Les «Trumponomics 2.0»

Charles-Henry Monchau, Banque Syz

5 minutes de lecture

A quelques semaines des élections présidentielles américaines, nous tentons ci-après de décrypter le programme économique et sociétal du candidat républicain à la Maison Blanche.

 

Aujourd’hui âgé de 78 ans, Donald Trump se lance dans sa troisième campagne pour la présidence. Son programme économique et sociétal, communément appelé «Trumponomics», est une extension des politiques qu’il avait introduites durant son premier mandat. Lors d’un rassemblement en Arizona en septembre, Trump a promis de «baisser les impôts, de réduire la réglementation, de faire baisser les coûts énergétiques, de maintenir des taux d’intérêt faibles et de maîtriser l’inflation». Cet article se penche sur les principes fondamentaux des Trumponomics.

Baisse des impôts

L’agenda fiscal de Donald Trump lors de son premier mandat reflétait son approche pro-business, notamment avec l’adoption de la loi Tax Cuts and Jobs Act (TCJA) en 2017. Cette législation a introduit les plus importantes modifications du code fiscal en 30 ans, notamment en réduisant le taux d’imposition des sociétés de 35% à 21%, en abaissant les taux d’imposition sur le revenu dans toutes les tranches, en augmentant la déduction standard et en élargissant le crédit d’impôt pour enfant. Une grande partie de ces baisses d’impôts expire en 2025.

L’heure tourne et Trump a clairement indiqué que s’il est réélu, il a l’intention de prolonger le TCJA, en réduisant encore davantage le taux d’imposition des sociétés, avec un objectif de 15%. Cela contraste fortement avec sa rivale démocrate, Kamala Harris, qui a proposé d’augmenter ce taux à 28%. Outre les entreprises, Trump cible également les retraités et les employés de col bleu. Pour les retraités, un électorat clé, il propose d’abolir les impôts sur les prestations de la Sécurité sociale. Pour les employés, il promet de supprimer les impôts sur les heures supplémentaires et les pourboires.

Selon le Tax Policy Center, les nouvelles baisses d’impôts proposées par Trump réduiraient, en moyenne, de 550 $ la charge fiscale des ménages américains. Toutefois, ce montant varierait considérablement en fonction du niveau de revenu, les principales bénéficiaires étant les ménages à revenus moyens et supérieurs. Les personnes à faibles revenus, en particulier les retraités, verraient peu de changements, car ils ne paient déjà pas d’impôts sur leurs prestations de Sécurité sociale.

L’approche économique de Trump ne se limite pas à la fiscalité. Lors d’un rassemblement à New York, il a abordé la question de l’endettement croissant des consommateurs et promis de plafonner temporairement les taux d’intérêt des cartes de crédit à 10%. À titre de comparaison, le taux moyen des cartes de crédit avoisine actuellement les 21%, tandis que celui des cartes de crédit des magasins de détail atteint un record de 30,45%. La dette des cartes de crédit a dépassé le seuil d’un trillion de dollars, et de plus en plus d’Américains éprouvent des difficultés à honorer leurs paiements.

«America First»

L’une des politiques les plus connues et controversées de Donald Trump est son projet de hausse généralisée des tarifs douaniers. L’ancien président soutient que cette politique permettrait de protéger les emplois américains et de renforcer l’industrie nationale. Son plan prévoit l’instauration d’un tarif universel de 10% à 20% sur l’ensemble des produits importés, ciblant ainsi 3 trillions de dollars d’échanges commerciaux annuels. Il propose également un tarif moyen drastique de 60% sur les importations chinoises, pouvant générer jusqu’à 2 trillions de dollars de recettes fiscales. En outre, Trump a promis un tarif punitif de 100% contre les pays qui renonceraient à utiliser le dollar comme monnaie de référence.

Un aspect particulièrement controversé de son plan est l’imposition d’un tarif de 100% sur les véhicules fabriqués en Chine et au Mexique. Cette politique pourrait avoir un impact majeur sur les constructeurs automobiles tels que General Motors et Ford, qui ont délocalisé une partie de leur production au Mexique pour profiter de coûts de main-d’œuvre plus faibles. Trump affirme que ces droits de douane permettront de rapatrier des emplois et des richesses aux États-Unis, déclarant: «Nous allons récupérer les emplois des autres pays... Nous allons ramener des milliers d’entreprises et des milliards de dollars en richesse en Amérique.» Fait intéressant, bien que sa proposition cible les constructeurs étrangers, des entreprises comme BMW, Mercedes et Volkswagen disposent déjà d’importantes installations de production aux États-Unis. En 2023, l’usine BMW de Spartanburg est devenue le principal exportateur automobile du pays, avec 10,1 milliards de dollars en véhicules expédiés et 11'000 employés. Trump a également ouvert la porte aux constructeurs automobiles chinois, à condition qu’ils s’engagent à produire leurs véhicules sur le sol américain et à embaucher des Américains.

Avec ces barrières commerciales, Trump vise non seulement à accroître les recettes fiscales pour compenser le manque à gagner provoqué par ses réductions d’impôts, mais également à remédier à la perte d’emplois dans le secteur manufacturier, qui a fortement diminué depuis l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce en 2001. La secrétaire au Trésor, Janet Yellen, estime que 2 millions d’emplois dans l’industrie manufacturière ont disparu au cours de cette période. Trump est persuadé que sa politique tarifaire agressive est la clé pour restaurer la puissance industrielle des États-Unis.

Cependant, de nombreux économistes mettent en garde contre les risques de représailles de la part de la Chine, qui pourrait à son tour augmenter les droits de douane sur les produits américains. Arthur Laffer, économiste et conseiller de Trump, affirme que cette stratégie vise à inciter les autres pays à négocier pour réduire leurs propres barrières commerciales.


Source: Visual Capitalist

«Drill, baby, drill»

Trump place la sécurité énergétique au-dessus des préoccupations climatiques. Il soutient que les énergies renouvelables sont peu fiables et coûteuses. Parmi ses principales promesses, il prévoit d’abroger l’Inflation Reduction Act de Biden, en particulier en supprimant les subventions pour les véhicules électriques, qu’il considère comme une menace pour l’industrie automobile traditionnelle. Il s’est également engagé d’interrompre le développement de l’éolien offshore «dès le premier jour» de son mandat et d’abolir les normes d’efficacité énergétique pour les appareils électroménagers, qu’il juge néfastes à la qualité des produits.

Sur le dossier du nucléaire, Trump se montre aligné avec l’administration Biden en soutenant le maintien des réacteurs nucléaires existants et la promotion de nouveaux petits réacteurs modulaires. Toutefois, son axe principal demeure l’expansion de la production d’énergies fossiles, en augmentant les forages domestiques, en allégeant les régulations, en accélérant les processus d’approbation des pipelines, et en reconstituant la Réserve stratégique de pétrole. Pour Trump, les réglementations gouvernementales et les accords internationaux sont des freins à la production énergétique et des moteurs de l’inflation. Il affirme qu’une politique de forage agressive pourrait réduire de moitié les coûts énergétiques. «L’inflation est en train de détruire notre pays et nos familles», a-t-il déclaré. «Sous mon administration, nous réduirons les prix de l’énergie et de l’électricité d’au moins 50% en 12 mois, 18 mois au maximum», a-t-il ajouté.

La relance du marché immobilier

La stratégie de Trump pour redresser le marché immobilier repose principalement sur la réduction des réglementations et l’augmentation de l’offre de logements. Lors d’un discours au Economic Club de New York, il a souligné que les réglementations augmentent de 30% le coût d’une maison neuve et s’est engagé à diminuer ces coûts en créant des zones à fiscalité ultra-basse et à régulations allégées, visant à stimuler le développement immobilier. Trump propose également d’accroître l’offre de logements en utilisant des terrains fédéraux pour des projets de développement à grande échelle. Ses propositions incluent des incitations fiscales pour les primo-accédants. Il relie aussi la question de l’accès au logement à l’immigration en promettant d’interdire l’octroi de prêts hypothécaires aux immigrés en situation irrégulière.

L’immigration sous Trump

La politique migratoire emblématique de Trump consiste à rétablir ses anciennes mesures frontalières et achever la construction du mur à la frontière mexicaine. S’il est réélu, Trump prévoit des expulsions massives d’immigrants en situation irrégulière et envisage d’invoquer l’Alien Enemies Act de 1798, qui lui permettra de déporter les «membres connus ou soupçonnés de gangs, trafiquants de drogue et membres de cartels».

De plus, Trump souhaite annuler des programmes comme le Temporary Protected Status (TPS) et le Deferred Action for Childhood Arrivals (DACA), ce qui pourrait entraîner l’expulsion de 1,4 million de personnes actuellement protégées par ces initiatives humanitaires. Il entend également restreindre l’immigration légale en réduisant le nombre de visas disponibles et en limitant l’entrée des travailleurs étrangers.

La santé sous Trump

Bien qu’il n’ait pas réussi à remplacer l’Affordable Care Act (ACA) durant son premier mandat, Trump reste déterminé à démanteler certains aspects de cette loi, notamment en réduisant les dépenses fédérales liées à Medicaid. Poursuivant ses efforts du premier mandat, il vise à baisser les prix des médicaments grâce à des régulations sur la transparence des prix. Pendant sa présidence, il a mis en place un programme volontaire plafonnant le prix de l’insuline à 35 $ par mois pour certains bénéficiaires de Medicare.

Concernant l’avortement, Trump a eu un impact indirect mais majeur en nommant trois juges à la Cour suprême, dont les décisions ont permis d’annuler Roe v. Wade. Cette annulation a mis fin à la protection fédérale du droit à l’avortement, renvoyant aux États la responsabilité de légiférer. Bien que Trump se soit distancé de l’idée d’une interdiction nationale de l’avortement, il soutient que chaque État devrait décider de sa propre législation sur ce sujet.

Elon Musk à la tête de l’audit fédéral?

Trump a proposé la création d’une commission spéciale dédiée à l’efficacité gouvernementale, qui serait chargée de réaliser un audit complet des finances fédérales, avec pour objectif d’identifier des économies potentielles de «trillions de dollars». Trump a exprimé son intention de nommer Elon Musk, milliardaire et magnat de la technologie, à la tête de cette commission, «s’il a le temps». Cette proposition suscite toutefois des préoccupations concernant d’éventuels conflits d’intérêts, notamment du fait que SpaceX, l’une des entreprises de Musk, est un important contractant gouvernemental.

Conclusion

Le Penn Wharton Budget Model estime que les politiques de Trump pourraient creuser les déficits de 5,8 trillions de dollars au cours de la prochaine décennie. Les baisses d’impôts proposées par Trump réduiraient considérablement les recettes fédérales, et les revenus additionnels issus des tarifs douaniers et des coupes dans les subventions aux énergies vertes ne suffiraient pas à combler ce déficit. Toutefois, les déficits ne constituent pas une préoccupation majeure si la croissance économique nominale est suffisamment élevée. Les républicains avancent que les réductions fiscales, l’augmentation de la production énergétique et de meilleurs accords commerciaux favoriseraient une croissance économique plus forte, ce qui pourrait, à terme, aider à alléger la charge de la dette croissante des États-Unis.


Source: Reuters

A lire aussi...