Guy Barnard souligne l'importance croissante des secteurs «non fondamentaux» du marché immobilier dans un paysage foncier en pleine évolution.
Nos paysages urbains et péri-urbains sont parsemés d'une multitude de bâtiments de tous types. Bon nombre de ces édifices relèvent de l'un de cinq secteurs immobiliers que l’on pourrait qualifier de «fondamentaux»: industrie/logistique, appartements, bureaux, centres commerciaux/galeries marchandes régionales et hôtellerie/centres de villégiature. Traditionnellement, l'essentiel de l'exposition des investisseurs à l'immobilier s'est concentré sur ces secteurs immobiliers «fondamentaux». L'immobilier commercial et de bureaux représentent généralement à eux deux plus de la moitié du portefeuille de la plupart des fonds immobiliers classiques.
Or, si dans le passé, ces secteurs «fondamentaux» ont assuré aux investisseurs de bons rendements ajustés du risque, nous pensons que certains vents contraires structurels dans les secteurs des bureaux et des commerces de détail justifient l'exploration d'autres types d'investissements fonciers susceptibles de générer des performances élevées.
Les immeubles de bureaux impliquent des coûts d'entretien récurrents importants afin de conserver leur compétitivité. Ces coûts peuvent représenter jusqu'à 30% du revenu des actifs au fil du temps, ce qui réduit la performance d'investissement. En parallèle, dans de nombreux marchés, la demande de bureaux stagne, les locataires étant à la recherche de plus d'efficacité et de flexibilité, notamment en louant un minimum d'espace par employé et en exigeant des contrats de location plus courts.
Quant aux centres physiques de commerce de détail, ils font peut-être face à un défi plus important encore que les bureaux. En effet, compte tenu de l'essor considérable du commerce en ligne, les besoins d'espaces physiques de vente au détail diminuent sensiblement, comme en témoignent les 9 302 magasins de détail qui ont fermé leurs portes aux États-Unis en 2019 (un chiffre en hausse de 59% par rapport à 2018, selon Coresight Research). De nombreux propriétaires se retrouvent ainsi dans une situation concurrentielle défavorable, avec peu ou pas de pouvoir de fixation des prix, ce qui rend certaines surfaces commerciales obsolètes.
Notre conviction est que les taux de pénétration du commerce en ligne continueront leur progression dans la plupart des marchés développés, portés par la part croissante des dépenses de consommation des nouvelles générations qui adoptent pleinement ce mode d'achat comme en attestent les graphiques suivants.
Le marché des fonds de placement immobiliers (REIT), plutôt tourné vers l'avenir, admet déjà que la «marée montante ne soulèvera pas tous les bateaux». Par exemple, si les REIT américains ont généré une performance totale appréciable de 28,66% en 2019, ils ont également enregistré la deuxième plus forte dispersion intra-sectorielle des performances des quinze dernières années (2009 ayant été la plus forte sur cette période)1.
La combinaison du progrès technologique et de l'évolution démographique constitue une force irrésistible dont nous sommes convaincus qu'elle continuera à transformer le paysage de l'immobilier commercial dans les années à venir.
Bien que nous soyons constamment à la recherche de titres immobiliers sous-évalués indépendamment des segments de marché, les résultats de nos analyses prospectives indiquent que les segments immobiliers «non fondamentaux» semblent être en passe de dégager une croissance et des performances totales supérieures à celles des segments «fondamentaux» à moyen terme et que, par conséquent, les performances sectorielles observées en 2019 ne sont peut-être que le début d'une tendance plus longue. De même que la plupart des consommateurs n'écoutent plus de musique sur des cassettes audio, ne regardent plus de films en VHS et ne communiquent plus avec leurs amis par téléphone fixe, les investisseurs fonciers pourraient vouloir repenser leurs allocations exclusivement axées sur les segments «fondamentaux».
En revanche, nous pensons que l'immobilier spécialisé caractérisé par un rapport offre/demande intéressant, comme les parcs d'habitations préfabriquées, les locations de maisons individuelles gérées par des professionnels, les centres de données et les antennes-relais de téléphonie mobile, pour n'en citer que quelques-uns, offrent dès aujourd'hui et pour les années à venir des opportunités plus intéressantes.
Nous estimons que les REIT cotés garantissent aux investisseurs l'accès le plus complet, le plus rentable et le plus adapté aux segments immobiliers émergents qui devraient devenir les vedettes de demain. L'accès privilégié aux segments immobiliers spécialisés, qui représentent aujourd'hui environ 60% de la capitalisation boursière des REIT américains, est l'une des raisons principales qui explique comment ceux-ci ont pu dégager une performance annualisée de 10% depuis les débuts de l’«ère moderne des REIT» au milieu des années 19902. Tout comme les fonds immobiliers privés classiques, les REIT américains ont également généré des performances généralement faiblement corrélées aux classes d'actifs traditionnelles comme les actions et les obligations3. La divergence des performances des segments immobiliers «fondamentaux» et «non fondamentaux» devrait, selon nous, se poursuivre, voire même s'accentuer dans les prochaines années, à mesure que les besoins et les utilisations de l'immobilier continueront d'évoluer.