Sentiment économique dégradé: facteurs locaux vs extérieurs

William De Vijlder, BNP Paribas

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Depuis début 2018, les indices des directeurs d’achats montrent une érosion marquée des nouvelles commandes à l’exportation dans un grand nombre de pays.

Dégradation du sentiment économique: facteurs domestiques versus extérieurs. Depuis début 2018, les indices des directeurs d’achats montrent une érosion des nouvelles commandes à l’exportation dans un grand nombre de pays, plus marquée que la dégradation générale du climat dans l’industrie manufacturière. Les chocs extérieurs de la demande domineraient donc les facteurs domestiques dans le ralentissement global de la croissance. Le décrochement des nouvelles commandes à l’exportation fait écho au freinage des échanges internationaux. Il est sans doute lié au tassement de l’activité chinoise et à celui des dépenses d’investissement (qui nécessitent davantage d’importations que la consommation) constaté dans de nombreux pays. L’incertitude qui règne dans les relations commerciales internationales pourrait également jouer un rôle.

Depuis début 2018, les indicateurs des enquêtes, qui partaient d’un niveau élevé, se dégradent partout dans le monde. Le rafraîchissement généralisé du climat économique est visible sur le graphique 2, qui montre les différents indices Markit des directeurs d’achats (indices PMI) du secteur manufacturier avec des couleurs chaudes et froides, selon le cas. Lorsque l’indice dépasse largement 50, il indique une solide croissance, tandis que les valeurs inférieures reflètent un climat plus frileux, voire carrément glacial. Le graphique 3 fournit des informations similaires sur la composante des nouvelles commandes à l’exportation de l’enquête PMI.

En comparant les graphiques 2 et 3, l’évaluation des commandes à l’exportation d’il y a un an apparait généralement un peu moins positive que les indices PMI globaux, ces derniers restant hauts plus longtemps que les commandes de l’étranger. Enfin, plusieurs pays de la zone euro (France, Allemagne, Italie, Autriche) et la zone euro dans son ensemble ont subi une dégradation très nette de leurs perspectives d’exportation. Le graphique 1 présente ces données différemment, avec, en abscisses, la variation sur un an de l’indice PMI et, en ordonnées, l’évolution des chiffres des nouvelles commandes à l’exportation.

Lorsqu’un pays est situé sous la diagonale, cela signifie que la chute de ses commandes à l’exportation est plus importante que la réduction de son indice PMI global, ce qui indiquerait qu’il subirait un choc de la demande étrangère. La majorité des pays sont dans cette situation et certains sont même extrêmement loin de la diagonale (Autriche, Pays-Bas, Pologne, Japon, etc.).

D’autres, comme l’Italie ou la Turquie, sont situés au-dessus de la diagonale, ce qui indique que la dégradation des conditions économiques intérieures y a été encore plus marquée que le choc extérieur. L’Italie est entrée en récession au second semestre de 2018. La forte augmentation des rendements obligataires a sans doute joué un rôle, tant directement (hausse du coût du financement) qu’indirectement (en tant qu’indicateur de l’incertitude propre au pays et due à ses finances publiques). La Turquie a connu des tensions majeures sur ses marchés financiers durant l’été 2018, ainsi qu’une envolée de l’inflation et des taux d’intérêt, puis le pays est entré en récession. Le cas de l’Australie est intéressant: son indice PMI a modérément reculé alors que ses perspectives d’exportation n’ont quasiment pas changé, ce qui laisse à penser que là aussi des facteurs nationaux sont à l’œuvre.

Le graphique 1 met également en évidence deux pôles: le premier regroupe des pays dont la variation de l’indice PMI et des commandes à l’exportation est faible, voire légèrement positive, tandis que le second rassemble les pays dont ces deux indicateurs ont fortement chuté. Ces derniers sont pour la plupart membres de l’Union européenne et l’intensité des échanges intra-européens suppose que des chocs négatifs dans un pays se répercutent aux autres : près de 30% des exportations autrichiennes et 24 % des exportations néerlandaises sont ainsi destinées à l’Allemagne, ce qui explique l’importance toute particulière pour ces deux pays de l’absence de croissance outre-Rhin au second semestre 2018. 

Le fait que de nombreux pays affichent une diminution sensible du sous-indice des commandes à l’exportation fait écho au ralentissement significatif de la croissance des volumes d’échanges internationaux, lui-même probablement lié au tassement de l’activité chinoise. La modération, observée dans de nombreux pays, de la formation brute de capital fixe, qui recourt davantage aux importations que la consommation, pourrait également jouer un rôle, de même que l’incertitude qui règne sur les relations commerciales internationales.

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