Perspectives hebdomadaires de Raiffeisen

Raiffeisen

3 minutes de lecture

L'économie américaine tourne à plein régime.

L'économie américaine prospère toujours, y compris dix ans après la reprise. Au contraire, alimentée par la réforme fiscale de Trump, les données conjoncturelles indiquent même une accélération. L'indice ISM des directeurs d'achats pour le secteur manufacturier, réputé un indicateur avancé fiable, a ainsi atteint 61,3 points de manière surprenante, soit son plus haut niveau depuis 14 ans (cf. graphique).  

En revanche, le moral est plutôt modéré sur les marchés des actions, malgré ces solides données économiques. Certes, les indices américains ont atteint des niveaux sans précédent, mais on ne peut pas parler d'une réelle euphorie. La crise monétaire dans certaines économies émergentes et une éventuelle nouvelle escalade du conflit commercial entre les USA et la Chine pèsent lourdement – une atmosphère à laquelle les actions suisses ne peuvent pas échapper. Les incertitudes liées aux négociations budgétaires en Italie viennent s'ajouter aux difficultés que doivent affronter les titres suisses et européennes. L'Union monétaire craint que le gouvernement populiste décide d'un déficit budgétaire dépassant les 3% et rompe ainsi avec les critères de stabilité de la ZE. Cette situation affaiblit d'une part l'euro par rapport au franc (cf. Gros plan), et exerce une pression notable sur les cours des actions. En l'absence d'un tournant positif (inattendu) pour ces facteurs perturbants, cette pression risquerait de se manifester en permanence sur les marchés des actions la semaine prochaine.  

La BCE est convaincue qu'elle atteindra son objectif d'inflation,
même sans achats obligataires nets supplémentaires.

Cet environnement mitigé pour les actions ne devrait pas pour autant impressionner la Fed. En effet, la dynamique solide de l'économie américaine et les chiffres de l'inflation, prévus la semaine prochaine, devraient la conforter dans ses hausses progressives des taux, opportunes jusqu'ici. Les données – soit au niveau du taux global utilisé par la Fed comme valeur cible, soit au niveau du taux de base de l'indice PCE, moins volatile –  devraient souligner que l'objectif officiel de 2% d'inflation est non seulement déjà atteint une fois de plus, mais légèrement dépassé. Rien ne devrait ainsi s'opposer à la prochaine hausse des taux de la Fed le 26 septembre.

L'inflation dans la ZE reste encore bien inférieure à l'objectif visé. Or, la BCE est convaincue qu'elle atteindra son objectif d'inflation à moyen terme, même sans achats obligataires nets supplémentaires. Les commentaires de Mario Draghi après la réunion de jeudi de la BCE pourraient donc bien porter sur la réduction des achats nets d'obligations (dès octobre). Une fois de plus, elle ne resserrera pas les vis des taux d'intérêt. Les banquiers centraux de la ZE ne tablent pas sur une première hausse des taux avant la fin de l'été 2019.

Graphique de la semaine

Des directeurs d'achat américains très optimistes

Sources: Bloomberg, Investment Office du Groupe Raiffeisen
Gros plan: l'affaiblissement du franc face à des difficultés

Récemment, le CHF s'est sensiblement apprécié par rapport à l'EUR, le change affichant un niveau similaire à décembre 2016. Il existe donc des facteurs négatifs, surtout en automne, qui exercent des pressions répétées sur l'euro et qui peuvent déséquilibrer temporairement la baisse durable du CHF.

Le conflit commercial continue de peser. Car bien qu'il ait suspendu les tarifs douaniers dans un premier temps, Trump envisage de sanctionner l'importation des voitures européennes et risque de pénaliser en particulier l'Allemagne: en effet, si le droit de douane US devait augmenter de 2,5% pour passer à 25%, cela pourrait peser sur le PIB nominal allemand d'environ 0,2%, selon les estimations du gouvernement.

Il semble de plus en plus improbable que le CFP
soit adopté avant les élections européennes de mai 2019.

Par ailleurs, les incertitudes liées à la planification budgétaire italienne s'accentuent d'avantage. On assiste d'ores et déjà à un bras de fer entre le ministre modéré des Finances, Tria, ainsi que Matteo Salvini et Luigi Di Maio, qui ne cessent de réclamer un déficit budgétaire de 3% ou plus et une rupture avec les critères de stabilité de la ZE. Cela risquerait de faire déborder la dette nationale de l'Italie, déjà critique. Et n'oublions pas que les deux représentants de la Lega, ou du mouvement 5 étoiles, prônent l'affrontement lors des négociations du cadre financier pluriannuel (CFP) de l'UE. Ce dernier dépend des négociations entre Bruxelles et chaque Etat membre, contrairement aux paiements au budget de l'UE, juridiquement contraignants. Dans ce contexte, il semble de plus en plus improbable que le CFP soit adopté avant les élections européennes de mai 2019, et que cela pèse davantage sur la monnaie commune.

Enfin, les valeurs refuges telles que le CHF devraient rester prisées par les investisseurs pour le moment, en raison de craintes à l'égard d'une accentuation des problèmes sur de nombreux marchés émergents. Cela empêche également le CHF à se dévaluer significativement et prochainement face à l'euro.

Malgré cet environnement, la BNS ne devrait, selon nous, pas intervenir sur les marchés des changes. En effet, l'économie suisse se porte très bien; et le PIB devrait à nouveau dépasser les 2% de croissance en 2018, pour la première fois depuis le choc du franc. Par ailleurs, les écarts de prix entre la Suisse et la ZE se sont nettement resserrés (cf. graphique) et ont fait pression sur la juste valeur pour l'EUR / CHF. Si elle ne veut pas être accusée de vouloir manipuler le CHF, la BNS devrait alors se garder d'intervenir hâtivement et n'envisager une telle mesure que si la situation fondamentale risquait de s'inverser en Suisse.

Les écarts de prix diminuent

Différence des taux d'inflation annuels (CH-UEM), en pb.

Sources: Bloomberg, Investment Office du Groupe Raiffeisen

Malgré les difficultés auxquelles il devrait encore faire face pour le moment, l'euro, à notre avis, est susceptible de s'affermir face au CHF à long terme. En effet, les croissances du PIB suisse et de la ZE devraient se rapprocher en 2019, et la politique monétaire de la  BCE  se montrer moins expansionniste dès l'été prochain. Sur un horizon de douze mois (cf. graphique), la différence d'intérêt entre les USA et l'UEM devrait se resserrer, donner un coup de pouce supplémentaire à l'euro, et ainsi favoriser l'affaiblissement du CHF face à la monnaie commune.

Poussée de l'EUR grâce aux diff. d'int. qui se resserrent

Rendements des obligations d'Etat à 10 ans en %

Sources: Bloomberg, Investment Office du Groupe Raiffeisen

A lire aussi...