Les actions ont encore une marge de progression malgré le spectre de la stagflation

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Les données publiées aux USA ont fait craindre aux investisseurs un ralentissement de la croissance mais, l'inflation s'avère moins transitoire qu'espéré.

Les quinze derniers jour sont été marqués par la peur de la stagflation, alimentée par la flambée des prix de l'énergie. Les signes d'avancées dans les négociations budgétaires aux Etats-Unis ont permis aux actions d'achever la semaine dans le vert. Les rendements américains à dix ans ont augmenté de 13 points de base (pb), terminant au-dessus du seuil de 1,6% pour la première fois depuis juin. Depuis le point bas de début août, ils sont en hausse de 44 pb. Quels ont été les principaux déterminants de l'évolution des marchés?  

La peur de la stagflation...

Les données publiées aux Etats-Unis ont fait craindre aux investisseurs un ralentissement de la croissance mais, dans le même temps, l'inflation s'avère moins transitoire qu'espéré. L'indicateur GDPNow de la Fed d'Atlanta faisait état d'un fléchissement de la croissance au troisième trimestre à 1,3% le 5 octobre, contre une estimation de 3,2% dix jours plus tôt seulement. Sur le front de l'inflation, l'indice des dépenses de consommation personnelles (le baromètre de l'inflation préféré de la Fed) a mis en évidence une accentuation de la pression à la hausse des prix en août, à 3,6% en glissement annuel.

… accentuée par la flambée des prix de l'énergie…

Un parfait concours de circonstances a propulsé les cours des combustibles fossiles à des sommets pluriannuels. La demande d'énergie a enregistré un vif rebond avec le déconfinement. Les coupures d'électricité causées par la météo, les difficultés d'intégration avec les énergies renouvelables, les tensions géopolitiques et les goulots d'étranglement dans les chaînes d'approvisionnement ont également limité l'offre.

L'intensité en pétrole du PIB mondial a diminué de 25% depuis 1990 et de plus de 50% depuis le début des années 1970.

Les cours du gaz naturel en Europe (NBP au Royaume-Uni, TTF aux Pays-Bas) ont flambé de 330 à 410% cette année avec de nouveaux sommets historiques à la clé. Les cours de référence du charbon en Europe (ARA) et en Asie (Newcastle) ont atteint des sommets historiques à 200 USD/tm ou plus. Quant au pétrole brut, le cours du baril de Brent est désormais supérieur à 80 dollars, au plus haut depuis trois ans.

… contrebalancée par de timides avancées dans les négociations budgétaires aux Etats-Unis.

Le Sénat américain a donné son aval à un relèvement temporaire du plafond de la dette du gouvernement fédéral jusque début décembre après l'adoption d'une résolution permanente qui a permis aux administrations fédérales de rester ouvertes d'ici-là.

Même si ces mesures palliatives ne font que retarder l'échéance de huit semaines, elles ont permis d'éviter dans l'immédiat un défaut souverain technique et de gagner du temps pour que les démocrates et républicains se mettent d'accord sur le budget 2022.

Même si le point haut du cycle économique est peut-être passé, la croissance restera certainement solide dans les trimestres à venir et l'inflation enregistrera une décrue. Une stagflation compromettrait indéniablement ce scénario mais cette crainte semble excessive.

Rien à voir avec les années 1970…

La forte hausse des prix de l'énergie ralentira la croissance mais pas au point d'engendrer une récession car l'intensité en pétrole du PIB et l'impact du pétrole sur l'inflation (augmentation du revenu réel) sont aujourd'hui moins importants. Par exemple, l'intensité en pétrole du PIB mondial a diminué de 25% depuis 1990 et de plus de 50% depuis le début des années 1970, une décennie marquée par des chocs pétroliers qui ont engendré des récessions.

De plus, le pétrole représente un poste de dépenses moins important pour les consommateurs. Aux Etats-Unis, l'essence représentait 3,26% des dépenses de consommation personnelles en 2014 (à l'époque, les cours du pétrole tournaient également autour de 80 USD le baril), mais seulement 2,35% aujourd'hui, selon le Bureau of Economic Analysis.

L'augmentation actuelle des prix de l'énergie ne devrait avoir qu'un modeste impact sur la croissance et l'inflation.
... ni avec 2013

Historiquement, les erreurs commises par les responsables politiques sont souvent à l'origine des récessions. Aujourd'hui, les banquiers centraux sont réticents à agir prématurément et veulent éviter une réédition du «taper tantrum» de 2013. La semaine dernière, la présidente de la Banque centrale européenne Christine Lagarde a estimé qu'il fallait «se garder de surréagir aux pénuries ou à la hausse des prix de l'énergie, la politique monétaire n'ayant pas d'impact direct sur ces phénomènes».

La Fed a souligné qu'une réduction de ses achats d'obligations resterait conditionnée à la bonne tenue des indicateurs économiques. 194 000 emplois ont été créés aux Etats-Unis en septembre, un résultat inférieur aux prévisions, tandis que le chiffre du mois précédent a été revu en hausse de 131 000 postes. Le taux de chômage est tombé à 4,8%, contre 5,2% le mois précédent. Ces données mitigées ne sont pas incompatibles avec l'officialisation par la Réserve fédérale américaine de la réduction de ses achats d'obligations en novembre mais la Fed a précisé que cela ne présageait pas d'un relèvement immédiat de ses taux d'intérêt.

Qu'est-ce que cela implique pour les investisseurs?

Dans l'ensemble, l'augmentation actuelle des prix de l'énergie ne devrait avoir qu'un modeste impact sur la croissance et l'inflation. La donne pourrait néanmoins changer en cas d'hiver rigoureux dans l'hémisphère nord qui engendrerait une nouvelle flambée des prix de l'énergie. Cela serait de nature à perturber la production industrielle et à peser davantage sur la croissance du PIB.

Même si le Congrès américain a simplement repoussé de quelques semaines la décision sur le relèvement du plafond de la dette et les nouvelles mesures budgétaires, il est probable que les démocrates et les républicains parviendront à un compromis, qu'un défaut sera évité et qu'un nouveau plan de relance doté d'une enveloppe de 2000 à 2500 milliards de dollars sera adopté. Même si les marchés tablent sur une rallonge budgétaire, ce plan de relance n'aura pas un impact déterminant sur les marchés d'actions.

Dans le scénario de référence d’UBS, il y a toujours un potentiel haussier pour les actions et on peut recommander d'acheter les titres appelés à surfer sur la croissance mondiale, notamment ceux issus des secteurs de l'énergie et de la finance. Dans la mesure où la hausse des prix de l'énergie est en partie imputable à la baisse des investissements dans les combustibles fossiles, qui doivent encore être remplacés par des capacités de production suffisantes dans les énergies renouvelables, diversifier ses investissements dans les énergies traditionnelles, les métaux industriels et les technologies environnementales est un moyen réaliste de participer à la transition vers la neutralité carbone. 

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