Leadership suisse: attrape-moi si tu peux!

Levi-Sergio Mutemba

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La Suisse demeure l’option incontournable des banques et émetteurs internationaux, selon le président de l’Association Suisse des Produits Structurés (ASPS), Georg von Wattenwyl.

Le marché asiatique des produits structurés, pour ne citer que celui-ci, monte en puissance, à mesure que le nombre de ses millionnaires s’accroît et que l’innovation financière s’y intensifie. Cela va sans dire. Mais pas au point de menacer la place financière en tant que destination privilégiée pour les émetteurs, les gestionnaires d’actifs et leurs clients. Georg von Wattenwyl, président de l’ASPS nous en livre les raisons en marge de la conférence Structured Products Insights organisée par Allnews le 23 avril.

Depuis la Grande Crise Financière de 2007-2008, de nouveaux marchés de produits structurés se sont développés, en particulier en Asie. Dans quelle mesure ces marchés concurrencent-ils la Suisse dans le domaine des produits structurés?

En réalité, les marchés de produits structurés sont difficilement comparables entre eux en raison de leurs spécificités propres, qui ne peuvent pas être nécessairement réplicables, mais également en raison du manque de données fiables nous permettant d’établir des comparaisons pertinentes. Je dirais, en revanche, qu’il est possible d’identifier certains développements au sein de l’industrie globale des produits structurés et constater leurs différents positionnements.

En me basant sur ma propre expérience professionnelle dans diverses parties du monde, je peux affirmer sans ambages que le marché asiatique n’est pas comparable au marché suisse. Que ce soit en termes d’innovation, et du mode d’intégration des innovations au sein du marché, ou termes organisationnels. A ce titre, la Suisse est et demeure le leader avéré, ce qui se reflète dans la taille du marché et le volume des transactions, par exemple. Ceci s’explique notamment par la forte demande de produits de la part d’acteurs institutionnels étrangers actifs dans la gestion de fortune. Nombreux sont ceux qui ont établi leur siège en Suisse et qui y déploient leurs plateformes de gestion.

Un autre avantage décisif réside dans le régime réglementaire suisse. Celui-ci est libéral et ne fait pas de paternalisme vis-à-vis des investisseurs. Notre cadre réglementaire présente également la flexibilité nécessaire qui favorise l’innovation financière. Et ce, alors même que nous nous trouvons au sein d’une Europe où la pression réglementaire est relativement élevée concernant les produits structurés. Enfin, j’évoquais le facteur technologique, mais je dois préciser que notre technologie de pointe est ce qui permet aux banques, aux émetteurs, aux gérants d’actifs et à tout autre type d’investisseurs de se connecter avec aisance à notre place financière, et en particulier dans le segment des produits structurés. Cela se reflète notamment dans l’augmentation constante du nombre de membres étrangers ou internationaux de notre association.

«Notre régime réglementaire s’appuie sur le principe selon lequel l’investisseur est suffisamment mûr et capable de prendre des décisions informées»

Vous avez évoqué le facteur réglementaire. Dans quelle mesure est-ce que cela pourrait constituer un défi ou une opportunité pour le marché suisse, sachant que la réglementation est en constante évolution à l’échelle globale?

L’atout majeur du cadre réglementaire suisse réside dans le fait qu’il privilégie la responsabilité individuelle des institutions financières plutôt qu’un contrôle excessif de leurs activités. Des règles claires et strictes sont évidemment essentielles afin de protéger les investisseurs, mais elles doivent également offrir une place suffisante à la liberté entrepreneuriale et à l’innovation. Il est clair que la réglementation s’intensifie un peu partout dans le monde. Mais, en Suisse, cette intensification est modérée, dans la mesure où notre régime réglementaire s’appuie sur le principe selon lequel l’investisseur est suffisamment mûr et capable de prendre des décisions informées, lorsqu’il dispose de toute l’information nécessaire. Ce qui constitue un avantage pour notre place financière en général qui, selon moi, s’avère moins contraignante en termes réglementaires que la Directive Européenne sur les Marchés Financiers ou MiFID ou d’autres réglementations.

Quelles sont les exigences fondamentales auxquelles un émetteur potentiel doit répondre s’il entend s’imposer sur le marché des produits structurés?

Emettre un produit structuré implique systématiquement un risque de contrepartie. Par conséquent, la solidité du bilan constitue un facteur crucial, au-delà de sa simple taille. L’émetteur doit en outre pouvoir se conformer aux exigences réglementaires entourant la trésorerie et disposer de liquidités suffisantes, dans la mesure où la plupart des produits structurés sont des instruments de dette contingente. Ces critères sont fondamentaux pour rassurer le client.

Il est cependant important de rappeler qu’il est devenu infiniment plus aisé d’entrer sur le marché des produits structurés par rapport ce que c’était il y a à une ou deux décennies. Et ce, essentiellement grâce au développement technologique. En effet, auparavant, une institution financière devait pouvoir couvrir l’ensemble des fonctions de la chaîne de valeur, de la structuration du produit à sa distribution, en passant par le pricing et d’autres étapes clés. De nos jours, en effet, les partenariats stratégiques en marque blanche se multiplient, où l’entité responsable de la structuration du produit n’est pas nécessairement la même que celle chargée de le distribuer, d’en assurer le négoce ou d’en gérer le cycle de vie.

Comment le taux de pénétration des produits structurés a-t-il évolué auprès des investisseurs individuels au cours des dernières années? Ont-ils acquis un poids plus significatif qu’auparavant?

Aucune donnée précise ne nous permet d’évaluer cette progression avec exactitude. Mais, sur la base des quelques chiffres dont nous disposons sur ce point, je dirais que l’évolution est stable, sans grand changement par rapport à la décennie précédente. Ce qui s’avère toutefois nettement observable est la qualité de l’allocation des produits par ces investisseurs retail. Ceux-ci sont mieux informés et plus prudents, notamment grâce à une industrie devenue plus mature, mieux régulée. Parallèlement à cela, les émetteurs sont également beaucoup plus transparents en termes de divulgation et d’évaluation des risques vis-à-vis de leurs clients.

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