Une conjoncture dominée par l’incertitude

William De Vijlder, BNP Paribas

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La Réserve fédérale américaine a insisté sur sa patience face à l’inflation et sa flexibilité pour adapter sa politique.

Le ralentissement se généralise. Si l’on pouvait s’attendre à une normalisation de la croissance, plusieurs sources d’incertitude (crainte de guerre commerciale, Brexit, fermeture de services publics aux Etats-Unis, etc.) ont agi comme des vents contraires. Des mesures ont déjà été annoncées en Chine et, aux Etats-Unis, la Réserve fédérale américaine a insisté sur sa patience (face à l’inflation) et sa flexibilité pour adapter sa politique. 

La nature humaine est encline à l’aversion au risque: elle est plus sensible à une perte qu’à un coût d’opportunité. Ainsi, un ralentissement génère-t-il presqu’inévitablement un inconfort, plus par crainte de ce qui pourrait arriver qu’à cause d’une pression sur les bénéfices ou les revenus. Les ménages reportent des dépenses importantes, les entreprises réduisent leurs budgets d’investissement, les banques se montrent plus circonspectes dans l’octroi de crédits. En résumé, une croissance ralentie génère, de manière endogène, de l’incertitude qui renforce cette dynamique d’essoufflement. 

Depuis plusieurs mois, des chocs exogènes résultant de choix politiques sont venus compléter cette toile de fond: les tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis, la menace de mesures protectionnistes américaines visant le secteur automobile européen, la fermeture de services publics aux Etats-Unis et, en Europe, le Brexit pour lequel, environ deux mois avant la date de sortie de l’Union européenne, le flou reste complet. 

Le ralentissement a fini par l’emporter aux Etats-Unis.

A cela s’ajoutent des facteurs spécifiques à certains pays: normes antipollution touchant le secteur automobile européen, notamment en Allemagne et en France, mouvements sociaux en France, incertitude entourant le budget italien qui, malgré l’accord trouvé avec Bruxelles pour 2019, a eu un impact durable sur les taux d’intérêt, mais aussi les efforts de la Chine pour maîtriser l’évolution du crédit qui ont contribué au ralentissement structurel, etc. Tout ceci s’est traduit par une tendance à la baisse des indicateurs d’enquête depuis début 2018 dans la plupart des pays et, plus récemment, des chiffres de croissance. De plus, vers la fin de l’année, le ralentissement a fini par l’emporter aux Etats-Unis, un pays qui a longtemps résisté aux vents contraires grâce à une politique budgétaire expansionniste. 

Face à la baisse de ces indicateurs, le ton des banquiers centraux s’est beaucoup adouci depuis le début de 2019. Jerome Powell a insisté sur la patience de la Réserve fédérale américaine - l’inflation restant sous contrôle - et sur sa flexibilité, envoyant le message implicite, mais clair, que la Fed ne restera pas passive devant une éventuelle détérioration des perspectives. Mario Draghi a insisté, devant le Parlement européen, sur le fait que les chiffres avaient été inférieurs aux attentes et pour une période plus longue qu’attendu. Il n’est donc pas acquis que la première remontée du taux de dépôt intervienne à l’automne prochain. En Chine, la banque centrale a abaissé les coefficients de réserve, ce qui permettra aux banques d’augmenter leur volume de crédit. 

Ces signaux positifs ne changent pas vraiment la donne. Le ralentissement de l’économie mondiale ne reflète pas des difficultés de financement ou des taux d’intérêt réels élevés. Il traduit des doutes quant à la pérennité de l’expansion, en grande partie alimentés par la montée des incertitudes. C’est pour cette raison qu’en Chine, les mesures budgétaires (baisse d’impôts pour stimuler les dépenses, émission d’obligations pour financer des investissements en infrastructure) devraient avoir plus d’impact que les mesures monétaires. Plus fondamentalement, il est urgent de lever les sources d’incertitude afin d’éviter qu’un simple ralentissement ne devienne plus sérieux. Plusieurs signaux récents suggèrent un léger mieux dans les négociations entre les Etats-Unis et la Chine dont les intérêts sont alignés : il faut éviter un recul de la croissance. En revanche, du côté du Brexit, l’observation selon laquelle logiquement une sortie sans accord est à exclure, en raison de conséquences trop négatives, a tout son sens. Pourtant, la crainte persiste et continue d’agir comme un vent contraire pour le Royaume-Uni et l’Union européenne. 

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