Actions au porteur: la Suisse risque davantage d’être blacklistée

AWP

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Au Conseil national, une alliance de l’UDC, du PLR et du PBD a imposé le maintien du droit en vigueur pour les actions au porteur existantes.

Le National traîne les pieds sur des recommandations internationales en matière de transparence financière. Au risque que la Suisse atterrisse sur une nouvelle liste noire, il a décidé mercredi de ne pas s’attaquer aux actions au porteur existantes.

Ces actions sont dans le viseur du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales. Pour l’instant, la Suisse a la note «conforme pour l’essentiel», mais l’organisation recommande davantage de transparence sur les actions au porteur, des améliorations sur l’échange de renseignements et les demandes d’assistance administrative reposant sur les données volées.

Barrage UDC

Le projet du Conseil fédéral vise à satisfaire ces exigences. L’UDC n’en voulait pas. Il y a trois ans, on nous a assuré que les actions au porteur seraient maintenues, et aujourd’hui il faut les supprimer, s’est insurgé Thomas Aeschi (UDC/ZG). Le Conseil fédéral fait de l’excès de zèle, il propose une «expropriation de fait» sur le dos des entreprises.

Les autres partis ont toutefois fait bloc pour l’entrée en matière, arguant que la Suisse devait passer l’épaule pour la prochaine phase d’examen. Le ministre des finances Ueli Maurer a insisté sur la nécessité de se conformer au standard international afin d’assurer une sécurité juridique vitale pour l’attrait de la place économique et financière.

Avec son projet, les actions au porteur resteront autorisées pour les sociétés ayant des titres de participation cotés en Bourse ou si elles sont émises sous forme de titres intermédiés. Mais les actions au porteur devaient sinon être converties en actions nominatives avec obligation d’annoncer les ayants droit économiques et de tenir des listes y relatives.

Le Conseil fédéral avait prévu des garde-fous: la conversion ne devait pas intervenir automatiquement à l’entrée en vigueur de la loi. Un délai d’annonce de 18 mois était proposé et il aurait fallu au moins cinq ans et une décision de tribunal avant que des actions non converties puissent être détruites.

Pas de conversion

Cela n’a pas suffi à la droite. Par 101 voix contre 87, une alliance de l’UDC, du PLR et du PBD a imposé le maintien du droit en vigueur pour les actions au porteur existantes. A partir de l’entrée en vigueur du projet, il ne sera simplement plus possible de fonder de société anonyme non cotée en Bourse dont le capital est composé d’actions au porteur.

Le droit a déjà été durci récemment. Pas question d’exposer des personnes qui n’ont commis aucune faute à la perte complète du droit de propriété, a justifié Christian Lüscher (PLR/GE) au nom de la commission. Il ne faut pas jouer avec le feu et attendre que le Conseil des Etats corrige une décision qui ne permettra pas de satisfaire aux exigences du Forum mondial, a critiqué Ada Marra (PS/VD). La Suisse sera très vite mise sous pression, a averti M. Maurer.

Les sociétés devront tenir une liste des ayants droit économiques avec leurs coordonnées. Des amendes sont prévues en cas de violation des obligations. Le National a tacitement ajouté un plafond de 10’000 francs et étendu le délai d’annonce de modifications.

Il a refusé les propositions du camp rose-vert pour rendre les listes plus transparentes via un registre centralisé électronique ou des listes publiques consultables en tout temps. La gauche confond transparence et mise à nu des citoyens, a critiqué M. Lüscher.

Données volées

Pas question non plus d’adapter l’octroi de l’assistance administrative fiscale pour les demandes qui reposent sur des données volées. Le National a rejeté par la proposition du Conseil fédéral pour régler la polémique sur le sujet.

Actuellement, la loi interdit l’entraide si la demande «viole le principe de la bonne foi, notamment lorsqu’elle se fonde sur des renseignements obtenus par des actes punissables au regard du droit suisse». Le Conseil fédéral voudrait biffer la deuxième partie de la phrase pour éviter des confusions.

Pour la majorité, la Suisse satisfait déjà aux exigences du Forum mondial grâce à la jurisprudence du Tribunal fédéral. Les juges ont tranché dans le sens du droit international public en estimant qu’un Etat ayant acheté des données bancaires pour fonder une demande violait la bonne foi, mais que ce n’était pas le cas en cas d’utilisation des mêmes données par un Etat tiers.

Le projet a été adopté par 90 voix contre 67 et 27 abstentions de gauche. Le Conseil des Etats doit encore se prononcer.

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