Marché US: stratégie inchangée… pour l’instant!

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Minutes de la Fed: deux informations majeures dévoilées 

Jeudi soir dernier, les minutes de la Fed ont été dévoilées. Nous nous attendions tous à une description hawkish de l’environnement macroéconomique, synonyme de deux hausses de taux au lieu d’une d’ici la fin de l’année, et de ce point de vue-là, nous n’avons pas été déçus ni surpris. En revanche, le FOMC a mentionné deux points qui pourraient s’avérer d’une importance majeure dans les prochains mois. 

Tout d’abord, il apparaît que les membres de la Fed se sentent concernés par les incertitudes liées à la politique commerciale et par les risques potentiels engendrés par l’intensification de la politique agressive de l’administration Trump en la matière. Ces risques, insiste la Fed, pourraient avoir éventuellement effets négatifs sur le sentiment des entreprises et les dépenses d’investissement. Il est donc clair que les informations provenant du monde de l’entreprise qui remontent à la banque centrale deviennent un sujet d’inquiétude. Par conséquent, la tonalité globale de ces minutes est apparue un peu moins hawkish que prévu. 

Dorénavant nous ne pourrons plus dire que la Fed reste sourde et aveugle
face au message délivré par les marchés obligataires.

Le deuxième point concerne la pente de la courbe des taux car ces minutes révèlent que les membres du FOMC se demandent comment interpréter l’aplatissement de la courbe des Treasuries. Sans apporter de réponse précise, ils notent, en tout cas, la régularité avec laquelle, dans le passé, une inversion a été un indicateur du risque de récession. Il s’agit, selon nous, d’une bonne nouvelle car dorénavant nous ne pourrons plus dire que la Fed reste sourde et aveugle face au message délivré par les marchés obligataires. La banque centrale américaine a peut-être pris conscience à cette occasion que le plus gros risque pour l’économie US et pour les marchés, c’est elle-même!

Des chiffres de l’emploi en demi-teinte

Autant l’affirmer tout de suite, ce n’est pas notre sentiment. Nous trouvons remarquable qu’une économie soi-disant en plein emploi continue à créer 213'000 postes après 244’00, chiffre révisé, le mois précédent. La remontée du taux de chômage de 3,8% à 4% est anecdotique mais la stagnation des coûts salariaux l’est beaucoup moins. Avec une augmentation de 0,2% (2,7% sur un an), il n’y a pas de risque de dérapage inflationniste dû aux salaires. 

Au final, l’impression générale laissée par cette batterie de chiffres est mitigée, les investisseurs retenant principalement la remontée du taux de chômage à 4%. Dans ce contexte, les taux longs US ont passé une semaine tranquille, certes amputée d’un jour pour cause de fête nationale, marquée par les premiers effets concrets de la bataille commerciale livrée par Donald Trump contre la Chine. Et lorsque les informations domestiques ne permettaient pas aux taux longs de baisser comme le jeudi de la semaine précédente, le rally du Bund pour cause d’écartement du spread du BTP italien se chargeait d’insuffler des ondes positives sur les T-notes à 10 et 30 ans. Ainsi, le 10 ans du Trésor US a terminé la semaine dernière à 2,81% tandis que le 30 ans, qui était repassé brièvement au-dessus de 3% mardi de la semaine précédente, s’affichait à 2,93% à l’heure où Français et Uruguayens s’affrontaient pour intégrer le dernier carré de la coupe du monde de football.

Toujours le barbell…mais ses jours sont comptés

A la lumière de ces informations, nos convictions sont toujours les mêmes. La partie longue de la courbe des taux Treasuries est à privilégier. Ensuite, dans une logique «buy & hold», certains crédits Investment Grade 2 ans au-dessus de 3% sont intéressant et avec un Libor 3 mois à 2,34%, il convient de s’intéresser aux obligations corporates à taux flottants. Les taux du marché monétaire étant déjà élevés, le cash redevient une classe d’actif à part entière. 

Toutefois, il convient d’être prudent car toute stratégie barbell axée sur l’aplatissement, voire l’inversion, de la courbe des taux doit être rapidement remise en cause dès l’objectif atteint. Il ne faudra pas s’attarder trop longtemps, c’est même une question de bon sens. Lorsque nous obtiendrons, avec des obligations à duration de 2, un rendement égal ou supérieur à celui des emprunts à risque de duration de 8 à 20, il faudra privilégier de nouveau la partie courte au détriment du 10-30 ans qui amorcera alors un processus de repentification. Nous n’en sommes pas encore là mais il faut d’ores et déjà, à la veille de la pause estivale, penser «au coup d’après», tout en sachant que les marchés ne connaissent ni les saisons ni les vacances. Restons vigilants!

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