L'hydrogène dans une bulle?

Jocelyn Jovène, Morningstar

2 minutes de lecture

Les investisseurs s'emballent un peu vite sur une source d'énergie prometteuse mais complexe à mettre en oeuvre.

«L'hydrogène a, durant des décennies, été plein de promesses mais n'a guère délivré lorsque l'on regarde son rôle sur les marchés mondiaux de l'énergie ou du transport». Ce constat, dressé par les analystes d'UBS dans une note datée du 22 juin, n'a pas empêché une nouvelle flambée du cours de certaines valeurs.

C'est le cas de la société américaine Nikola Corporation (NKLA), basée à Phoenix (Arizona) et introduite en Bourse courant 2018, dont le cours de Bourse flambe de 578% depuis le début de l'année. La société, qui propose des véhicules et moteurs à base de batteries électriques et de cellules à hydrogène ne génère presque pas de chiffre d'affaires et devrait supporter près de 230 millions de pertes opérationnelles cette année. La société a annoncé début juin un accord avec le norvégien Nel ASA.

En Europe, des sociétés comme Ceres Power, ITM Power, NEL ASA ou le français McPhy Energy ont vu leur cours de Bourse bondir de respectivement 104%, 277%, 127% et 238%. Aucune de ces sociétés ne gagnent d'argent, mais toutes sont positionnées sur une ou des technologies de production d'une énergie qui intéresse de plus en plus pouvoirs publics, énergéticiens et industriels.

Au niveau mondial, les plus gros producteurs d'hydrogène sont les groupes chimiques Air Liquide (11% des ventes), Linde (6%) ou Air Products (26%).

Quelle est la raison de ce soudain engouement? Fin janvier, l'Hydrogen Council publiait un rapport prévoyant une réduction plus rapide que prévu des coûts de production du gaz. «Les coûts [des solutions à base d'hydrogène] devrait décroître de 50% d'ici 2030 pour un grand nombre d'applications, faisant de l'hydrogène une alternative compétitive face à d'autres carburants alternatifs peu émetteurs de carbone, et, dans certains cas, même face à des énergies conventionnelles.»

L'hydrogène est également apparu au menu des plans de relance économiques de nombreux pays. L'Allemagne s'est largement démarquée en annonçant une stratégie nationale pour l'hydrogène, avec un financement de 9 milliards d'euros (contre 100 millions en France...).

L'Europe doit dévoiler le 8 juillet prochain sa stratégie sur l'hydrogène, selon PV Magazine. Elle ambitionne d'amener le coût de production de l'hydrogène à 1,5 euro par kilo, contre 3,5 à 5,5 euros actuellement selon l'Agence Internationale de l'Energie.

En matière de stratégie politique et de moyens consacrés à cette source d'énergie, l'Europe affiche un retard considérable vis-à-vis des Etats-Unis, mais surtout vis-à-vis du Japon et de la Chine, qui déploient des moyens considérables dans ce domaine. Elle ne produirait que 9,8 millions de tonnes d'hydrogène par an (dont 4% d'hydrogène «vert») sur une production mondiale de 74 millions de tonnes.

Les besoins sont donc très significatifs et devraient recevoir un coup de pouce important des pouvoirs publics.

Les sociétés cotées en Bourse multiplient les contrats et projets, ce qui alimente la spéculation.

Mais peu d'acteurs sont rentables et l'incertitude sur la pérennité de ces sociétés n'est pas assurée. Certaines devraient logiquement multiplier les appels au marché, que ce soit à travers des augmentations de capital, de dette, ou des placements privés.

Les valorisations stratosphériques de la plupart des valeurs «pure player» dans le secteur (en dehors des producteurs de gaz ou des énergéticiens, plus diversifiés) s'explique donc principalement par l'espoir que certaines d'entre elles génèreront un chiffre d'affaires significatif et en forte croissance.

Pour l'instant, c'est encore loin d'être le cas.

A lire aussi...