Une année sur deux temps

Salima Barragan

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«Une fois les ajustements macro-économiques dissipés, la croissance devrait s’améliorer», estime Raphaël Olszyna-Marzys de J. Safra Sarasin.

Sans surprise, la contraction des liquidités mondiales et le ralentissement économique de la Chine vont continuer à peser sur la croissance globale durant ces prochains mois. La dynamique devrait s’améliorer au cours du second semestre. Selon Raphaël Olszyna-Marzys, économiste du groupe J. Safra Sarasin, «le relâchement de la politique monétaire en Chine se fera pleinement sentir dès la deuxième partie de l’année, alors que les effets du resserrement des conditions financières se seront atténués».

UNE CORRECTION SURFAITE

Bien que l’on puisse anticiper pour 2019 une croissance plus molle qu’en 2018, la correction des marchés en fin d’année était surfaite. «Les chiffres macro-économiques ne justifiaient pas la réaction extrême des marchés. De plus, les marchés obligataires anticipaient il y a quelques mois deux ou trois hausses de taux alors que maintenant ils n’en escomptent plus aucune, voire une baisse», explique Raphaël Olszyna-Marzys.

Dans le passé, les «shutdowns» n’ont jamais eu
d’impact durable sur la croissance.

L’économie américaine reste fondamentalement solide et sa croissance devrait continuer de dépasser son taux tendanciel. La vigueur de son marché du travail soutient la hausse des salaires. La paralysie du gouvernement américain, qui est la plus longue de l’histoire, n’est pas considérée comme un événement majeur. «Dans le passé, les «shutdowns» n’ont jamais eu d’impact durable sur la croissance. Il est vrai que celui-ci est particulièrement long, et contribue à une incertitude politique déjà élevée. Mais à partir du moment où l’économie et les marchés en seront affectés, une solution devrait être trouvée», estime l’économiste.

LA CHINE, CLEF DE LA RE-ACCELERATION

A court terme, les derniers indicateurs orientés à la baisse confirment la situation du dernier trimestre. «Les données macro-économiques reflètent les conditions décalées du resserrement des liquidités et de la réduction des stocks de produits manufacturés. Les chiffres du premier semestre vont décevoir, ce qui va alimenter les peurs de récession», souligne Raphaël Olszyna-Marzys.

Le deuxième semestre sera moins morose: «Une fois les ajustements dissipés, les chiffres de croissance devraient s’améliorer», affirme-t-il. Dans son scénario central, la Chine sera la clef de la re-accéleration de l’économie mondiale. «Certains chiffres surestiment sa croissance. Elle a créé un ralentissement global, mais ses politiques monétaire et fiscale vont influencer le cycle manufacturier et entraîner la reprise». Ce qui devrait aider les matières premières, dont le cuivre, dès cet été.

PAS DE RECESSION AVANT 2020

A court terme, Raphaël Olszyna-Marzys estime que le dollar américain continuera à être supporté par le fléchissement de la croissance mondiale. Mais pour le deuxième semestre, le resserrement de l’écart des taux d’intérêt entre les États-Unis et l’Europe affaiblira le billet vert contre l’euro. Aussi, une volatilité élevée sur les marchés exercera une pression à la hausse sur le franc suisse.

L’effet de levier pourrait porter préjudice à l’économie
voire, éventuellement, entraîner une crise.

Quant à l’économie suisse, qui suit la zone euro de près, les prévisions de J. Safra Sarasin restent modestes (1.1% en Suisse contre 1.3% en Europe). Cependant, l’économiste s’attend à ce que la Banque centrale européenne et la Banque nationale suisse relèvent leurs taux une fois vers la fin de 2019 voire en 2020 au plus tard: «L’inflation sous-jacente des pays développés devrait s’approcher de 2% d’ici la fin de l’année, ce qui reflète les tensions sur le marché du travail et des écarts de production largement comblés».

Bien que le cycle économique approche de sa maturité, les probabilités d’une récession sur un horizon de 6 à 18 mois restent faibles, elles augmentent sur les prochains 24 mois. «Dans mon scénario, j’attends une récession autour de 2020-2021», relève l’économiste pour qui, l’endettement des sociétés américaines est un risque important à surveiller de près. «L’effet de levier pourrait porter préjudice à l’économie voire, éventuellement, entraîner une crise. Mais tant que la croissance reste bonne, ce risque reste limité », rajoute-t-il.

Une stratégie d’allocation barbell

Par prudence vis-à-vis des ajustements macro-économiques à très court terme, Raphaël Olszyna-Marzys a un positionnement neutre sur les actions des marchés développés, et sous-pondéré sur le Japon, un marché très exposé à la Chine et qui reflète le cycle économique. Quant aux actions suisses, il s’attend à ce qu’elles affichent une performance comparable aux européennes: «Parmi les actions suisses, nous conseillons aux investisseurs de se concentrer sur les sociétés ayant un profil défensif». Aussi, pour parer à une croissance molle, il surpondère les secteurs défensifs comme la télécommunication ou les biens de consommation courante.

Nombre d'entreprises seront tentées d'ajuster à la baisse
leur guidance pour 2019, au vu des derniers indicateurs avancés.

En revanche, il prend le pari de surpondérer les marchés émergents qui bénéficieront de la pause de la Réserve Fédérale, lors de la première partie de l’année, ce qui soutiendra les flux de capitaux sur ces pays. «Bien qu’il s’agisse d’investissements à risque, les valorisations sont intéressantes et nous avons identifié des poches de croissance sur des pays comme le Brésil», explique l’économiste.

En l’absence d’une récession imminente, le segment des obligations à haut rendement, fortement dévalorisé, devrait redevenir intéressant: «Une prochaine hausse des taux entraînera une pression à la baisse sur les prix. Nous arrivons en fin de cycle de hausse des taux et les prévisions sont de 3% pour les obligations à 10 ans du gouvernement américain».

Enfin, il s’attend à des surprises positives sur les publications des résultats du quatrième trimestre: «Il y a eu beaucoup de révisions à la baisse». Néanmoins, selon son scénario principal, les revenus seront affectés dans les prochains mois. Nombre d'entreprises seront tentées d'ajuster à la baisse leur guidance pour 2019, au vu des derniers indicateurs avancés, donc la réaction des marchés pourrait être mitigée ces prochaines semaines.

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