Pâques 2020

Martin Neff, Raiffeisen

2 minutes de lecture

Un retour au moins timide à la normalité semble à portée de main, mais la patience est essentielle dans un premier temps.

Oui, cela ne fait pas de doute. Nous devons continuer à rester chez nous et ne devrions pas voir nos parents et nos amis, ne rien entreprendre ensemble à l’air libre, bien que le temps soit pourtant si favorable et que la fête de Pâques soit imminente. C’est précisément cela, car on pourrait désormais affirmer que nous sommes d’importance systémique. Nous  ne sommes certes pas «too big to fail» mais «too many to fail». Les manquements de certains peuvent certes déjà avoir une incidence sur l’intérêt général, mais c’est la masse pure qui menace le système dans le scénario de pandémie actuel. Pour cette raison, les autorités sont obligées d’exercer une pression en douceur sur notre comportement. En Suisse, car ailleurs les mesures sont parfois plus autoritaires. En Inde, les policiers bastonnent par exemple les gens en pleine rue quand ils ne respectent pas l’interdiction de sortie ordonnée. Nous n’en arriverons pas là, mais il existe toujours quelques incorrigibles qui n’ont pas suffisamment conscience de leur importance systémique, comme en attestent les renvois, les amendes et les dénonciations du week-end. Ce n’est pas bon signe et nous ne pouvons qu’espérer pour les jours de Pâques que la raison finisse par l’emporter, même dans ces milieux.

Nous savons que nous arrivons à un tournant, comme nous le montre l’évolution de la pandémie de coronavirus. Le nombre des nouvelles contaminations quotidiennes diminue clairement depuis une semaine. Un retour au moins timide à la normalité semble à portée de main, mais la patience est essentielle dans un premier temps. Chaque jour d’arrêt économique coûte certainement des sommes considérables à la Suisse, le nombre de chômeurs augmente rapidement, mais une fin d’alerte prématurée et un retour rapide à nos habitudes quotidiennes pourraient coûter encore plus cher.

Valorisation

Avant de retrouver notre quotidien, il serait donc utile de réfléchir à la période qui suivra le coronavirus. Actuellement, nous devrions tous avoir le temps de le faire. Aussi banal que cela puisse paraître, nous nous portons tous bien. Tout le monde mange à sa faim, chacun a un toit au-dessus de la tête, les soins médicaux sont garantis, tout comme nos autres approvisionnements de base en eau, électricité ou gaz. Et nous avons tous accès à Internet. Je ne suis pas sûr que la réponse à la question de savoir si l’on renoncerait plutôt à la famille ou à Internet et au smartphone à Pâques serait clairement tranchée en faveur de la famille.

Quoi qu’il en soit, sur la pyramide des besoins de Maslow nous nous situons toujours très près du sommet dans une comparaison internationale, même durant l’état d’urgence lié au coronavirus. Nous ne devons pas perdre cela de vue. Les  difficultés économiques ne sont pas totalement évitables dans une telle situation, mais elles peuvent au moins être plutôt bien atté-nuées. Nous devrions également nous demander si ceux d’entre nous qui veillent à ce qu’il en soit ainsi ne méritent pas un peu plus que des applaudissements depuis les balcons ou un hommage respectueux de l’exécutif. Qui est en effet le plus sollicité actuellement?

Avant tout les personnes qui aident les autres, les soutiennent et contribuent à ce que notre quotidien ne déraille pas totalement. L’infirmière, le jeune homme à la caisse dans le magasin, sa collègue qui réapprovisionne les rayons, le personnel des kiosques, le personnel d’entretien qui veille à ce qu’il y ait partout du désinfectant ou le chauffeur qui nous livre des marchandises à domicile. De nombreuses professions continuent de travailler comme avant, certaines encore beaucoup plus et approvisionnent le reste de la population confinée à domicile dans le cadre du télétravail ou de l’école à la maison et garantissent ainsi le quotidien tel qu’il est prescrit aujourd’hui. Ces catégories professionnelles ne comptent pas beaucoup de gros salaires. Pourtant leur valeur économique est apparemment élevée et ils ont une importance systémique considérable. C’est ce que cette crise nous a démontré. En échange, ces professions d’importance systémique récoltent certes aujourd’hui beaucoup d’estime, d’applaudissements et de louanges. La véritable reconnaissance économique ne consisterait cependant pas en de l’estime mais en une création de valeur.

Je vous souhaite de joyeuses Pâques et bien sûr la santé, qu’aujourd’hui nous apprécions certainement tous autrement qu’il y a encore trois mois.

A lire aussi...