Comment préserver le patrimoine océanique

Salima Barragan

3 minutes de lecture

Performances financières et impacts sont corrélés, estime Luc Olivier chez LFDE.

L’économie bleue génère une production annuelle de biens et de services évaluée à 2’500 milliards de dollars. Mais lors de son exploitation commerciale, le patrimoine océanique subit des dégradations irrémédiables. C’est pourquoi la LFDE a inclus la thématique de l’eau dans sa stratégie sur le climat et la biodiversité lancée en 2020. En marge des 3e Rencontre sur le Climat et la Biodiversité qui s’est déroulée la 28 novembre à Paris, Luc Olivier, gérant d’Echiquier Climate & Biodiversity Impact Europe, répond aux questions d’Allnews.

LFDE organise annuellement une Rencontre sur le Climat et la Biodiversité à Paris. En quoi consiste-t-elle?

Cette initiative a été lancée en 2020 dans l’idée de réunir entreprises, experts et clients, afin que ces acteurs puissent échanger et créer des leviers d’engagement. Lors de la dernière édition, sur le thème de l’eau, nous avons convié dans le cadre de trois ateliers de travail, dix entreprises, ainsi qu’une quinzaine de clients institutionnels ayant un intérêt pour les enjeux liés au climat et à la biodiversité. Lors d’une table ronde, organisée après ces ateliers, nous avons notamment convié le fournisseur d’eau et de gestion des déchets Veolia et la société Kumulus Water, qui crée de l’eau potable à partir d’air.

Comment Veolia travaille-t-elle à préserver l’eau?

Veolia s’efforce notamment à limiter les fuites des systèmes de distribution d’eau. Malgré la relative abondance d’eau, nos pays enregistrent des écarts extrêmes entre sécheresse et abondance, d’où l’adaptation du réseau afin de répondre à un enjeu de stabilité. Une proportion de 20% de l’eau est en effet perdue lors de son passage dans les tuyaux de distribution. Véolia place des capteurs afin d’identifier les points de fuites d’eau.
Le groupe développe aussi des solutions afin de réutiliser les eaux usées, une pratique encore très faible en France, contrairement à l’Espagne qui réutilise plus de 10% des eaux usées. Différents lobbys français font pression à ce sujet.

Par quel procédé, la société privée Kumulus Water fabrique-t-elle de l’eau à partir de l’air?

En s’inspirant de la rosée du matin, cette start-up, une deep tech, a développé une technologie de pointe captant l’humidité de l’air pour la transformer en eau potable . Le système, alimenté par des panneaux solaires, permet de condenser l’air à une température précise : le point de rosée. L’air se transforme ainsi en gouttelettes.

Quelle est votre principale préoccupation pour les années à venir au sujet de l’or bleu?

Nous sommes face à une double problématique: la quantité et la qualité de l’eau.

L’eau de source représente moins de 1% de l’eau totale et elle est principalement répartie parmi les pays riches, accentuant ainsi les enjeux sociaux.

La qualité de l’eau est un sujet central, sachant que la totalité des pollutions chimiques impactera l’eau. L’écosystème marin souffre déjà dramatiquement du mercure, du plastique, des particules de microplastique ainsi que PFAS; ce fameux polluant éternel.

Comment investissez-vous dans le thème de l’eau?

Au sein de notre stratégie dédiée au climat et à la biodiversité, nous avons identifié 3 types d’entreprises qui agissent en faveur de ces enjeux.

Nous y retrouvons des sociétés qui apportent des solutions concrètes, contribuant directement aux Objectifs de Développement Durable (ODD) de l’ONU, l’ODD 6 sur l’eau propre et l’ODD 14 sur la vie aquatique par exemple, à l’instar de Véolia et de Kemira, leader finlandais dans les solutions de traitement de l’eau, qui propose notamment des produits écologiques permettant d’épurer l’eau.

Nous sélectionnons également des entreprises pionnières, dotées de stratégies ambitieuses, y compris dans des secteurs pas ou peu représentés dans la plupart des fonds traditionnels. Leur impact systémique touche en effet tout leur écosystème. Enfin, nous nous intéressons aux entreprises en transition, qui utilisent de l’eau dans leur production et proposent déjà des solutions, ainsi que des sociétés consommatrices d’eau, sur lesquelles nous aurons un impact maximum. Nous leur fixons des objectifs d’engagement, et les aidons à accélérer leur empreinte sur l’eau.

Qui sont ces acteurs de la transition?

Les semi-conducteurs, la beauté et l’agriculture sont de grands consommateurs d’eau. Ils doivent trouver des solutions afin de diminuer leur débit.

Le groupe L’Oréal s’est penché sur le sujet. Il s’est fixé l’ambitieux objectif de réduire la consommation d’eau de 25% dans le cadre de la fabrication de ses produits. De même, 100% de l’eau utilisée pour réaliser les opérations via un procédé industriel est réutilisée dans des circuits fermés. Depuis 2005, le groupe a réduit la moitié de cette consommation d’eau.

Autre exemple avec la société française Soitec, qui fabrique des substrats pour semi-conducteurs, et qui a commencé un engagement pour développer une politique sur l’eau qui s’applique à toute la chaine de valeur.

Comment conciliez-vous performance financière et impact positif?

Notre stratégie poursuit un double objectif : générer une performance financière et un impact positif. Elle se base sur une méthodologie propriétaire, et l’ensemble des engagements et des résultats d’impact sont publiés annuellement. Nous présentons l’impact de la même façon que les performances financières, même si ces dernières sont plus faciles à visualiser.

Nous avons observé une corrélation positive entre impact et performance financière, liée à la croissance du chiffre d’affaires et des marges des entreprises vertueuses, car elles créent des synergies très fortes sur le plan financier. L’intégration des enjeux se traduit généralement par une augmentation des ventes. Cependant, les taux d’intérêt élevés peuvent créer des évolutions passagères de leur cours de Bourse en dent de scie.

Dans un contexte d’inflation, quelles sociétés privilégiez-vous?

Dans ce contexte d’inflation et de taux élevés, nous privilégions les valeurs défensives bénéficiant d’un pricing power élevé, telles que L’Oréal.

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