveraines chinoises sont à considérer?

Oui tout à fait. Les obligations souveraines chinoises profitent d’une politique économique saine, à ce jour. La Chine ne fera pas défaut ces prochaines années.

Le combat contre l’inflation est-il gagné du fait des difficultés bancaires?

L’inflation va persister. Les banques centrales relèvent les taux d’intérêt mais leur réaction est tardive et insuffisante. Je rappelle que les taux des bons du Trésor ont dépassé 20% dans les années 1970. Les taux devront encore beaucoup monter pour maîtriser l’inflation. Les injections de monnaie ont été si gigantesques dans le monde que les politiques monétaires devront être plus restrictives. L’inflation n’est de loin pas morte.

Une hausse encore forte des taux d’intérêt ne conduirait-elle pas à des défauts de gouvernements?

Oui, mais cela ne serait pas la première fois dans l’histoire. Même la Suisse commet des erreurs. La Banque nationale suisse a été très accommodante et elle a même accumulé des actions comme Amazon et des titres de croissance. Sa politique était plus saine dans le passé. Si les Suisses qui vivaient il y a quelques décennies se réveillaient et pouvaient observer cette politique, ils feraient une révolution.

Des actions Amazon ou Apple ne sont-elles pas plus sûres que les obligations de certains gouvernements?

Elles sont plus sûres que certains gouvernements, mais quand un marché baisse lourdement même Amazon chute. Je pense qu’un tel scénario baissier va se réaliser avant que toutes les difficultés citées ne soient résolues.