Générer de l’alpha au sein des petites capitalisations

Aberdeen Standard Investments

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Quels sont les inefficacités et les facteurs fréquents sur le marché australien des petites capitalisations qui permettent aux gérants d’actifs d’exploiter cet alpha potentiel?

Les opportunités de générer de l’alpha parmi les petites capitalisations ont été largement identifiées et acceptées. Mais quels sont les inefficacités et les facteurs fréquents sur le marché australien des petites capitalisations qui permettent aux gérants d’actifs d’exploiter cet alpha potentiel?

Le manque de couverture par les analystes constitue le premier facteur. Seuls cinq analystes effectuent des recherches sur Altium, la plus grande entreprise au monde du segment des petites capitalisations. À l’inverse, jusqu’à 34 analystes couvrent BHP Billiton. Un gérant actif qui effectue lui-même des recherches approfondies a plus de chances d’acquérir une meilleure compréhension d’une entreprise mal comprise, ou sous-estimée, par l’ensemble du marché. Il se crée alors une réelle opportunité de générer de l’alpha.

Le deuxième facteur est la structure du marché local. Les investissements sont fortement concentrés sur les très grandes capitalisations, les 20 premières entreprises cotées représentant 57% de l’indice ASX200. En revanche, les 20 premières entreprises du segment des petites capitalisations ne représentent que 12% de l’indice Small Ordinaries Index. La concentration sectorielle est également visible. Les banques et les compagnies minières représentent 50% du segment des grandes capitalisations. Si l’on supprime les 100 plus grandes entreprises, la concentration des actions diminue et l’exposition sectorielle change radicalement, offrant un éventail d’opportunités d’investissement plus équilibré, plus riche et plus diversifié.

Le troisième facteur concerne la fluidité des petites capitalisations, en particulier l’alternance constante des entreprises en tête du segment. Les 10 premières entreprises de l’indice Small Ordinaries Index présentent actuellement un fort biais en faveur du secteur des technologies. Il y a trois ans, la situation était totalement différente. De même, cinq et dix ans plus tôt, les dix premières valeurs étaient toutes des groupes miniers et énergétiques. En revanche, neuf des 10 premières valeurs de l’indice ASX200 occupaient déjà cette place il y a trois, cinq et dix ans. Cela met en évidence le besoin accru d’une construction de portefeuille bottom-up s’inspirant très peu de l’indice de référence afin de garantir un investissement performant et de qualité dans une optique à long terme.

La principale difficulté sur le segment domestique des petites capitalisations est que la performance est fortement orientée à la baisse. L’expérience montre que les entreprises australiennes du segment des petites capitalisations sont très volatiles et sont susceptibles d’enregistrer des performances extrêmement décevantes. Au cours des cinq dernières années, 52% des petites capitalisations de l’indice Small Ordinaries Index ont généré des performances négatives ; 31% d’entre elles ont vu leur valeur diminuer de moitié et seulement 12% ont doublé de valeur. Il s’agissait pourtant d’une période très porteuse marquée par une dette bon marché, de puissants facteurs macroéconomiques et une forte dynamique de marché.

Au cours de la même période, seulement 20% des entreprises de grande taille de l’indice ASX100 se sont inscrites en baisse et seules 2% d’entre elles ont perdu la moitié de leur valeur. Dans l’ensemble, les petites capitalisations australiennes ont sous-performé leurs homologues de grande taille au cours des 10 et 20 dernières années. Sur une base annualisée, l’indice Small Ordinaries Index a signé une performance de 7,4% sur 10 ans et de 5,6% sur 20 ans, contre 10% et 8,1% pour l’indice ASX200. Les investisseurs doivent être conscients de ce biais baissier ; il est tout aussi important d’éviter les déconvenues liées à certaines valeurs que de sélectionner celles qui affichent une performance régulière.

Une autre difficulté sur le segment des petites capitalisations réside dans la création de «mini-bulles spéculatives». Au quatrième trimestre 2017, nous avons été témoins d’un rebond spectaculaire de nos valeurs en portefeuille cotées et spécialisées dans l’extraction du lithium, sous l’impulsion de la thématique mondiale des véhicules électriques et de la demande potentielle de batteries au lithium qui en a découlé. Rien qu’au quatrième trimestre, le cours de l’action Pilbara Minerals a grimpé de 200% et celui d’Orocobre de 120%. Mais peu de temps après, leurs cours se sont effondrés. En 2015/début 2016, nous avons assisté à un rebond des prestataires de soins aux personnes âgées – Estia Health, Regis Healthcare, Aveo Group, Japara Healthcare – qui a coïncidé avec plusieurs introductions en bourse. Les années précédentes, il s’agissait de prestataires de services à la petite enfance. Ces secteurs n’ont pas connu de sort particulièrement favorable.

Actuellement, nous assistons à une nouvelle flambée des cours d’un certain nombre de valeurs technologiques. Ils possèdent même leur propre acronyme: les WAAAX (WiseTech, Appen, Altium, Afterpay et Xero). La question de savoir s’il existe des moteurs de croissance fondamentaux et durables à l’origine de cette envolée des cours ou s’il s’agit d’une nouvelle mini-bulle spéculative fera l’objet d’un autre article. Ce qui est clair, c’est que les investisseurs doivent éviter de se laisser entraîner par l’hystérie ambiante.

En général, les investisseurs perçoivent les petites capitalisations comme étant à la fois plus risquées et moins qualitatives. Ils craignent que leurs modèles économiques n’aient pas passé l’épreuve des différents cycles, qu’elles ne dépendent que d’un produit ou d’une marchandise, que leurs capitaux propres soient plus onéreux et qu’elles ne versent pas de dividendes. Cela peut être le cas. Mais en souscrivant à des hypothèses aussi générales, on risque aussi de passer à côté de réelles opportunités. Certaines petites entreprises affichent des bilans solides, des marges élevées, des positions de leader sur leur marché et d’excellentes équipes de direction. Nous citons ci-dessous deux exemples de petites capitalisations qui répondent à cette description, mais qui sont sous-estimées par l’ensemble du marché. Il s’agit dans les deux cas d’entreprises d’envergure internationale qui affichent de solides perspectives de croissance à venir.

Vista Group fournit des solutions logicielles indispensables à l’industrie cinématographique mondiale. L’entreprise a connu une croissance organique et par le biais d’acquisitions pour se tailler une part de marché mondial de 40% au sein de son secteur. Elle peut compter sur de nombreux moteurs de croissance tels que l’augmentation de sa part de marché, un changement structurel vers les chaînes de cinéma multiplexes, l’expansion dans de nouvelles zones géographiques et, de manière générale, la complexité croissante des opérations cinématographiques qui nécessitent des solutions logicielles avancées. Vista génère un niveau élevé de revenus récurrents (qui représentent environ 60% des revenus du groupe) et un avantage en matière d’économies d’échelle qui génère un levier opérationnel. Elle occupe une position sur des marchés en développement comme la Chine, où les recettes de billetterie devraient connaître une croissance à deux chiffres au cours des trois prochaines années. En particulier, nous pensons que sa filiale Movio est sous-estimée par le marché. Movio regroupe les interactions anonymes entre les cinéphiles dans une base de données centrale. Movio Media permet aux studios de cinéma d’accéder à cette base de données, d’effectuer des recherches de pré-production et d’améliorer l’efficacité du contenu publicitaire. Movio a signé des accords avec les plus grands studios de cinéma et commence à monétiser cette opportunité à mesure que les dépenses publicitaires numériques augmentent. Le marché de la publicité numérique sur lequel Movio opère est déjà estimé à plusieurs milliards de dollars. Entre-temps, la société génère des marges de plus de 30% et un rendement des capitaux propres (ROE) moyen autour de 15% tout en maintenant la trésorerie nette à son bilan. Elle dispose d’une équipe de direction très expérimentée, verse un petit dividende (contrairement à la plupart des entreprises technologiques) et elle est plus attractive que les WAAAX, avec un ratio VE/CA de 4,5x et un ratio cours/bénéfice de 34x.

L’autre entreprise est le producteur et exportateur de vin néo-zélandais Delegat Group, dont la couverture par les analystes est très limitée. Elle a construit un modèle économique durable sur des marques fortes telles qu’Oyster Bay, Barossa Valley Estate et Delegat. Ses produits de qualité ont fait leurs preuves au fil des différents cycles. Au cours des sept dernières années, l’entreprise a été en mesure de générer une marge d’EBITDA moyenne de 35% et un ROE constant situé entre 15 et 20%, bien qu’elle ait continué d’investir massivement et qu’elle ait dû faire face à un secteur mondial du vin où l’offre est cycliquement excédentaire. Ses perspectives de croissance à moyen terme sont bien identifiées compte tenu de ses investissements dans les vignobles et les caves. Par la suite, la Chine représente une opportunité d’envergure compte tenu de la taille de ce marché, opportunité qui demeure pratiquement inexploitée à l’heure actuelle. Après sa frénésie de dépenses, l’entreprise aborde un cycle de désendettement et nous pouvons nous attendre à ce qu’elle génère d’importants flux de trésorerie disponibles. Sa valorisation semble toujours raisonnable par rapport à celle de ses concurrents, compte tenu de la régularité de ses résultats et de l’accent mis sur la performance. Elle verse un dividende et les fondateurs détiennent toujours 67% de la société – tout en restant très engagés et alignés.

Il ne fait aucun doute que le segment des petites capitalisations peut s’avérer difficile en Australie. Toutefois, étant donné son potentiel plus élevé de génération d’alpha, elle constitue une opportunité difficile à ignorer. Elle offre des opportunités de surperformance régulière à condition d’avoir une approche rigoureuse et d’entreprendre une recherche fondamentale solide qui mette clairement l’accent sur la qualité des investissements et les risques baissiers.