Fed: baisse des taux avant le 18 mars?

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

2 minutes de lecture

Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone
Les taux US dégringolent

La semaine dernière, nous avions franchi un premier palier sur le 10 ans US à 1,41%. Les objectifs suivants étaient 1,32% (niveau le plus bas de tous les temps, constaté en juillet 2016) puis 1,25%. Force est de constater que ces niveaux ont été rapidement et violemment enfoncés. Nous avons même touché 1,03% dans la nuit de dimanche à lundi. Où peut aller le 10 ans désormais? Nous serions tentés d’avancer 0,75% dans un premier temps mais cela dépendra avant tout du comportement des marchés actions. Il faudra également examiner à la loupe le comportement des banques centrales. Enfin, ne nous laissons pas griser par ce bull market: ce qui est arrivé à l’or en fin de semaine dernière pourrait se reproduire sur les marchés de taux. Ce n’est toutefois pas notre scénario central car des remontées de taux ne seraient pas les bienvenues dans l’environnement actuel. 

Il se pourrait bien que la Fed opte pour un électrochoc,
avec une détente des taux de 50 points de base d’un coup.

Ce qui nous a le plus impressionné, ce n’est pas le parcours du 10 ans US mais plutôt le comportement des taux à 2 et 5 ans. Tout d’abord, la pente inversée est redevenue normale, signe qu’un geste de la Fed est imminent. Ensuite, les taux courts ont énormément baissé (bullish steepening) et le 2 ans a atteint un plus bas hier à 0,71%. Vendredi soir, Jerome Powell a prononcé la phrase magique en affirmant que la Fed «will act as apropriate» et les intervenants de marché anticipent désormais trois à quatre baisses de taux cette année, la prochaine étant attendue à l’occasion du prochain FOMC le 18 mars. Il se pourrait que la banque centrale américaine opte pour un électrochoc, avec une détente des taux Fed funds de 50 points de base d’un coup. Nous sommes de cet avis même si nous n’écartons pas du tout un scénario incluant une baisse de 25 bp lors d’un FOMC exceptionnel dès cette semaine puis 25 autres le 18 mars. 

Les heures qui viennent vont être cruciales: il s’agira de voir si les marchés actions stoppent leur descente vertigineuse et comment les Américains vont se comporter une fois le coronavirus clairement installé sur leur sol. Elire, contre toute attente, un Démocrate tendance aile gauche à la Maison Blanche, était un scénario quasiment inenvisageable il y a encore trois semaines. La victoire de Biden en Caroline du Sud et le retrait de Buttigieg ont permis de ne pas jeter plus d’huile sur le feu qui s’est emparé de Wall Street avant ce Super Tuesday de tous les dangers. La Fed a le rôle le mois inconfortable puisqu’elle possède une marge de manœuvre substantielle pour baisser ses taux et pour relancer un programme de QE. Quant à Madame Lagarde, son mandat débute de la pire des manières avec ce black swan qui lui tombe dessus alors qu’une partie de l’Europe était déjà en récession. Pas de chance non plus pour l’Italie qui n’avait pas besoin d’un tel coup du sort pour plonger. 

Taux réels US contre spreads de crédit

Petite devinette: mon rendement à 2 ans s’affiche à -0.27%, mon 5 ans à -0,41%, mon 10 ans à -0,32% et mon 30 ans à 0,10% (enfin un rendement en territoire positif!). Qui suis-je? La courbe des taux des TIPS (emprunts du trésor US indexés inflation). Il n’y a donc pas qu’en Europe que l’on trouve des emprunts d’états à rendement négatif. Cela montre à quel point les marchés sont inquiets et vers quelles classes d’actifs obligataires les investisseurs se sont réfugiés. 

Nous avons mis à profit la correction
du mois de février pour commencer à réinvestir.

Dans le même temps, les indices de crédits ont dévissé. Le high yield US s’est écarté de 100 points de base, idem pour l’iTraxx X-over en Europe. Ce sont des marchés à suivre de très près car depuis les dernières crises, les ETF se sont fortement développés et ont atteint des volumes systémiques sans grand rapport avec les tailles de leurs marchés sous-jacents. Si nous devions atteindre des niveaux de crise aigüe, la panique pourrait s’emparer des détenteurs d’ETF et une crise de liquidité pourrait s’ajouter à tous les problèmes que nous devons déjà affronter. 

Ayant prôné depuis de nombreux mois une gestion axée principalement sur la duration au détriment du risque de crédit, nous adoptons toutefois une attitude pragmatique. Il est sans doute prématuré de privilégier les spreads corporates mais dans cet environnement, nous avons mis à profit la correction du mois de février pour commencer à réinvestir, de manière homéopathique pour l’instant, dans la dette hybride de quelques crédits européens d’excellente qualité. Ces titres pourraient, dans un futur proche, être rajoutés dans la liste d’achats de la BCE dans le cadre de son QE et pourraient ainsi servir de relais de performance à la duration une fois le pic de la crise passé.

A lire aussi...