La numérisation est une chance pour la banque privée

Yves Hulmann

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Pour Georg Schubiger, responsable de la gestion de fortune chez Vontobel, le conseil restera essentiel dans les dossiers complexes.

L’intégration de Notenstein La Roche au sein de Vontobel, l’impact de la numérisation sur les activités de gestion de fortune et la prise en compte des aspects liés à la durabilité sont quelques thèmes au cœur des activités de Georg Schubiger, membre du comité exécutif et responsable de la gestion de fortune (Head Wealth Management) chez Vontobel. Entretien.

En 2018, l’événement marquant au sein de Vontobel a été la reprise de Notenstein La Roche. L’intégration de l’ancienne filiale de Raiffeisen est-elle maintenant terminée? 

Techniquement, l’intégration des activités de Notenstein La Roche a pu être réalisée en moins de trois mois. S’agissant de la prise en charge des clients par les conseillers à la clientèle, le processus nécessite évidemment un peu plus de temps car l’aspect relationnel est essentiel dans la gestion de fortune. Néanmoins, on peut dire que la plus grande partie de l’intégration de Notenstein La Roche est maintenant terminée. Lors de telles acquisitions, il est important que les choses se fassent rapidement pour assurer une continuité et afin de renforcer la confiance des clients.

«Un établissement comme Vontobel
garde toujours les yeux ouverts en vue d’éventuels rachats.»
Avez-vous songé à maintenir la marque Notenstein La Roche au sein de Vontobel? 

Non, car nous avons une politique de marque unique au sein de notre unité Wealth Management. De plus, Vontobel est une marque connue en Suisse.

Envisagez-vous d’effectuer d’autres acquisitions?

Un établissement comme Vontobel garde toujours les yeux ouverts en vue d’éventuels rachats, que ce soit dans la gestion de fortune ou dans la gestion d’actifs. Outre le seul aspect de la taille de la société rachetée, plusieurs autres critères doivent toutefois être satisfaits. Des synergies suffisantes doivent être obtenues, une culture d’entreprise compatible est nécessaire et il y a bien entendu aussi la question du prix. Actuellement, nous concentrons notre attention sur le fait que l’intégration de Notenstein La Roche porte ses fruits.

Vous avez aussi conclu l’automne dernier un partenariat stratégique avec Lombard Odier concernant la clientèle américaine. Comment cette collaboration fonctionne-t-elle?

Ce partenariat prévoit la reprise du portefeuille de clients privés internationaux de Lombard Odier qui résident aux États-Unis. Dans ce cadre, les clients privés de Lombard Odier domiciliés outre-Atlantique sont conseillés par notre filiale Vontobel Swiss Wealth Advisors. Grâce à cette collaboration, Lombard Odier peut proposer à ses clients américains – ou plutôt ceux que l’on définit comme des «US Person» – une solution dans la gestion de fortune. Lombard Odier recommande ainsi Vontobel à ses futurs clients privés domiciliés aux Etats-Unis qui sont à la recherche d'un gestionnaire de fortune suisse déjà enregistré auprès des autorités américaines. C’est une transaction attrayante pour les deux parties.

«Il était très important pour les clients de savoir que notre établissement
n’était pas accusé de quoi que ce soit dans ses activités avec les Etats-Unis.»
Lors des négociations sur le dossier fiscal avec les autorités américaines en 2013, Vontobel avait choisi, dès le départ, de se placer dans la catégorie 3 du programme américain (ndlr: les banques qui estimaient ne pas avoir violé le droit américain). Votre banque a-t-elle bénéficié par la suite d’avoir fait ce choix dans le cadre de ses relations avec la clientèle américaine? 

Oui, dans tous les cas. Ça a été un grand avantage de pouvoir dire à notre clientèle: chez Vontobel, vous pouvez dormir tranquillement en tant que client car nous respectons le cadre légal. Il était très important pour les clients de savoir que notre établissement n’était pas accusé de quoi que ce soit dans ses activités avec les Etats-Unis et que nous n’étions pas impliqués dans une quelconque procédure juridique, à l’issue incertaine. Cela, d’une part, car, comme on le sait, les clients n’aiment pas l’incertitude. D’autre part, parce que les clients – et c’est encore plus vrai pour ceux issus de la jeune génération - apprécient aujourd’hui que les choses se fassent dans les règles, qu’il s’agisse de règles d’ordre juridique – la législation américaine par exemple - ou morales – la préservation de l’environnement par exemple. 

Les aspects liés à la durabilité et l’intégration des critères ESG sont actuellement sur toutes les lèvres. Qu’en est-il chez Vontobel? 

Effectivement, la prise de conscience à propos des questions liées à la durabilité a changé ces dernières années. La sensibilité concernant les aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance a augmenté. Les gens veulent, certes, continuer d’investir mais ils refusent que cela nuise à l’environnement ou à la société. Et c’est d’autant plus le cas pour la jeune génération, qui commence progressivement à avoir aussi son mot à dire en matière d’investissements.

Avez-vous des produits ou solutions spécifiques destinés à la plus jeune génération parmi vos clients? 

Il faut faire attention à ne pas trop schématiser en répartissant les clients dans différentes catégories selon leur âge. Il y a aussi beaucoup de gens âgés qui sont très sensibles aux questions de durabilité – il ne faut pas jouer les jeunes contre les vieux. Je pense qu’il faut tenir compte les aspects de durabilité en matière d’investissement parce qu’il s’agit, d’une part, de problèmes sérieux et, d’autre part, parce que l’on peut contribuer à améliorer les choses.

«Nous sommes la première banque en Suisse qui signale à nos clients
quels produits structurés sont en conformité avec les critères ESG.»
Sur la base de quelle approche travaillez-vous dans le domaine ESG? 

En matière de développement durable, il existe des dizaines d’approches différentes. On ne peut pas se limiter à utiliser une approche basée seulement sur l’exclusion, par exemple, ou alors uniquement s’intéresser à l’investissement d’impact. On doit tenir compte de toutes les sensibilités et de tous les besoins des clients. Chez Vontobel, nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur l’expérience acquise dans ce domaine par Vescore, qui s’est très tôt intéressé à l’investissement durable. En plus, nous avons la possibilité de mettre à profit l’expertise dont nous disposons dans des domaines spécifiques, comme les produits structurés, en intégrant la notion de durabilité directement dans leur conception et leur mise en œuvre. Nous sommes la première banque en Suisse qui signale à nos clients quels produits structurés sont en conformité avec les critères ESG. Nous ne voulons pas nous limiter à sélectionner quelques actions d’entreprises bien notées d’un point de vue ESG, pour les empaqueter ensuite dans un certificat. Il s’agit, plus généralement, de s’assurer que l’ensemble des éléments – actions, obligations, indices, etc. - qui entrent dans la composition d’un produit structuré soient tous conformes d’un point de vue ESG.

Quelle est l’importance de la Suisse romande pour Vontobel et quels développements anticipez-vous? 

Au contraire de certains établissements qui ont eu tendance à réduire leur réseau de succursales ces dernières années, c’est l’inverse qui se passe chez Vontobel pour la Suisse romande. Outre notre présence historique à Genève, nous l’avons aussi complétée récemment à Lausanne via la reprise des activités de Notenstein La Roche. Nous disposons ainsi d’une présence sur l’ensemble du territoire helvétique, soit sur treize sites en tout.

«La numérisation nous permet de rester plus facilement en contact avec les clients,
de réagir plus rapidement, plus simplement et à moindre frais.»
La gestion de fortune est désormais concurrencée par de nouvelles plateformes numériques, partiellement ou entièrement automatisées comme les néo banques ou les «robo advisors», qui proposent aussi des solutions de placement à très faibles coûts. Craignez-vous cette concurrence? 

Nous devons bien entendu tenir compte de l’évolution technologique liée à la numérisation qui transforme les activités de gestion de fortune, tout comme de nombreux autres domaines. Toutefois, numérisation ou pas, deux aspects restent inchangés – notre activité consiste à conseiller des clients et à investir pour eux. Côté opportunité, la numérisation est une grande chance dans un secteur d’activité comme le nôtre car il nous permet de distribuer et d’exporter nos services à très peu de frais supplémentaires. Elle nous permet de rester plus facilement en contact avec les clients, de réagir plus rapidement, plus simplement et à moindre frais. Et cela non seulement sur les marchés ou nous sommes déjà présents mais aussi dans le monde entier.

Et quels sont les risques liés à la numérisation pour un établissement comme Vontobel?

Comme n’importe quelle autre banque ou prestataire de services, nous devons rester attentifs à toute technologie ou à tout nouvel acteur qui est susceptible de se placer entre nous et le client. Nous devons veiller à ce que certaines parties de notre chaîne de valeur ne soit pas captées par d’autres acteurs. De nombreux nouveaux acteurs – qu’on les appelle fintech ou autrement – cherchent à entrer dans les activités qu’ils jugent les plus intéressantes. La technologie est à la fois une chance et un danger. Toutefois, s’il est aujourd’hui relativement facile de placer 200’000 francs de manière diversifiée à l’aide d’une plateforme, le rôle du conseil en matière d’investissement reste essentiel pour les profils de clients plus complexes, par exemple des entrepreneurs qui possèdent une société et qui sont actifs dans plusieurs pays, des gens qui ont une fondation, des couples ayant des enfants dans deux familles différentes. Pour tous ces profils, il n’est pas possible de confier simplement son argent à une plateforme automatisée en attendant qu’elle fasse le travail.