Les fonds obligataires alternatifs ont-ils tenu leurs promesses?

Eric Jacobson, Morningstar

2 minutes de lecture

Les stratégies obligataires à performance absolu affichent un bilan inégal ces dernières années. La protection contre le risque de taux se traduit souvent par l'exposition à d'autres facteurs de risque.

Les investisseurs qui envisagent d’investir dans des fonds obligataires alternatifs ou cherchant une «performance absolue» doivent d’abord comprendre à quoi ils s’exposent, ces fonds pouvant avoir des styles d’investissement différents.
La plupart des fonds dans cette catégorie ont un certain nombre de caractéristiques communes: 1) un objectif de performance absolu par rapport à un indice monétaire court terme (Libor, Eonia, T-bills) plus un spread, par exemple «Eonia +5%», avec un niveau de volatilité similaire; b) une gestion de la duration flexible; c) peu voire pas de limitations en termes d’exposition sectorielle ou pays; d) une grande latitude pour investir des secteurs particulièrement risqués (haut rendement, dette émergente).

Thèmes communs

Au cours des cinq dernières années, des thèmes communs ont émergé dans ce type de gestion. Pour tenir leurs objectifs financiers et protéger les investisseurs de la hausse des taux d’intérêt, les gérants de ces fonds ont simplement échangé le risque de taux contre d’autres types de risque (haut rendement, dette émergente, autres secteurs offrant du «spread» ou du «risque»).
En outre, ces fonds ont utilisé les produits dérivés plus fortement que d’autres fonds traditionnels.

Protection contre les taux d’intérêt

Au cours des cinq dernières années, on a observé aux Etats-Unis une tendance à vouloir minimiser le risque de taux d’intérêt. Les fonds américains non-traditionnels ont exhibé une duration relativement faible de l’ordre de 1 à 2 ans. C’est bien moins que la catégorie de fonds investis en obligations intermédiaires qui avaient une duration en moyenne de 5 ans, un niveau proche de celle de l’indice (indice Bloomberg Barclays US Aggregate).

Forte exposition au risque crédit

Si l’exposition au risque de taux a été fortement réduite, il n’en a pas été de même pour le risque de crédit. Les fonds obligataires traditionnels commercialisés aux Etats-Unis ont une exposition moyenne de 10% aux titres de dette de catégorie spéculative contre 44% en moyenne pour les fonds non-traditionnels.

Usage des dérivés

L’utilisation des dérivés a notamment servi ces stratégies pour augmenter ou réduire rapidement l’exposition au marché à travers des CDS, swaps ou des contrats futures sans avoir à engager trop de capital.
Elle a en outre été encouragée indirectement par la régulation qui a rendu plus coûteuse la détention des obligations au bilan, alors que la liquidité sur le marché «cash» des obligations se réduisait.
Les dérivés constituent un outil très utile permettant aux gérants de dégager des rendements absolus positifs en limitant leur exposition au risque systémique.
Les gérants utilisent également les devises pour trouver des sources de rendement, lesquelles sont souvent plus faciles à traiter par l’intermédiaire de produits dérivés.
Enfin, la réglementation UCITS a accordé une reconnaissance croissante à l’usage des dérivés comme produits d’investissement à part et plus uniquement comme outil de couverture de risque ou d’efficacité dans la gestion du portefeuille.

Quelle performance?

Mesurer le succès des fonds obligataires non-traditionnels n’est pas aisé. Si l’on regarde sur des périodes de 3 et 5 ans glissants à fin 2017, les performances sont inégales avec une surperformance relative par rapport aux fonds d’obligations intermédiaires sur 3 ans mais une sous-performance sur 5 ans (période qui inclue le «Taper Tantrum» de 2013).
 

Source: Morningstar Direct

Une autre façon de voir si ces fonds remplissent leur mission consiste à regarder leur comportement dans différents environnements de marché.
Si l’on regarde la gestion du risque de taux sur différents intervalles de temps, on se rend compte d’un assez bon comportement de la catégorie dans les phases de remontée des taux par le passé (rappelons que les performances passées ne préjugent pas des performances à venir).
 

Le «Taper Tantrum» a été un test majeur pour les gérants obligataires. Pendant cette période, les fonds non-traditionnels ont perdu moitié moins que les fonds traditionnels.
En revanche, pendant les phases de correction des marchés («Risk Off»), la différence de performance entre fonds non-traditionnels et traditionnels est moins évidente. Les phases de correction boursière ont pesé davantage sur la performance des premiers que des seconds. Et cela concerne tant les fonds gérés aux Etats-Unis qu’en Europe.
 

Cela montre combien la flexibilité dont dispose les gérants visant une performance absolue, en particulier concernant la duration, n’a pas toujours été bien utilisée.
Dans leur effort de protéger les investisseurs du risque de hausse des taux tout en produisant des rendements suffisamment attractifs, les gérants ont « échangé » le risque de taux contre d’autres formes de risque.
Cela les a souvent conduits à s’engager sur des chemins plus risqués qui sont alors la seule option pour délivrer une performance acceptable et tenir leurs objectifs de rendement absolu.
Le risque est bien sûr que les gérants aillent chercher du rendement dans les mêmes classes d’actifs, créant des phénomènes de surchauffe où le dernier arrivé est souvent celui qui s’expose le plus au risque de correction si tout va mal, sans même parler des enjeux de liquidité sur la classe obligataire.

 

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