Les obligations convertibles passent le test avec brio

Salima Barragan

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Les convertibles confirment bien, dans les faits, leur capacité à contenir la baisse des actions, estime Gildas Hita de Nercy d’Ellipsis AM.

Sur les derniers vingt ans, les obligations convertibles émises en Europe et aux Etats-Unis ont de loin surperformé les actions pour une volatilité réduite de 30% à 50%. Alors que les marchés boursiers sont en pleine tourmente, ces titres hybrides qui rassemblent le meilleur du monde des actions et des obligations, tiennent-il leur promesse de produits (quasi) tout terrain? Eclairage avec Gildas Hita de Nercy, président du Directoire d’Ellipsis AM.

En cette crise boursière qui dure depuis quatre semaines, quelle est la surperformance des obligations convertibles sur les actions?

Leur comportement depuis fin février est très démonstratif des qualités de la classe d’actifs. A fin février, la performance de nos fonds en obligations convertibles était positive alors que le marché avait déjà chuté de dix pour cent. Aujourd’hui, alors que certains indices actions ont corrigé de près de trente pour cent depuis le début de l’année, les performances des obligations convertibles au 20 mars 2020 étaient comprises entre -6% et -9%. Cette capacité à réduire les risques, s’explique avant tout par la nature de l’obligation convertible et la garantie de remboursement faite par l’émetteur, hors cas de défaut, qui permet d’amortir l’effet des baisses des actions.

«En 2008, la classe d’actifs avait souffert de la trop forte
présence d’investisseurs arbitragistes et de hedge funds.»
Lors des précédentes crises, les obligations convertibles ont-elles toujours montré une telle solidité, ou sinon quel type de fragilité?

Les bonnes statistiques de la classe d’actifs sur longue période montrent qu’en moyenne, la promesse de réduction des baisses est effectivement tenue. Dans les faits, les fragilités étaient principalement liées à une mauvaise diversification de la classe. En 2001, le retournement était douloureux car le secteur technologie-media-télécommunication (TMT) était surreprésenté. De même, lors de la crise de la zone euro de 2011, un grand nombre d’émetteurs d’Europe du Sud - notamment des bancaires italiennes et espagnoles - ont pesé sur les performances. En 2008, la classe d’actifs avait souffert de la trop forte présence d’investisseurs arbitragistes et de hedge funds qui ont tous réagi de la même manière lors des «short selling bans».

Cette fois-ci, pourquoi la classe d’actifs sera-t-elle plus résistante?

C’est avant tout grâce à la qualité du gisement qui offre aujourd’hui une bonne diversification sectorielle et une sous-représentation des bancaires favorable. Aussi, les ratings moyens élevés ont contribué à des planchers obligataires plutôt résistants. Le premier mouvement de baisse des taux a également conforté les planchers obligataires qui prennent plus d’importance, alors que la sensibilité aux actions diminue avec la correction.

Aucune ombre au tableau donc pour la classe d’actifs?

Les facteurs de stress actuels tels que coût sanitaire, pression récessive sur la croissance, stress de liquidité et efficacité des pilotages politiques pèsent sur l’ensemble des marchés. Nous observons des déclassements de notes de crédit ainsi que des ventes d’actions et d’obligations. Depuis deux semaines, nous avons peu d’acheteurs sur toutes les classes d’actifs. Le marché est donc très déséquilibré ce qui se traduit par des primes de liquidité plus importantes dans tous les gisements et dans tous les pays. Le gisement des convertibles européennes se comporte comme un panier diversifié et il est à l’abri des flux de ventes générés par les trackers obligataires. Nous voyons certains cas isolés de dévalorisation liés à des manques de liquidité mais le marché est surtout dépendant de son plancher obligataire qui n’est pas inquiétant aujourd’hui sous l’angle de la solvabilité et des défauts, compte tenu de la qualité du gisement et des supports publics qui se mettent en place.

«Un contexte de sortie de crise
serait favorable aux émissions de convertibles.»
Quels éléments pourraient-ils faire craquer les planchers obligataires?

Il faudrait des défauts de paiement ou une remontée des taux qui n’est pas à l’ordre du jour. Notons que la BCE a pris des mesures assez importantes pour stabiliser le marché obligataire, ce qui stabilise au passage aussi les planchers obligataires.

Pas d’inquiétude non plus du côté du risque de crédit?

Il est possible de perdre sur un risque de défaut d’un émetteur mais actuellement, nous faisons face à des phénomènes de liquidité et non de solvabilité. Rappelons qu’il s’agit d’un marché de maturité courte à 5 ans et que le rating moyen du gisement européen est BBB.

La chute des actions va pousser certaines entreprises à se refinancer. Pensez-vous qu’il y aura une recrudescence d’émissions d’obligations convertibles au dépend d’obligations «plain vanilla» ou d’actions?

Un contexte de sortie de crise serait favorable aux émissions de convertibles. En effet, après une chute des actions, les refinancements des entreprises sont très compliqués car émettre des actions au plus bas est souvent mal vu par les actionnaires en place si la capacité de rebond est réelle. Par ailleurs, parce que les spreads de crédit sont élevés, les entreprises doivent offrir des coupons plus coûteux. Pour un émetteur stressé en sortie de crise, il est plus judicieux de concilier les deux mondes en émettant des obligations convertibles ce qui lui permet de diviser ses coupons par deux et, via le droit de conversion, de diminue la dilution des actions.

Note de la rédaction: Cette interview a réalisée le 19 mars, sur les valorisations disponibles en date du 17 mars.