Vers une reprise des hostilités commerciales?

Alan Mudie, Société Générale Private Banking

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L’administration Trump multiplie les critiques face à la Chine pour sa gestion de la crise du coronavirus, quitte à menacer de la punir.

Le président Trump ne cesse de critiquer la Chine affirmant avoir la preuve que l’agent pathogène provenait d’un laboratoire de virologie de Wuhan. Les marchés ont ainsi redouté une nouvelle détérioration des relations sino-américaines, moins de quatre mois après la signature de l’accord commercial de «phase 1». Quelles sont les implications pour le commerce mondial et pour les marchés?

Le discours de Donald Trump vis-à-vis de la Chine s’est durci ces dernières semaines, alors que les Etats-Unis sont devenus l’épicentre de la pandémie, avec 1,3 million de cas confirmés, donnant lieu à 75’000 décès, de loin le plus lourd bilan de tous les pays frappés depuis le début de la crise. Le nombre total de cas actifs (après comptabilisation des décès et des guérisons) continue d’augmenter, ayant dépassé 1,0 million le 7 mai. En réponse, le président a déclaré récemment que des droits de douane constitueraient la «punition ultime» pour tout écart de conduite chinois et a demandé à la Chine de respecter les conditions de l’accord commercial. «Maintenant, ils doivent acheter […] et s’ils ne le font pas […], nous mettrons fin à l’accord».

Les importations chinoises du T1 en provenance des Etats-Unis
demeurent assez loin de l’objectif 2020 pour le moment.

L’accord commercial de «phase 1» conclu à la mi-janvier comprenait un certain nombre d’engagements de la Chine d’augmenter les importations en provenance des États-Unis (d’au moins 200 milliards de dollars sur les deux prochaines années, en comparaison d’un volume global des importations de 186 milliards de dollars en 2017, avant le début de la guerre commerciale). En contrepartie, les Etats-Unis ont suspendu les droits de douane sur 160 milliards de dollars de marchandises et ont réduit les droits de douane sur une tranche supplémentaire de 120 milliards de dollars de 15% à 7,5%, maintenant en place les droits de douane de 25% sur les 250 milliards de dollars restants. Comme indiqué dans le premier graphique, les importations chinoises du T1 en provenance des Etats-Unis demeurent assez loin de l’objectif 2020 pour le moment, ce qui n’est peut-être pas surprenant compte tenu de l’effondrement du commerce mondial provoqué par les mesures de confinement mises en place pour lutter contre le coronavirus.

Le 7 mai, le Secrétaire au Trésor américain et le Représentant au commerce ont organisé une conférence téléphonique avec le vice-premier ministre chinois pour évoquer les progrès réalisés jusqu’à présent. Fait rassurant, leur déclaration commune spécifiait qu’ils entendaient respecter leurs obligations dans le cadre de l’accord de phase 1. Cependant, les relations bilatérales pourraient rester tendues. Le président Trump semble vouloir trouver un bouc émissaire pour détourner les critiques formulées à l’encontre de sa gestion de la pandémie. Une position ferme vis-à-vis de la Chine est l’un des rares points d’accord entre les républicains et les démocrates à l’heure actuelle. Et le candidat probable à la présidentielle Joe Biden – qui devance Donald Trump dans les sondages à l’approche des élections de novembre – a récemment critiqué son manque de fermeté vis-à-vis de la Chine.

Pour le président Trump,
l’objectif principal est sa réélection dans six mois.
L’escalade des tensions relancera-t-elle la guerre commerciale?

Pour répondre à cette question, il nous faut considérer la position de chaque partie. Pour le président Xi, l’objectif principal est très certainement de faire en sorte que la Chine poursuive son ascension rapide vers le leadership mondial. Pour ce faire, il a besoin d’un large soutien de la population, et pour cela, il a besoin de continuer à offrir de nouveaux emplois pour encourager la migration des campagnes vers les villes. La Chine devrait ainsi chercher à éviter des initiatives susceptibles de mettre en péril sa vigueur économique. Par ailleurs, Pékin devrait chercher à maintenir le renminbi à un niveau stable mais compétitif, proche de son niveau actuel de 7,08 pour 1 dollar.

Pour le président Trump, l’objectif principal est sa réélection dans six mois. Il considère depuis longtemps ses chances à l’aune de la vigueur économique et du niveau des bourses. Aujourd’hui, il n’hésite pas à encourager ses partisans de manifester leur volonté d’accélérer le déconfinement malgré la réticence de ses conseillers scientifiques. En effet, la poursuite du «lockdown» pourrait finir par peser sur le sentiment des investisseurs, mettent ainsi en risque la poursuite du rallye actions en cours. Au vu de ces éléments, nous estimons que son discours restera offensif, mais qu’il aurait peu à gagner à relancer la guerre commerciale.

En somme, les tensions commerciales devraient donc demeurer élevées, mais ne devraient pas aboutir à la mise en place de nouveaux droits de douane ou de nouvelles sanctions avant les élections présidentielles. Cependant, l’économie mondiale reste enlisée dans une profonde récession qui continuera de peser sur les bénéfices des entreprises et leur qualité de crédit tout au long de cette année. Les niveaux de volatilité devraient rester supérieurs aux moyennes observées ces dernières années.

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