«La guerre commerciale ne va pas évoluer vers une guerre des monnaies», estime Nitesh Shah, directeur de recherche chez WisdomTree.
D’ici 2021, les taxes douanières américaines devraient impacter le PIB chinois de 0,8%1. Cette année, le renminbi s’est rapidement déprécié et a perdu 8%. La Chine pourrait-elle utiliser la dévaluation compétitive de sa monnaie en tant qu’arme dans la guerre commerciale, comme elle l’a fait en 2015? Pour Nitesh Shah, directeur de recherche chez WisdomTree, la Chine ne va pas se risquer à entrer ouvertement dans une guerre des devises. Néanmoins ses ripostes contre les États-Unis vont créer plus de volatilité sur le marché des métaux. Éclairages.
Depuis le début de l’année, le parcours des métaux industriels a été volatil et nombre d’entre eux ont déjà baissé. Ceci nous semble étonnant car sur quatre ans, les taxes douanières punitives représenteront moins de 1% du PIB mondial. Nous sommes dans la brume du rallye! Après chaque annonce, nous assistons à un mouvement de baisse car le marché se concentre sur la disruption de la demande. Puis s’ensuit un rallye qui indique que la disponibilité de métal va se resserrer.
devrait avoir un effet positif sur les prix.
Mais, par définition, une taxe est une tension sur l’offre, ce qui devrait soutenir les prix à la hausse. Les taxes douanières devraient donc être favorables pour les cours! Par ailleurs, l’industrie américaine, qui dépend des métaux, devra trouver de nouvelles sources d’approvisionnement et ceci implique un coût qui n’est pas encore reflété dans le prix du métal. L'interruption de l'approvisionnement devrait également avoir un effet positif sur les prix. Quant au volume des échanges, il est peu probable que le protectionnisme les réduise.
L'impact du premier round de négociations sur les tarifs douaniers a été minime mais ses répercussions sur le sentiment de marché pourraient s’avérer préjudiciables. Maintenant que les marchés connaissent enfin l'importance des hausses des taxes douanières, nous devrions assister à une reprise du rallye.
Une guerre des monnaies est peu probable. La Chine a laissé sa devise se dévaluer mais elle n’est pas intervenue directement sur le marché des changes. Bien que le renminbi soit utilisé comme outil de représailles, la Banque populaire de Chine (BPC) affirme qu'elle ne procède pas à une dévaluation compétitive même si elle l’a fait dans le passé. Il y a un parallèle à faire avec la stratégie militaire: ce n’est pas parce que l’on possède l’arme nucléaire que l’on va l’utiliser!
Mais il est clair que cette dévaluation a compensé l'augmentation du coût des importations en provenance des États-Unis. Par ailleurs, c’est la dynamique du marché qui a conduit à une dépréciation du renminbi car cette dernière est liée au ralentissement de l'économie chinoise. En outre, l’endettement des entreprises et les écarts des taux d’intérêt pèsent également sur la devise. D’ailleurs, la dévaluation n’est plus une politique mentionnée par le gouvernement qui a fait la promesse de ne plus jamais l’utiliser comme arme commerciale. Enfin, si la Chine l’avoue publiquement, d’autre pays vont faire de même et nous allons rentrer dans une spirale. Mais la Chine ne dévaluera plus sa devise parce qu’elle ne peut plus se le permettre.
dans le sens qu’elle n’a pas de cible d'inflation.
En premier lieu, la Chine détient trop d’actifs en dollars mais surtout elle tient à améliorer sa réputation en tant qu’acteur international. Elle souhaite voir le renminbi devenir non seulement une devise de choix en Asie mais aussi une devise de réserve mondiale. D’ailleurs, elle a posé un jalon symbolique en incluant sa monnaie dans le panier de devises du FMI et ne peut donc plus la manipuler à sa guise.
En maintenant un cadre relativement souple, la Chine va à contre-courant mais elle a une position unique dans le sens qu’elle n’a pas de cible d'inflation. Elle pourrait néanmoins être forcée de relever ses taux si le différentiel de taux devenait trop important.
Les États-Unis resteront toujours le pays dominant et la Chine, le plus gros importateur et consommateur net. La question est de savoir combien de temps les États-Unis pourront résister à la hausse des tarifs douaniers. Le coût des importations augmente, et ils auront du mal à diversifier leurs sources d’approvisionnement. La fluidité est l'élément clé. En politique commerciale, il est indispensable d’arriver à un accord. La Chine devient moins mercantiliste et elle est moins axée sur l'export que sur la consommation intérieure. De plus, elle exporte son savoir-faire et promeut les infrastructures régionales.
Si les États-Unis sont capables de capter la croissance économique, cela aura un impact positif sur le dollar. Mais de nombreux produits commencent à voir leurs coûts grimper et les derniers chiffres de l’emploi du secteur manufacturier indiquent un ralentissement. Il y a clairement une perte de dynamisme de l'économie américaine et un ralentissement économique pèserait sur le dollar.
Les États-Unis appliquent un tarif bilatéral et sont les seuls à appliquer ce contrôle protectionniste. Ils seront les perdants face à cette position qui consiste à financer les produits à l'échelle nationale. Mais cette guerre commerciale ne va pas évoluer vers une guerre des monnaies, même s’il s’agit d’une arme potentielle. La Chine veut être considérée comme un véritable défenseur du commerce mondial.