Positionnement de printemps

François Meylan, Meylan Finance

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Donner un sens à ses placements n’est pas toujours payant à court terme ni à moyen terme. Et à long terme... nous serons tous morts. 

 

LA VOLATILITÉ...

La semaine dernière encore, un partenaire bancaire nous faisait part de sa déception concernant les conditions macro-économiques de ce premier trimestre. Nous l’avons dit et écrit, en début d’année, notamment dans nos chroniques financières pour le magazine «Point de Mire» - gardons-nous de toute euphorie. Dans un monde où la communication émotionnelle et factice prend le dessus sur l’information vérifiée et constructive, il y a beaucoup de vents et de bulles qui n’attendent que d’éclater. Comme le préconisait, jadis, le philosophe René Descartes: encourageons le doute, il permet d’avancer juste. Ceci dit, il faudra garder le cap avec les yeux ouverts et avec discipline. Les marchés sont nerveux et parfois à bout de nerfs. Entre ce qu’ils refusent de voir et la fatigue qu’occasionne le président Trump avec ses incessantes déclarations d’hostilités quand ce n’est pas directement de guerre, il y a de quoi perdre son latin. Notre conseil: prenez de la distance et consacrez-vous à l’essentiel. C’est la meilleure façon de faire selon Spinoza. 

«Tout peut aller très vite. Et ce qu’on a sacralisé hier
peut être brulé aujourd’hui.»
SIGNES ÉCONOMIQUES CONTRADICTOIRES

On nous annonçait encore, la semaine dernière, un taux de chômage au plus bas aux États-Unis depuis 1974! Voilà du vent... qu’il soit électoraliste ou le fruit d’une construction mentale de l’industrie financière pour soutenir les cours boursiers actuels. On ne nous dit rien sur le nombre de chômeurs qui sont sortis des statistiques pour gonfler la cohorte des travailleurs pauvres. Et encore moins sur l’endettement stratosphérique des ménages américains. C’est pourtant sur eux que nous comptons pour soutenir une croissance de façade. Nous y reviendrons dans une prochaine chronique. En Suisse, l’information est sortie, presque confidentielle: le nombre d’ouvertures de faillites de personnes comme d’entreprises est au plus haut depuis 2008! 

DONNER UN SENS À SES PLACEMENTS...

Donner un sens à ses placements n’est pas toujours payant à court terme ni à moyen terme. Et à long terme... nous serons tous morts. Dans un monde où les notions de durabilité comme de meilleure répartition restent à la peine, il est louable de donner un sens à ses placements. C’est une façon de participer à un futur plus éthique et plus humain. Cependant, cela ne garantit en rien le succès des dits investissements. La motivation doit être puisée ailleurs. Tout peut aller très vite. Et ce qu’on a sacralisé hier peut être brulé aujourd’hui. La semaine dernière le constructeur automobile Tesla a perdu une vingtaine de pourcent en deux séances à Wall Street. Le seul mardi, sa capitalisation boursière chutait de 7 milliards de dollars. La raison en est l’annonce de l’ouverture d’une enquête sur l’accident qui a coûté la vie au conducteur de l’un de ses Model X. Comme quoi une avancée technologique peut vite être remise en question. L’investigation sera assurée par le Conseil national de la sécurité des transports. Il doit déterminer si la voiture était en mode automatique. 

«Les marges ont fondu avant même que les investissements
de recherche et de développement n’aient pu être amortis.»

Pour sa part, H&M croule sous des piles de vêtements invendus. Début 2018, ses ventes sont en recul de plus de 60%. Le géant suédois aux 4700 magasins souffre de 4,1 milliards de francs d’invendus (+7% en un an). L’essor de l’e-commerce mondial en est la première raison. Le second motif du désamour pour l’enseigne créée en 1947 à Vasteras, à l’ouest de Stockholm, est sa communication inadéquate. Comme cette publicité d’avant fêtes qualifiée de raciste qui mélange humour avec un enfant de couleur et des allusions aux primates et à la jungle. La sanction fut immédiate. La chaîne a dû se retirer du marché sud-africain. Les analystes qui suivent H&M et son modèle économique déplorent l’absence de vision. Il est loin le temps où Madonna s’habillait en H&M. 

L’INDUSTRIE SOLAIRE GRANDE PERDANTE DE CE PREMIER TRIMESTRE 2018

Jeudi dernier, les chiffres de Meyer Burger pour l’exercice 2017 ont déçu. La restructuration a été plus coûteuse que prévue, d’une part. Le discours prudent mais constructif du PDG Hans Brändle n’a pas été entendu, d’autre part. En termes de communication boursière, les promesses auxquelles pourtant nul n’est lié sont plus porteuses... du moins à court terme. Pour couronner le tout, on apprenait, quelques jours plus tard, que le géant allemand du secteur Solarworld allait faire faillite. Le cumul de ces mauvaises nouvelles a plongé l’action de Meyer Burger de quelques 36%!

Bien que l’on soit encore au-dessus du prix d’entrée en bourse de 2006 – c’est également le cas pour le prix fixé lors de l’augmentation de capital de fin 2016 – examinons rapidement la situation. Les points négatifs: l’industrie solaire rencontre une surcapacité. Les marges ont fondu avant même que les importants investissements de recherche et de développement n’aient pu être amortis. La Chine subventionne fortement ses entreprises du secteur et exerce ainsi un dumping redoutable sur ce domaine d’avenir jusqu’à l’éviction de la concurrence. Les tribulations de Trump concernant sa guerre commerciale et les taxes sur l’acier et sur l’aluminium ébranlent profondément la branche. 

«Un peu d’adversité force à se recentrer,
à solliciter des ressources souvent insoupçonnées.»

Les points positifs: Meyer Burger est encore fortement doté en liquidités. Les brevets et sa technologie de pointe en font un acteur privilégié. Sa restructuration est, dans sa plus grande partie, faite. Son positionnement sur son marché est bon. L’entreprise bernoise pourrait devenir une cible de rachat. L’avis est partagé par les analystes du secteur de la banque Vontobel et de la Banque Cantonale de Zürich (BCZ). L’évolution du cours boursier à anticiper: une baisse pour commencer puis un rebond d’une vingtaine de pourcent est par la suite. L’objectif de CHF 2,30 du début d’année dépendra étroitement des nouvelles entrées de commandes. A suivre de très près … avec une présence à l’Assemblée générale des actionnaires le 3 mai 2018, à Thoune. 

LA TOUCHE POSITIVE... 

Le monde reste captivant et riche en opportunités. Et nous demeurons foncièrement positifs pour les neuf mois restant de 2018 mais avec objectivité et prudence. Un peu d’adversité force à se recentrer, à solliciter des ressources souvent insoupçonnées. Citons Antoine de Saint-Exupéry: «Le bonheur ce n’est pas quand il n’y a plus rien à ajouter. C’est quand il n’y a plus rien à enlever.»