Les placements en dette des marchés émergents monte en flèche

Nick Tolchard, Invesco Fixed Income

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Etude mondiale sur la gestion obligataire d’Invesco: une majorité des professionnels est préoccupée par la liquidité du marché obligataire, une tendance amorcée avant le COVID-19.

Invesco publie aujourd'hui les résultats de sa troisième étude annuelle mondiale sur la gestion obligataire1, un rapport approfondi fondé sur les entretiens menés auprès de 159 CIO et détenteurs d'actifs obligataires à travers le monde.

L’étude révèle notamment que:

  • 72% des investisseurs sont désormais exposés à la dette émergente contre 49% dans l'étude de 2018;
  • 54% des répondants pensent aujourd’hui que l'analyse ESG peut libérer de la valeur cachée dans l’obligataire;
  • la majorité (51%) a exprimé des inquiétudes concernant la liquidité du marché obligataire, et leur incertitude concernant la façon dont les marchés obligataires se comporteraient pendant des périodes plus difficiles;
  • enfin, près de la moitié (43%) des répondants pensaient au moment de l’enquête que la fin du cycle haussier record adviendrait dans un an ou moins.

L'étude a été menée auprès d'investisseurs obligataires en Amérique du Nord, dans la région EMEA et dans la région Asie-Pacifique (APAC), dont les encours combinés s'élèvent à 20 000 milliards de dollars (au 31 décembre 2019). Les répondants exerçaient au sein de fonds de pension, de fonds souverains, de sociétés d’assurance, de banques privées, de sociétés de gestion de fonds diversifiés, de multi-gestionnaires et de concepteurs de modèles. Les principales conclusions sont les suivantes:

A mesure que l'intérêt pour la dette des marchés émergents continuait de croître, les investisseurs sont devenus plus sélectifs, se tournant vers des allocations spécifiques à chaque pays.

L'étude constate une nouvelle année d'intérêt croissant pour la dette émergente (EMD). Un momentum solide, des rendements relativement attractifs et une diversification renforcée ont conduit les investisseurs à augmenter leur exposition au secteur. 72% des investisseurs ont désormais une allocation en dette émergente contre 49% dans l'étude de 2018, soit une augmentation de 47%. Cette augmentation a été menée par les investisseurs des régions EMEA et APAC: 80% et 89% d’entre eux ayant respectivement une allocation en EMD, contre seulement 51% en Amérique du Nord. De plus, parmi les investisseurs ayant investi en EMD, l'allocation moyenne est beaucoup plus élevée dans l'Asie-Pacifique (APAC) (7,2%) et l'Europe, Moyen-Orient et Afrique (EMEA) (6,5%) qu'en Amérique du Nord (3,6%).

La spécialisation est également en hausse, notamment chez les investisseurs attirés par les rendements (plutôt que par la diversification), qui priviligient des allocations ajustées à chaque pays (63%). 42% des investisseurs gérant une allocation EMD sont intéressés par la Chine, encouragés par la conviction que l'économie et le système politique chinois offrent des avantages uniques en matière de diversification et de moindre obstacles à l'investissement: 62% des investisseurs estiment que l'accès est moins difficile qu'il y a deux ans.

«Du fait des faibles rendements générés par leurs portefeuilles de base, les investisseurs de la région EMEA se sont concentrés sur la dette émergente pour augmenter leurs performances. 69% de ceux qui y ont investi l'ont fait pour générer davantage de rendements, contre seulement 25% des investisseurs nord-américains, qui ont tendance à considérer l'EMD comme un instrument de diversification», explique Nick Tolchard, responsable EMEA d'Invesco Fixed Income.

Il complète: «De plus, les investisseurs ne considèrent plus la dette émergente comme une classe d'actifs monolithique. Nous constatons aujourd’hui un intérêt accru pour des marchés spécifiques. Une tendance qui devrait se confirmer sur le long terme. Il est à noter que les titres obligataires chinois, en particulier, sont l'une des classes d'actifs les plus performantes cette année, battue seulement par les bons du Trésor américain.»

L'ESG consolide sa présence dans l’obligataire

Les investisseurs obligataires ont fortement amplifiéleur intégration des critères ESG: 80% des investisseurs de la région EMEA et 69% de ceux de la région APAC prennent ainsi en compte les facteurs ESG dans leurs portefeuilles obligataires, contre respectivement 51% et 38% en 2018. Au sein de ces portefeuilles, les investisseurs de la zone EMEA ont la plus forte proportion d'investissements ESG, avec 34% contre 22% en Amérique du Nord et 19% pour la région APAC. Les investisseurs nord-américains ont été les moins enthousiastes à l'égard des critères ESG, avec seulement 56% d'entre eux les intégrant dans leurs portefeuilles.

L'époque où les investisseurs considéraient l'adoption des principes ESG comme un obstacle à la performance des investissements est révolue. Seuls 3% des personnes interrogées dans le cadre de notre enquête sont encore de cet avis, alors que la moitié considèrent l'évaluation des risques ESG des émetteurs comme un outil important pour améliorer leurs rendements.  Les émetteurs qui ne tiennent pas compte des préoccupations environnementales - le «E» - et de gouvernance - le «G» - peuvent être confrontés à des coûts d'emprunt et de refinancement plus élevés, avec des conséquences évidentes sur la valorisation de ces titres par les investisseurs. 54% des répondants pensent aujourd’hui que l'analyse ESG peut libérer de la valeur cachée dans l’obligataire. Et 50% des investisseurs qui ont intégré l'ESG dans leurs portefeuilles obligataires soulignent l'amélioration du rendement comme un facteur clé en faveur de cette intégration.

Les investisseurs de la région EMEA sont les plus positifs: 52% déclarent que l'intégration des critères ESG dans leurs portefeuilles obligataires contribue aux rendements, tandis que seulement 2% (graphique 6) déclarent qu’elle constitue un inconvénient. Les investisseurs de la région EMEA sont également les plus optimistes quant à l'avenir des normes ESG, 34% d'entre eux estimant que ces considérations auront une «influence beaucoup plus importante» dans trois ans. Et seulement 15% d’entre eux estimant que les questions ESG n’auront pas plus de poids dans trois ans qu'elles n’en ont actuellement, soit la proportion la plus faible.

«De nombreux investisseurs supposaient que l'intégration des critères ESG compromettrait la performance, mais les perceptions ont changé. Toutes régions confondues, très peu d'investisseurs considèrent que leur intégration a entravé les rendements et, dans le cas de l'EMEA, une majorité (52%) déclare qu’elle les a améliorés», déclare M. Tolchard.

Il ajoute: «Reconnaissant les devoirs des investisseurs vis-à-vis de l'environnement et de la société dans laquelle ils opèrent, les trois quarts (75%) font référence à la responsabilité sociale comme principal moteur de l'intégration des facteurs ESG dans les portefeuilles. Plus des deux tiers (67%) citent également la volonté des diverses parties prenantes comme l'un des principaux facteurs motivant leur décision d'intégrer les critères ESG, démontrant à quel point cette question est devenue importante pour les détenteurs d'actifs et les investisseurs.»

De nouvelles approches aident à résoudre le paradoxe de la liquidité du marché obligataire

A la fin du dernier cycle haussier, les propriétaires d'actifs ont étendu leurs allocations aux catégories d'actifs non liquides. Pourtant, 51% d’entre eux ont exprimé des inquiétudes concernant la liquidité du marché obligataire, incertains de la façon dont les marchés obligataires se comporteraient pendant des périodes plus difficiles, par exemple l'introduction de réglementations telles que la loi Dodd-Frank ou le retrait des teneurs de marché traditionnels qui a suivi la crise financière mondiale. Ces préoccupations sur la liquidité ont entrainé un intérêt accru pour les stratégies qui peuvent contribuer à améliorer la liquidité et à réduire le risque, telles que la négociation de blocs directement entre clients via les ETF (utilisés par 59% des investisseurs), la négociation de portefeuilles de crédit (utilisée par 30% d’entre eux) et une plus large adoption de stratégies à échéance fixe (56%).

«Les investisseurs sont préoccupés par la liquidité et la réglementation, particulièrement depuis l'effondrement de la croissance provoqué par la pandémie», ajoute Nick Tolchard, responsable EMEA d’Invesco Fixed Income. «Beaucoup considèrent les stratégies à échéance fixe comme un bon moyen d'exploiter des primes de liquidité supplémentaires, tout en limitant les coûts et en générant des rendements stables et prévisibles. Nous avons constaté que 56% des investisseurs y ont recours, dont 72% des fonds de pension et 66% des assureurs.»

Une prudence renforcée en prévision de turbulences sur les marchés

Les investisseurs obligataires faisaient preuve d’une aversion croissante pour le risque avant même la crise du Covid-19 qui s’est déclarée au premier trimestre 2020. Près de la moitié (43%) des répondants pensaient au moment de l’enquête que la fin du cycle haussier adviendrait dans un an ou moins, le consensus étant en faveur d'un atterrissage en douceur. 23% identifiaient alors une bulle sur le marché obligataire, tandis que 29% seulement craignaient un effondrement majeur des prix des obligations. Les politiques des banques centrales ont conduit à des rendements faibles voire négatifs, poussant certains investisseurs à prendre des risques supplémentaires pour soutenir les rendements et atteindre leurs objectifs. L’étude montre un marché en proie à la peur: la peur de perdre, mais aussi la peur de louper des opportunités. Malgré un certain regain d’appétit pour le risque en fin de cycle, la confluence des préoccupations concernant la fin du cycle et les craintes de guerre commerciale s’est traduite par des portefeuilles relativement bien protégés contre le choc pandémique actuel.   

«L'impression que les spreads se resserraient a poussé de nombreux investisseurs à prendre des positions prudentes. Compte tenu des ravages du Covid-19 sur les marchés, ces investisseurs peuvent être soulagés», conclut M. Tolchard. «Cependant, tous les investisseurs n'ont pas été si prudents, et certains doivent aujourd’hui gérer une forte volatilité dans des classes d’actifs traditionnellement considérées comme de haute qualité, par exemple les biens de consommation, le pétrole et le gaz, et les transports.»

 

1 Le rapport est disponible en cliquant ici.

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