Perspectives hebdomadaires de Raiffeisen

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La discussion sur le Brexit s'envenime. Politique divergente de la Banque centrale.

Le jeu de poker concernant le Brexit s'est intensifié cette semaine lors du sommet de l'UE à Bruxelles: la rencontre extraordinaire prévue pour novembre, lors de laquelle l'accord sur le Brexit devrait être scellé, est suspendue pour le moment – jusqu'à ce que Londres se bouge. L'UE à 27 augmente ainsi de nouveau la pression sur le gouvernement britannique. Des voix optimistes s'étaient encore fait entendre dans les cercles diplomatiques le week-end: une prolongation de la phase transitoire au-delà de 2020 avait même été mise en avant par l'UE. Malgré les progrès réalisés sur divers points sensibles, une solution à l'épineuse question irlandaise demeure le principal point d'achoppement.

Bien que Theresa May accepte à présent une présence illimitée dans le temps de l'Irlande du Nord dans l'union douanière et le marché intérieur, le problème de cette solution de rattrapage politiquement sensible n'est pas encore réglé. Face à l'envenimement des discussions sur le Brexit, de nombreux pays de l'UE intensifient actuellement leurs préparatifs en vue d'une sortie désordonnée du Royaume-Uni. Pour les marchés financiers, le sujet n'est guère plus déterminant depuis un moment. Cela ne s'applique toutefois pas à la livre sterling. C'est plutôt un scénario positif qui vient d'être intégré au cours de cette monnaie. Or, dans le cas d'un «no deal», la prime de risque pour la devise britannique devrait raugmenter et le cours fléchir de nouveau.

Le reste de l'univers des devises se concentrerait alors pour la plupart sur les tendances de politique monétaire – une évolution qui s'est profilée de plus en plus ces derniers mois. Cela vaut aussi bien pour le billet vert poussé par la Fed qui devance le cycle mondial des taux, que pour les devises européennes. Les couronnes suédoise et norvégienne se sont ainsi appréciées d'environ 4% par rapport à l'euro et au franc suisse depuis début septembre. La divergence croissante de la politique monétaire des banques centrales scandinaves vis-à-vis de la BCE et la BNS est à l'origine de cette situation. La Norges Bank a réalisé sa première hausse des taux depuis 2011 en septembre, mettant ainsi fin aux taux planchers. Même la Riksbank suédoise qui avait mené une politique monétaire expansionniste agressive à l'égard de la BCE à Francfort, devrait dès la semaine prochaine parer les marchés au début de la fin de ses expériences de politique monétaire. Seul Mario Draghi est susceptible de parler jeudi à nouveau d'une tonalité creuse en termes de hausse des taux. Car même si le programme obligataire sera arrêté en fin d'année, le taux applicable aux dépôts à vue devrait encore rester négatif un temps certain. La fin du régime des taux négatifs est prévue dès 2019 en zone euro, et donc également en Suisse, mais uniquement dans le cas d'un scénario positif – et plutôt improbable.

Graphique de la semaine

Taux directeurs

Sources: Bloomberg, Investment Office Groupe Raiffeisen
Gros plan: la saison de publication des résultats prend son envol

La saison de publication des résultats a vraiment pris son envol cette semaine. Après les pertes de cours sur les marchés des actions ces dernières semaines, les investisseurs attendent non seulement que les chiffres des entreprises au troisième trimestre suscitent une inflexion, mais surtout des impulsions positives. Ils pourraient toutefois être déçus, cette fois-ci, car ils avaient pris l'habitude du grand nombre de bonnes surprises en termes de rendements. Aux USA, plus de 75% des entreprises ont pu dépasser les attentes ces derniers trimestres, et en Europe, tout de même la moitié. Pour le T3, les estimations des analystes à dépasser semblent toutefois très ambitieuses à présent, notamment sur le vieux continent.

En effet, les prévisions en termes de bénéfices avec une hausse de 13% sont même encore plus élevées que les chiffres publiés au premier semestre. Cela en dépit du fait que des données macroéconomiques clés telles que les indices des directeurs d'achat, la production industrielle, la confiance des consommateurs et donc la croissance économique ont sensiblement ralenti depuis le début de l'année. De l'autre côté de l'Atlantique, une croissance des bénéfices encore plus élevée est même estimée à +19%, ce qui semble néanmoins plus réaliste. D'une part, la réforme fiscale américaine continue de créer une dynamique favorable, d'autre part, les USA ont été en grande partie en mesure d'échapper au ralentissement économique dans le monde jusqu'à présent.

Réforme fiscale US booste bénéfices des entreprises

Estimations des bénéfices par consensus pour 2018

Sources: Bloomberg, Investment Office Groupe Raiffeisen

Les secteurs cycliques notamment sont vulnérables aux déceptions en termes de bénéfices vu leur plus grande dépendance de l'activité économique pendant l'actuelle saison de publication des résultats. Mais même si les chiffres nouveaux ne suscitent pas de feux d'artifice cette fois-ci, un pessimisme accru n'est pas non plus de mise. La force relative d'importants métaux industriels et le prix du pétrole plaident ainsi plutôt pour un repli de la croissance qu'un ralentissement mondial majeur. Par ailleurs, les valorisations des marchés des actions en général, et des secteurs cycliques en particulier, ont sensiblement diminué depuis le début de l'année: en effet, le ralentissement de la dynamique des bénéfices a déjà été largement intégré. Une fois la situation réelle passée en revue les semaines à venir, impliquant aussi l'un ou l'autre avertissement sur les bénéfices, l'attention devrait à nouveau se porter sur les conditions fondamentales et les perspectives pour 2019. Et elles sont meilleures que le moral actuel du marché pourrait le suggérer.

Car, tant que l'économie mondiale n'en restera qu'à un repli de la croissance, les estimations des analystes prévoyant, pour l'an prochain, une hausse des bénéfices de 10% ne sont pas excessivement élevées. Alors, l'avantage en 2019 pourrait bien profiter à l'Europe où les marges bénéficiaires affichent toujours un potentiel de hausse. Aux USA, les marges devraient être sous pression, du moins dans certains secteurs, en raison de la hausse des coûts salariaux et des intérêts.Sauf chute notable de la croissance économique, le marché dans son ensemble devrait être épargné pour le moment par l'érosion des marges bénéficiaires.

Finalement, le principal risque pour les bénéfices des entreprises demeure, même l'an prochain, une guerre commerciale entre les USA et la Chine. Dans le cas du scénario négatif – tarifs douaniers de 25% sur toutes les exportations et importations – les entreprises américaines seraient menacées par une chute des bénéfices, qui devrait aussi impacter les autres pays industrialisés.

Potentiel de rattrapage pour l'Europe

Marges des bénéfices

Sources: Bloomberg, Investment Office Groupe Raiffeisen

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