L'Italie contre l'euro

Bart Van Craeynest, Econopolis

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La version atténuée du projet politique du Mouvement 5 Étoiles et la Ligue se distingue par son incohérence.

 

L’Italie semble se diriger vers un gouvernement de coalition composée du Mouvement 5 Étoiles et la Ligue, les deux partis populistes qui ont remporté les élections. Leurs projets politiques ont fuité cette semaine, et ils sont – c’est un euphémisme – inquiétants. Dans la première version figuraient la mise en place d’un dispositif de sortie de l’euro et la possibilité de demander à la BCE d’abandonner purement et simplement les 250 milliards d’euros de créances italiennes déjà rachetées par l’institution. Des mesures de ce type pourraient très rapidement provoquer un éclatement de l’euro. Les futurs partis du gouvernement italien ont rapidement renoncé à ces projets. Mais même la version atténuée se distingue par une politique économique étrange et incohérente.

Ainsi le nouveau gouvernement veut-il réduire les impôts via l’introduction d’un taux unique (de 15%), accroître les dépenses publiques par le biais d’un «revenu citoyen» pour les demandeurs d’emploi et les pauvres, et supprimer les précédentes réformes des pensions.

En outre, il veut protéger les entreprises italiennes contre les décisions européennes en matière de libéralisation des marchés et de dérégulation. Pour une économie dont la dette publique culmine à 130% du PIB et qui sort de plusieurs décennies de croissance atone, ce sont des politiques étonnantes qui affaibliraient encore les finances publiques sans apporter grand-chose en termes de dynamique économique.

«Les marchés ont enfin commencé
à s’inquiéter un peu de la situation de l’Italie.»

Cette semaine, les marchés ont enfin commencé à s’inquiéter un peu de la situation de l’Italie. L’écart de taux entre les obligations allemandes et italiennes à 10 ans s’est creusé, passant de 114 points de base à 154 points de base. La hausse est certes significative, mais le différentiel de taux n’a fait que retrouver son niveau d’il y a trois mois. Les marchés semblent privilégier une position attentiste et estiment manifestement que la politique menée sera beaucoup plus modérée. Cela avait déjà été le cas en Grèce, lorsque Syriza, un parti de gauche radicale, était arrivé au pouvoir.

À plus long terme, la situation italienne est pourtant bien plus inquiétante que ce que laissent paraître les marchés aujourd’hui. L’Italie est la troisième économie de la zone euro. Et malgré un climat économique favorable, les dernières élections y ont donné lieu à des résultats assez extrêmes. L’Italie s’achemine soit vers un gouvernement populiste instable, voire vers de nouvelles élections qui pourraient encore renforcer les positions populistes. Il est bien difficile aujourd’hui d’entrevoir de quelle façon un tel tableau pourrait déboucher à terme sur les réformes économiques douloureuses dont l’Italie a besoin pour consolider structurellement son économie.

De plus, les Italiens, avec leurs projets, semblent naviguer à contre-courant des pays du cœur de la zone euro, comme l’Allemagne. Si ce gouvernement italien venait finalement à se former, tous les espoirs placés dans la capacité du tandem Macron-Merkel à transformer la zone euro en une union plus solide pourraient être remisés au placard (pour autant que cela n’ait pas déjà été fait). À plus long terme, la dynamique italienne constitue une réelle menace pour la survie de l’euro.

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