Perspectives pour les USA: incertitude à moyen terme

AXA Investment Managers

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David Page, économiste senior chez AXA Investment Managers, prévoit un ralentissement de la croissance à 1,6% en 2020 et un autre à 0,8% en 2021.

Ces prochaines années, les perspectives pour les USA seront marquées par l’incertitude concernant la politique commerciale et le résultat des élections américaines. David Page, économiste senior chez AXA Investment Managers (AXA IM), prévoit un ralentissement de la croissance à 1,6% en 2020 et un autre à 0,8% en 2021.

En 2019, la dynamique a fortement changé aux USA: par trois fois, la Fed a baissé les taux d’intérêt, notamment en raison de l’incertitude au niveau des entreprises. «La politique commerciale agressive des USA a eu des répercussions non seulement sur la conjoncture, mais aussi sur les investissements des entreprises et le commerce mondial en général. En 2020 et 2021, les incertitudes à court terme seront élevées et impacteront les facteurs économiques à moyen terme», indique Page.

Par le passé, les crises économiques notables étaient principalement liées à des événements géopolitiques exogènes, de sorte que les élections américaines de 2020 ont inévitablement pris le dessus. «Un second mandat de Donald J. Trump pourrait raviver les tensions commerciales», indique Page. Une majorité des deux tiers au Sénat est nécessaire pour destituer Trump. Pour l’heure, cela paraît certes peu probable, mais l’opinion publique jouera vraisemblablement à cet égard un rôle déterminant. Ainsi, la part de l’opinion publique favorable à une destitution de M. Trump est passée de 40% à 50% depuis le scandale ukrainien. Si cette valeur devait dépasser les 60%, le Sénat pourrait approuver sa destitution.

La désignation de la démocrate Elizabeth Warren comme candidate aux élections présidentielles aurait aussi des incidences. «Mme Warren fait partie des démocrates radicaux et pourrait, au moment du vote, ne pas réussir à convaincre les électeurs républicains plutôt modérés qui lui seraient nécessaires pour remporter la victoire. Mais si elle y parvenait, cela pourrait dégrader encore davantage le climat économique au vu du programme qu’elle propose. Dans l’ensemble, les élections vont donc plutôt contribuer à renforcer l’incertitude», prévoit Page.

Un vent économique contraire pourrait ralentir la croissance

Outre les incertitudes politiques, les facteurs économiques à moyen terme constituent aussi un frein à la croissance, laquelle devrait être modérée en 2020. La «Tax Cuts and Jobs Act Reform de 2018» de M. Trump a soutenu la croissance jusqu’en 2019. Cependant, en 2020, l’aide fiscale disparaîtra. D’après les prévisions du Congressional Budget Office, le cadre fiscal devrait se dégrader en 2021. Un resserrement des conditions de crédit devrait aussi pénaliser la croissance économique.

«Généralement, les conditions sur les prêts hypothécaires suivent la hausse de la courbe des taux avec un retard de deux ans. Cela suggère que la courbe inverse des taux de cette année devrait se traduire par des conditions de crédit plus sévères sur les prêts hypothécaires en 2020 et 2021. Dans le contexte d’une réduction de la croissance des revenus réellement disponibles, on peut vraisemblablement s’attendre à des effets négatifs sur le niveau des investissements dans l’immobilier. En outre, nous nous attendons à un resserrement persistant des écarts de taux de crédit, comme cela avait pu être observé à la fin des années 1990», ajoute Page. Certes, ces facteurs pourraient être compensés par une politique monétaire plus souple, néanmoins celle-ci ne devrait avoir d’effets sur la croissance économique qu’à partir de 2021.

En revanche, Page s’attend à une poussée modérée de la croissance par le commerce mondial, du fait que l’accord partiel conclu entre les USA et la Chine fait apparaître une légère stabilisation du conflit commercial. «Pour 2020, nous tablons sur une croissance de 1,6%, avec un potentiel de hausse sous l’impulsion de la Fed et de bonnes perspectives pour le commerce mondial. Une série de facteurs, comme l’augmentation du taux de chômage, pourrait cependant accélérer le recul de la croissance», avertit Page. Les données historiques montrent qu’une augmentation de 0,35% du taux de chômage à partir de son dernier niveau le plus bas se traduit la plupart du temps par une récession et une montée du chômage. Cela entraînera probablement aussi une baisse de la consommation et des dépenses d’investissement. «Pour l’année 2021, nous pouvons nous attendre à un ralentissement de la croissance associé à une augmentation du taux de chômage», indique Page.

De plus, les conditions de financement aggravent souvent la baisse de la conjoncture. Une baisse sur les marchés boursiers pourrait avoir un impact sur le moral des consommateurs ainsi qu’au niveau patrimonial. Même si l’endettement des entreprises ne semble pas être problématique, une tendance baissière pourrait augmenter les spreads des entreprises et ainsi réduire leur capacité d’emprunt et d’investissement. Par conséquent, les craintes d’une récession peuvent durcir les conditions de crédit et accentuer le ralentissement. «Ces facteurs cumulés peuvent conduire à une récession, qu’il est cependant difficile de prévoir exactement. Si à la fois ces facteurs et une contraction trimestrielle se réalisent, nous estimons à 0,8% le niveau de la croissance en 2021», indique Page.

Le rôle de la Fed

Les mouvements à la baisse se produisent généralement de manière inopinée, de sorte qu’il est légitime de se demander s’il suffit d’anticiper un ralentissement pour les empêcher. Pour lutter contre le ralentissement de cette année, la Fed a assoupli sa politique monétaire. «Afin d’éviter des ralentissements futurs, la Fed devrait réagir début 2020 pour minimiser les risques pour 2021. Par le passé, la Fed a rarement réussi à le faire. Par ailleurs, elle considère que l’économie est dans une bonne position de départ. Il faudrait que la situation de détériore nettement pour que cela justifie un assouplissement accru», ajoute Page. Jusqu’au quatrième trimestre 2020, il prévoit deux baisses des taux autour de 1,00-1,25%, et qu’ils atteindront leur niveau plancher en 2021. Un assouplissement de cet ordre n’aurait cependant pas d’effet stimulant sur la croissance avant 2021.

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