Objectif zéro carbone

Michele Pedroni, DECALIA

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Le marché européen des quotas de carbone fonctionne enfin. Les processus de production vont évoluer et l’énergie propre continuera d’attirer des capitaux.

Oubliez les licornes de la Silicon Valley, place au carbone! Sur le marché européen des quotas d'émission (SEQE-UE), le prix de la tonne de CO2 a plus que triplé en deux ans. Ce qui devrait ravir tous les jeunes militants du climat qui ont répondu à l’appel de Greta Thunberg. Pour la première fois en près de 15 ans d'existence, le marché du carbone remplit enfin sa mission: inciter les agents économiques au changement.

Le SEQE-UE est un système dit «cap and trade». Une limite est fixée quant aux émissions totales de gaz à effet de serre des installations couvertes, puis des «quotas» sont mis aux enchères ou alloués. Chaque année, les entreprises sont tenues d’annoncer leurs émissions et de restituer la quantité correspondante de quotas. S'il leur en manque, ils doivent les acheter sur le marché à d’autres entreprises qui ont un surplus – ou payer une lourde amende. Ces dernières années, l'UE a décidé d'éliminer progressivement l'allocation gratuite de quotas, d'accélérer le rythme de baisse annuelle du plafond global et d’instaurer une réserve pour pallier tout déséquilibre temporaire entre offre et demande. Des réformes qui ont certainement contribué à la récente flambée du prix du carbone.  

Pour que l'objectif 2050 de l'Accord de Paris ait une chance
d'être atteint, le prix du carbone doit encore grimper.

Cette tendance haussière, pierre angulaire de la lutte contre le changement climatique, se poursuivra-t-elle? A court terme, le Brexit est source d'incertitude. Selon les modalités de sortie, l'industrie britannique pourrait ne plus relever du SEQE-UE et donc écouler tous ses quotas. Inversement, l'intégration complète de l'aviation dans le marché pourrait servir de catalyseur. A plus long terme, cependant, pour que l'objectif 2050 de l'Accord de Paris ait une chance d'être atteint, le prix du carbone doit clairement encore grimper. 

Décarboniser l’économie nécessitera d’énormes dépenses dans différents domaines – avec la promesse également de retours intéressants pour les investisseurs. L'énergie renouvelable figure évidemment en tête de liste. Une récente étude de Morgan Stanley estime que 24’000 GW devront être installés d'ici 2050, soit plus de dix fois la capacité actuelle. Ce calcul suppose que les énergies renouvelables viendront à représenter 80% de la production d'électricité, et tient compte aussi des besoins énergétiques supplémentaires liés aux véhicules électriques et aux usines fonctionnant à l'hydrogène. La flotte mondiale de voitures électriques est en effet envisagée à 113 millions d’ici 2030 et 924 millions d’ici 2050 – sous l’effet de normes d'émissions toujours plus strictes. Quant à l'hydrogène, il est surtout vu comme opportunité de réduire les émissions industrielles. Dans le transport, les biocarburants de nouvelle génération (à base de sources non alimentaires) devraient également être mis à profit durant la transition vers un monde à dominance électrique, et pourraient ensuite être utilisés dans l'aviation. 

Au-delà de la plantation d'arbres, le captage de carbone
sera une voie nécessaire, bien que coûteuse.

Cela dit, penser que l'économie mondiale peut ramener ses émissions d’équivalent CO2 d’un record de 53,5 gigatonnes en 2017 à zéro en 2050 est irréaliste. Certains secteurs n'ont tout simplement pas d'alternative. Mais l'Accord de Paris vise le «net zéro», ce qui signifie que les émissions restantes peuvent être compensées par l'élimination de CO2. Au-delà de la plantation d'arbres, le captage de carbone sera donc une voie nécessaire, bien que coûteuse. Pour que de tels projets démarrent, l'Agence internationale de l'énergie estime l'incitation étatique requise à 40 dollars par tonne de CO2, soit environ 50% de plus que l’actuel prix de marché…

Graphique du mois
Prix des droits d’émissions de CO2 en EUR (SEQE-UE) 

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