Zone euro: la prochaine récession pourrait être fatale

Jon Day, Newton IM

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Suite au regain de tensions sur les marchés obligataires, il serait opportun de dresser un bilan de la santé économique de l’Union européenne.

Il y a 68 ans, le ministre des Affaires Etrangères français, Robert Schuman, a officiellement exposé sa proposition d’unir la production de charbon et d’acier entre la France et l’Allemagne sous la tutelle d’une autorité supranationale. Alors que nous constatons aujourd’hui un regain de tensions sur les marchés obligataires, il serait opportun de dresser un bilan de la santé économique de l’Union européenne.

L’environnement obligataire se caractérise par le resserrement progressif entamé par la Fed aux Etats-Unis, qui réduit également son bilan d’actifs, ce qui crée des conditions favorables aux obligations de la zone euro. Celles-ci pourraient devenir une classe d’actifs refuge. L’inflation reste constamment faible, l’inflation sous-jacente continuant à osciller autour de 1%, soit, en deçà de l’objectif de la Banque centrale européenne (BCE) fixé «à 2% ou proche de 2%». Il reste encore beaucoup de marge de manœuvre dans le système financier, le taux de chômage restant élevé, autour de 8,5%, mais la BCE reste confiante qu’elle est sur la bonne voie pour réduire son programme d’assouplissement quantitatif - peut-être à zéro - plus tard dans l’année. Cependant, certains indicateurs économiques indiquent qu’un ralentissement économique de la zone monétaire est en vue.

A court terme, le risque le plus important
est une hausse soudaine de l’inflation.

Bien que les rendements des «Bunds» allemands à 10 ans se situent actuellement autour de 0,6%, ces actifs ne sont pas complètement dénués de valeur comme on pourrait le croire à première vue, car une obligation du Trésor américain à 10 ans couvert en euros ne rapporterait que 0,1%. Cette situation résulte de l’important décalage de taux d’intérêt entre la Fed et la BCE, qui annihile tout rendement supplémentaire sur les obligations d’État américains. Même si la BCE décide de mettre fin à son programme d’achat d’obligations, elle s’est engagée à réinvestir les obligations arrivant à échéance. Cela demeurera un soutien important pour les marchés obligataires de la zone euro, puisque les déficits publics sont faibles et le montant d’argent frais dont les gouvernements de la zone euro ont besoin, est faible. Un tel scénario contraste nettement avec la hausse considérable de la dette anticipée par le gouvernement américain.

A court terme, le risque le plus important dans ce contexte est une hausse soudaine de l’inflation, ce qui pousserait la BCE à accélérer la fin de sa politique de relance, tout en tirant les rendements de la zone euro vers le haut et pénalisant de manière drastique l’Italie.

Le chaos politique actuel en l’Italie a eu un impact sérieux sur ses obligations souveraines avec des rendements en hausse cette semaine. La partie courte de la courbe des taux (à savoir les obligations à courte durée) a été le plus durement frappée, et les investisseurs se sont concentrés sur la possibilité d’une restructuration de la dette ou une sortie du pays de la monnaie européenne. Le mouvement de vente a été exacerbé par le fait que les investisseurs se soient fortement positionnés sur les obligations italienne, friends de leurs rendements qu’ils considèrent plus élevés que ceux offerts par le cash.

Comme le président Mattarella semble incapable de trouver un premier ministre convenable, de nouvelles élections sont probables, probablement à la rentrée.  Cela signifie que nous assisterons à un été de campagne anti-UE de la part des deux partis populistes, mais étant donné qu’il y a toujours un soutien populaire pour l’euro en Italie, la rhétorique pourrait s’adoucir à mesure que l’élection se rapproche et certainement s’ils arrivent au pouvoir lorsque la prise de conscience interviendra : ces partis auront besoin du soutien des marchés obligataires pour financer leurs promesses électorales.

Environ la moitié de la dette italienne
arrive à échéance dans un délai de cinq ans.

Environ la moitié de la dette italienne arrive à échéance dans un délai de cinq ans. Si les rendements restent élevés pendant un certain temps, les coûts de financement augmenteront rapidement. Étant donné le poids de la dette déjà élevé de l’Italie, cela pourrait rapidement devenir un problème sérieux, sa situation budgétaire se détériorant en raison de la hausse des taux. Cependant, il y a des facteurs atténuants: l’Italie a un excédent budgétaire primaire (avant les paiements d’intérêts) et un compte courant excédentaire, ce qui signifie qu’elle ne dépend pas trop des investisseurs étrangers pour gérer ses finances. Les investisseurs italiens ont tendance à investir une grande partie de leur épargne dans des obligations d’État italiennes, ce qui signifie qu’il devrait y avoir des investisseurs prêts à acheter de nouvelles obligations. En même temps, cette situation complique la tâche du gouvernement s’il cherchait à revenir sur ses promesses par le biais de la restructuration de la dette.

La politique italienne a toujours été chaotique, de sorte que cet épisode actuel ne devrait pas constituer une surprise, mais les promesses des deux partis populistes visent à provoquer des frictions avec l’UE, ce qui entraînera des turbulences plus importantes que d’habitude.  Cela ne fait que souligner le fait que, dans ce monde où la dette est élevée et la croissance reste faible, il ne faut pas grand-chose pour que les marchés prennent peur.

A plus long terme, le mécontentement de la population de la zone euro n’a pas disparu. Les partis populistes enregistrent encore des succès aux urnes, et si la récente reprise économique liée au cycle a fait oublier certains de ces problèmes, le chômage (en particulier chez les jeunes) reste élevé. La prochaine récession pourrait être très douloureuse et potentiellement existentielle pour la zone euro, étant donné que la boîte à outils de la BCE a déjà été presque entièrement déployée et que les gouvernements ont une capacité limitée d’amplifier la relance budgétaire.