Poursuite de l'expansion du cycle économique en perspective

John Greenwood, Invesco Asset Management

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Deux vents contraires pourraient toutefois potentiellement freiner la croissance.

Après un accès de faiblesse en 2015-2016, aggravé par la baisse des prix du pétrole, par un ralentissement de l'investissement dans le secteur de l'énergie, ainsi que par des surcapacités dans les industries lourdes en Chine, la production manufacturière mondiale a signé une forte reprise en 2017, reprise qui s’est poursuivie au début de l’année 2018. La croissance du PIB global a été moins volatile, malgré les bonnes performances enregistrées aux Etats-Unis aux deuxième et troisième trimestres 2017, et une amélioration régulière de la performance en Europe continentale tout au long de l’année 2017. En Chine, la dynamique économique s’est toutefois essoufflée, du fait d’un léger ralentissement dans les industries de transformation des matières premières et dans le secteur du logement.

Si l'on se projette dans l’avenir, après cette période de forte croissance, des signes d'essoufflement de la dynamique apparaissent désormais aux Etats-Unis, en Europe et en Chine. Cependant, cela ne signifie pas la fin de la reprise, mais seulement un ralentissement de cette dernière.

Impact de la réduction de la taille du bilan de la Fed

Les corrections et les ralentissements de mi-parcours au cours des périodes d’expansion économique sont assez fréquentes. Les plus remarquables furent celles associées aux hausses de taux aux États-Unis en 1994-1995 et en 2004-2005. Cette fois-ci, deux vents contraires pourraient freiner la croissance.

Tout d'abord, comme la Réserve fédérale américaine (Fed) est en train de relever ses taux d'intérêt et de réduire dans le même temps la taille de son bilan, l'économie américaine va devenir très dépendante de la capacité du système bancaire et financier à produire de nouveaux crédits, en particulier dans le cadre plus strict imposé par les règles de Bâle III. Ce n'est pas la réduction de la taille du bilan de la Fed qui est critique en elle-même, mais l'impact que cette contraction aura sur les capitaux circulant dans le système bancaire dans son ensemble. Le principal risque est le suivant : la croissance monétaire et celle du crédit aux Etats-Unis ayant déjà ralenti pour atteindre environ 4 %, toute autre décélération pourrait enrayer la croissance de l'économie.

Chine vs USA: effet déstabilisateur temporaire

Deuxièmement, le conflit commercial avec la Chine initié par le président Trump pourrait avoir un effet déstabilisateur temporaire sur l'activité économique. Les gros titres des journaux expriment de façon généralisée l’inquiétude qu'une «guerre commerciale» puisse précipiter un ralentissement mondial, même si cela est peu probable dans les faits. Les droits de douane, s'ils sont mis en place, vont certainement faire grimper le prix des importations pour les consommateurs tant américains que chinois, mais les dommages causés à la croissance globale du PIB seraient limités. Une contraction du crédit ou un resserrement monétaire inattendu infligeraient beaucoup plus de dégâts, comme cela fut le cas en 1929-1933 (impact de la loi Hawley-Smoot) ou en 2008-2009.

Une inflation toujours modérée qui ne constitue pas encore
une menace pour la croissance économique.

Le consensus des prévisionnistes économiques table sur une reprise significative de l'inflation aux Etats-Unis cette année. Cependant, au cours des huit dernières années, l'inflation est ressortie en-dessous du taux cible de 2% des banques centrales, aussi bien aux Etats-Unis, en zone euro qu’au Japon. Dans un contexte de mesures non conventionnelles adoptées par les banques centrales (via l'assouplissement quantitatif ou QE), les niveaux exceptionnellement bas de taux d'intérêt, la poursuite des déficits budgétaires, et une inflation inférieure à sa cible ont placé les analystes traditionnels face à un véritable casse-tête. Comme les marchés du travail se sont tendus, ils s’attendaient à ce que l'inflation augmente conformément à la «courbe de Phillips» (analyse des écarts de production). Selon ce cadre d’analyse, lorsque les marchés du travail se tendent et que l'utilisation des capacités augmente, la hausse des prix est alors inévitable. Cependant, cette théorie fait abstraction du fait que l'inflation est un phénomène monétaire, et non pas seulement le résultat d'un marché du travail tendu. Le fait est que le taux de croissance monétaire sous-jacent est resté faible dans la plupart des grandes économies développées (bien en dessous de ce qui est nécessaire pour entraîner une poussée de l'inflation). Aussi longtemps que ce sera le cas, il n'y a aucune raison de s'attendre à une flambée de l'inflation qui pourrait justifier un resserrement de la politique monétaire, un tel resserrement pouvant à son tour menacer de mettre fin à l'expansion du cycle économique.

La récente correction sur les marchés actions

Après la forte progression des cours alimentée par les réductions d'impôt aux États-Unis en décembre et janvier derniers, les marchés d’actions ont subi une série de revers en février et mars liés à trois facteurs principaux. Tout d'abord, la publication des statistiques sur le salaire horaire moyen de janvier (bond de 2,8 % en glissement annuel, données publiées début février) a fait ressurgir une peur de l'inflation. Les chiffres qui ont suivi pour les mois février (+2,6 %) et mars (+2,7 %) n'ont montré aucune accélération durable des salaires. Cela a permis d’étouffer pour le moment les craintes relatives à une spirale inflationniste qui serait alimentée par les salaires (selon la courbe de Phillips). Deuxièmement, le secteur des technologies (secteur qui avait tiré le marché vers le haut sur une grande partie des années 2016 et 2017) a subi une série de mésaventures qui ont pénalisé certains des plus grands noms de la cote, notamment Facebook et Amazon. Troisièmement, l’escalade des tensions commerciales protectionnistes entre le président Trump et la Chine a fragilisé le sentiment de marché sur l'ensemble des secteurs. Après l’envolée des marchés boursiers en décembre et janvier déclenchée par les réductions d'impôts décidées par M. Trump, une telle correction était devenue à la fois inévitable et souhaitable.