Trumponomics: coup dans le mille ou balle dans le pied?

Econopolis

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Econopolis analyse la vision de l’économie de Donald Trump…

America great again?

Quelques chiffres en préambule:
 

  • Les actions américaines ont gagné plus de 400% depuis mars 2009, quand la crise financière avait ramené les bourses à un niveau plancher.
  • Le PIB américain a progressé de 4,1% au deuxième trimestre, le taux de croissance le plus élevé depuis 2014.
  • Les baisses d’impôts plus que significatives ont dopé les bénéfices des entreprises. Près de quatre entreprises du S&P500 sur cinq ont enregistré un bénéfice supérieur aux prévisions au deuxième trimestre.
  • Une mesure de faveur a facilité le rapatriement des capitaux parqués à l’étranger. Ces capitaux ont ensuite été investis dans des rachats massifs d’actions propres. Selon les estimations, les entreprises américaines vont acheter pour un montant record de 1 billion de dollars d’actions propres cette année.
Trumpogan

Dans une conjoncture économique aussi florissante, il est logique que la Fed veuille relever les taux. Elle l’a d’ailleurs déjà fait à sept reprises depuis 2015, après avoir maintenu des taux historiquement bas pendant six ans à la suite de la crise financière de 2008. Deux relèvements de taux sont encore prévus pour 2018. Simultanément, la Fed a accéléré l’allègement de son bilan.

Ces relèvements de taux sont également la conséquence de la hausse de l’inflation à 2,9% – son plus haut niveau en six ans – et de la baisse du chômage à 3,9% – son plus bas niveau en vingt ans.

Trump ne veut cependant pas entendre parler de relèvements de taux. Il y est opposé par principe. Comme le président turc Recep Tayyip Erdogan, d’ailleurs.

Trump a rompu avec l’habitude prise par les présidents américains de ne pas s’exprimer sur la politique d’une banque centrale indépendante. Il a ainsi critiqué violemment le président de la Fed Jerome Powell, qu’il avait pourtant nommé lui-même en février. Cette immixtion inquiète les investisseurs. Le dollar a immédiatement perdu du terrain après les déclarations de Trump.

La muraille de Chine

Il n’y a pas que sa propre Fed qui insupporte Trump: il est également sur le sentier de la guerre commerciale. Qu’il s’attire ainsi l’ire du monde entier ne semble pas le perturber. Il estime que l’Amérique est toujours aussi grande et puissante, et que les autres devront finir par s’incliner.

Le grand adversaire économique de Trump est la Chine, dont il ne supporte pas la politique économique menée à l’égard des États-Unis. Le déséquilibre commercial dans les marchandises atteint ainsi 376 milliards de dollars entre les deux pays. De plus, le gouvernement chinois contraindrait des entreprises américaines à céder leurs droits de probité intellectuelle si elles veulent investir en Chine. Récemment, tant l’Union européenne que les États-Unis ont d’ailleurs introduit une plainte à ce sujet auprès de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).

Une première série de droits d’importation a été annoncée en juillet, pour un montant de quelque 34 milliards de dollars de marchandises. Des droits d’importation de 25% ont ensuite été imposés sur un total de 1’000 produits chinois à la mi-août. Quelque 95% de ces taxes portent sur des produits intermédiaires ou des biens d’équipement (et non sur des produits finis). Cette taxe touche donc indirectement l’industrie américaine qui utilise ces produits!

La Chine a systématiquement riposté en imposant ses propres taxes pour un même montant. Elle a ainsi introduit des droits d’importation sur environ 650 produits américains, comme le soja, le bœuf, les porcs, les fruits, les voitures, le whiskey et les motos.

Le plus amusant est cependant que le raisonnement de base de Trump – le gigantesque excédent commercial de la Chine – n’a aucun fondement. Il a existé, mais c’était il y a dix ans. Aujourd’hui, l’excédent commercial a retrouvé des proportions assez normales.

Effet Domino

Aux États-Unis: en bannissant bannit les produits chinois bon marché et en relevant les droits de douane, Trump va en fin de compte provoquer une hausse des prix des biens de consommation pour l’Américain moyen. Son pouvoir d’achat va baisser et l’inflation augmenter.

Un relèvement des taux pourrait mettre en difficulté les entreprises et les ménages très endettés. Les niveaux d’endettement sont historiquement élevés. Y compris la dette publique. En pourcentage du PIB, elle est d’ailleurs supérieure à celle de la Belgique…

Si la confiance des entrepreneurs est ébranlée, cela nuira à l’emploi. En bref, la vision commerciale de Trump pourrait pénaliser une économie américaine en plein boom.

En Europe: si la Chine peut plus écouler ses produits aux États-Unis, elle essaiera de trouver d’autres débouchés. Le marché européen pourrait ainsi finalement être inondé de produits chinois à bas coûts. Cela pourra provoquer une déflation et une baisse des revenus des entreprises européennes.

En Chine: la Chine aussi pâtirait énormément d’une guerre commerciale qui pourrait avoir des conséquences financières graves. Le pays est en effet lourdement endetté. Une crise financière en Chine engendrerait des ventes massives d’obligations publiques américaines, la plus grande réserve dont dispose la Chine.

Aux États-Unis: des ventes massives d’obligations publiques américaines pourraient faire s’envoler les taux, ce qui aggraverait le problème de la dette aux États-Unis. De plus, cette hausse des taux renforcerait le dollar et handicaperait les entreprises américaines exportatrices.

En Asie: Singapour, la Corée et Taiwan sont les pays les plus sensibles aux conséquences d’une guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, parce que ce sont des partenaires commerciaux importants de ces deux pays. En revanche, l’Indonésie et les Philippines pourraient profiter d’une diversification géographique des sites de production aux dépens de la Chine.

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