Pourquoi la reprise du crédit est justifiée

Mark Holman, TwentyFour Asset Management

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La reprise des écarts de crédit est susceptible de se poursuivre, mais probablement pas de manière linéaire.

Le récent redressement des marchés boursiers a fait la une de toutes les conversations, notamment aux US, étant donné les évidentes faiblesses sous-jacentes de l’économie. Il nous semble évident que les fondamentaux économiques ne justifient pas de telles valorisations des actifs à risque, mais bien qu’une attention particulière soit accordée à ces fondamentaux dans notre analyse, les valorisations ne se résument que très rarement à cela.

Les marchés du crédit approchent la juste valeur

Pas de panique, je ne suis pas sur le point de vous faire une analyse du marché boursier. Concentrons-nous plutôt sur les marchés des risques de manière plus globale, ce qui en matière de revenu fixe implique le crédit.

Les écarts de crédit ont affiché au mois de mars de forts dépassements à la baisse, avec un effondrement soudain sur base de la valeur du marché, les investisseurs vendant des actifs indépendamment de la qualité dans leur désir de récupérer en espèces. Nous avons assisté au mois d’avril à une reprise paraissant dans l’ensemble bien plus ordonnée et consciente des risques.

Cette reprise est justifiée en dépit
des effroyables fondamentaux devant nous.

À ce jour, nous estimons que les marchés des actions vont probablement se rapprocher de la juste valeur compte tenu du contexte général, même si historiquement ils semblent toujours bon marché, et nous sommes d’avis que cette reprise est justifiée en dépit des effroyables fondamentaux devant nous.

Avant d’essayer de rationaliser ce point de vue, il convient d’évaluer le rôle qu’un crédit de bien meilleure qualité a joué dans la reprise. Prenons à titre d’exemple le marché américain, étant donné que c’est ici que les allégations injustifiées de reprise du marché boursier se sont concentrées.

On trouvera ci-dessous un tableau détaillant l’évolution des écarts cette année sur le taux «sans risque» du crédit américain, couvrant les indices de la CCC, de haut rendement («high yield») et de notation élevée («investment grade»). La reprise s’est avérée nettement plus marquée eu égard aux indices de notation plus élevés qu’à ceux se trouvant dans la fourchette CCC, qui, comme nous le savons, est historiquement là où la majorité des défauts surviennent.

Indice 2020 Écart faible 2020 Écart élevé Écart actuel Reconstitution
IG-US 97bp 397bp 220bp 59%
US HY 351bp 1082bp 750bp 45%
US CCC 991bp 1942bp 1765bp 19%

Selon nous, quatre motifs justifient ce redressement, et expliquent pourquoi la tendance devrait se poursuive, bien qu’il soit peu probable que cela se produise de manière linéaire:

  1. Liquidité. Une quantité astronomique de liquidités est injectée à la fois dans les économies et sur les marchés. Il est logique que cela se reflète dans les prix des actifs. S’il existe une chose que les diverses réponses à la crise financière mondiale nous ont apprise, c’est de pas à sous-estimer le pouvoir d’intervention.
  2. L’intervention de la banque centrale dans les opérations de crédit. Bien que les banques centrales ne soient généralement pas des institutions qui prennent des risques de crédit, elles semblent plutôt confiantes quant au fait que leurs incursions dans le crédit soient sécuritaires, étant donné qu’elles ciblent la catégorie «investissement» en général. Rappelez-vous que sur le plan historique, le taux IG par défaut est pratiquement nul.
  3. Une récession relativement prévisible. L’une des caractéristiques inhabituelles de cette récession est sa forme, et plus précisément sa trajectoire relativement prévisible. On peut dire sans craindre de se tromper que le T2 2020 sera le pire trimestre, tout comme nous avons tout lieu de croire que la reprise sera progressive à partir de ce point. Nous ne savons pas quand l’économie mondiale pourra revenir à des niveaux de production équivalents à ceux du T4 2019, mais les écarts de crédit ont tendance à rebondir avant les fondamentaux une fois les investisseurs confiants de la reprise, et nous pensons que c’est le cas ici.
  4. Une reprise rationnelle. Nous sommes d’avis que la surperformance d’un crédit de meilleure qualité prouve que cette reprise est rationnelle, car les investisseurs sont attentifs au risque de défaillance et évitent les secteurs les plus exposés.
Nous ne pensons pas que ce soit le moment d’ajouter
les bouts inférieurs de l’échelle des risques.

Comme nous l’avons mentionné à plusieurs reprises déjà, nous ne pensons pas que ce soit le moment d’ajouter les bouts inférieurs de l’échelle des risques, sachant que c’est ici que résident les principales vulnérabilités. Il nous semble raisonnable d’envisager que moins de 50% des entreprises situées dans la fourchette de notations de la CCC seront toujours présentes d’ici 5 ans, tout au moins dans leur forme actuelle.

Il est toujours cependant propice de se concentrer sur la qualité, et la reprise est entièrement justifiée par des facteurs non fondamentaux. Ces reprises motivées d’un point de vue technique peuvent être douloureuses pour ceux ayant sous-investi ou à court terme, et ce sans exception.

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