Perspectives hebdomadaires de Raiffeisen

Raiffeisen

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Les intérêts suisses stagnent. Les marchés des actions défient les foyers de risque.

Les banques centrales se sont retrouvées sous les feux des projecteurs des marchés financiers, du moins temporairement. Les taux, notamment en Europe, sont restés à un faible niveau, 10 ans jour pour jour après le début de la crise financière. Aussi, à l'occasion de sa décision des taux cette semaine, la BCE a-t-elle confirmé vouloir maintenir ses taux directeurs au niveau actuel jusqu'à l'été 2019. En revanche, la Fed augmentera vraisemblablement les siens de 0,25 point de pourcentage supplémentaire le 26 septembre prochain, portant le taux directeur à plus de 2%, et confirmant ainsi la normalisation progressive aux USA.

Toutefois, la BNS suivra, la semaine prochaine, le rythme tranquille imposé par la BCE. Le CHF ne semble toujours pas s'affaiblir, comme le souhaite la BNS, contrairement au début d'année, alors qu'EUR /CHF avait atteint l'ancien plancher de 1,20 et ce jusqu'en avril. Le franc, comme toutes les autres valeurs refuges, s'était ensuite réapprécié en raison des élections italiennes et du va-et-vient des conflits commerciaux. La BNS pourrait donc réitérer son message la semaine prochaine, que la situation sur le marché des devises reste volatile et qu'elle est prête à intervenir, le cas échéant. Selon nos attentes, le taux visé pour le Libor à 3 mois, actuellement à -0,75%, n'augmentera que dans un an, soit en même temps que la BCE augmentera le sien. Les marchés à terme des taux tablent même sur une hausse en décembre 2019. On ne s'attend donc à aucune inversion rapide, ni même sur le marché des capitaux. Les rendements des obligations de la Confédération à 10 ans n'atteignent que lentement le seuil des 0%, les US Treasuries, à 3%, sont également en-dessous du niveau tel que suggéré par la vigueur de l'économie et la dynamique inflationniste actuelle.

Certains investisseurs dans les actions technologiques
pourraient se montrer de plus en plus prudents.

L'excellent état de santé de l'économie devrait également se voir confirmer dans les chiffres de l'exportation suisse la semaine prochaine. La tendance reste positive, malgré une baisse importante par rapport au mois précédent, induite par le recul des exportations vers le marché européen. Or, les conflits commerciaux n'ont aucun effet contraire, à ce stade de l'escalade.

Les marchés des actions sont, eux aussi, peu impressionnés par les hausses des taux US ou les tensions commerciales. Les indices US atteignent des sommets, et le SPI suisse, largement diversifié, n'est, lui aussi, que légèrement en dessous de son record de janvier 2018. La tendance des titres technologiques US, qui ont considérablement contribué à la solide performance globale de l'indice US cette année, est inégale. Google (-9% par rapport à son record annuel) et Facebook (-25% par rapport à son record annuel) sont quelque peu sous pression, parmi les actions FANG (Facebook, Amazon, Netflix et Google), au cœur des préoccupations. Certains investisseurs dans les actions technologiques pourraient se montrer de plus en plus prudents à l'égard de la forte reprise de ces valeurs. C'est pourquoi les marchés plus défensifs, dont le marché des actions suisse, nous semblent plus avantageux.

Graphique de la semaine

Attente réservée du marché pour les taux suisses

Sources: Bloomberg, Investment Office du Groupe Raiffeisen
Gros plan: séquelles toujours palpables, 10 ans après Lehman

Dix ans jour pour jour après l'effondrement de Lehman, les médias et le secteur bancaire se tournent vers cet événement jugé phare de la plus grande crise financière des temps modernes. En effet, l'investisseur doit, encore aujourd'hui, faire face à ses effets et en tirer des leçons.

Malgré l'habitude, l'environnement de placement ressent encore les séquelles de cet événement. Or, il ne faut pas oublier que les taux directeurs – réduits à un niveau anormalement bas à la suite des mesures de sauvetage, excepté aux USA – perdurent; par ailleurs, les données sur l'inflation et économiques – en Suisse tout comme dans la ZE – justifieraient des taux nettement plus élevés depuis longtemps déjà.

Contexte de taux bas – répercussions persistantes

Libor 3M, inflation et croissance du PIB en Suisse, en %

Sources: Bloomberg, Investment Office du Groupe Raiffeisen

On assiste donc à une pénurie de placements, bien connue, et à des allocations toujours erronées, en raison de l'environnement de taux historiquement bas, découplé des prix à la consommation et de l'économie.

Malheureusement, on doit tirer une autre conclusion centrale de la débâcle de Lehman: ce n'est pas parce qu'un événement n'est pas encore connu qu'il ne peut pas se produire. Cette constatation banale a trouvé sa place dans la littérature économique sous le concept de la théorie des cygnes noirs: elle préconise qu'un événement boursier peut se produire, surtout si cela n'a jamais été le cas – à l'image de la faillite d'une des plus grandes banques d'investissement. Et pourtant, le portefeuille d'un investisseur équilibré et orienté sur le long terme de vrait être paré à cet événement, s'il est suffisamment diversifié.

Enfin, à titre de dernière leçon, il serait faux de se bercer dans une sécurité trompeuse par les promesses too big to fail. En effet, outre le too big to fail théorique, il y aura probablement un too big to rescue dans la pratique – autrement dit: un sauvetage deviendrait tout simplement impossible à un moment donné. Cela vaut non seulement pour les entreprises (en particulier les banques), mais pour les pays industrialisés, supposés sûrs, également. Ou traduit à la situation actuelle: le sauvetage de la Grèce – soi-disant le Bear Stearns des pays de l'euro – ne signifie en aucun cas qu'on sera capable de sauver l'Italie – à considérer, le cas échéant, comme le pendant Lehman de l'Union monétaire. En termes de dette, en effet, bon nombre de pays semblent éligibles à devenir des «Etats Lehman».

La dette publique, un problème grave

Pays industrialisés avec une dette > 100% du PIB

Sources: FMI, Investment Office du Groupe Raiffeisen

Dans ce contexte, recourir à des ratings et des indicateurs traditionnels – tels que le PER pour les actions – est, à notre avis, certes nécessaire, mais insuffisant. Par ailleurs, il faut tenir compte proportionnellement de l'endettement des entreprises et des Etats. Car même si l'on ne peut pas entièrement exclure que des événements jugés improbables ébranlent le marché, il faut néanmoins minimiser le risque d'investir massivement dans des titres qui encaissent le plus de pertes, voire font carrément faillite, dans une telle situation.

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