Lire les panneaux aux intersections

Philippe G. Müller, UBS

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Selon le scénario de référence de la Recherche d’UBS, la récente faiblesse des marchés d'actions n'est qu'une correction passagère.

© Keystone

Les investisseurs se trouvent à la croisée des chemins. Ils doivent se faire leur opinion sur les dossiers politiques, sur les intentions des Banques centrales et sur les risques économiques. Le sommet du G20 et les sous-entendus des responsables de la Réserve fédérale sur le rythme du resserrement monétaire devraient aussi constituer des éléments importants de leur réflexion.

Au cours de la semaine dernière, on a pu constater que l'administration Trump et la Fed ne semblent pas suivre une politique dogmatique sans tenir compte de son impact sur les marchés et l'économie. Ces évolutions confortent une appétence modérée au risque.

Cessez-le-feu au G20

La réunion cruciale entre les présidents des Etats-Unis et de la Chine en marge du sommet du G20 s'est soldée par un apaisement des tensions commerciales et un engagement à poursuivre les négociations. La Maison Blanche s’est déclarée prête à retarder l'entrée en vigueur, prévue au 1er janvier 2019, de la hausse des droits de douane, de 10 à 25%, sur 200 milliards de dollars de marchandises chinoises tant que les négociations se poursuivent.

Le report de la hausse des droits de douane est une évolution favorable
par rapport au scénario de référence retenu par la Recherche d’UBS.

En échange, la Chine a accepté d'acheter un montant «tout à fait substantiel» de produits agricoles, énergétiques et industriels américains. Des pourparlers seront engagés sur le vol de propriété intellectuelle et le transfert forcé de technologie. Ils devront aboutir dans un délai de trois mois. Dans le cas contraire, la Maison Blanche a indiqué que les droits de douane sur les marchandises chinoises importées aux Etats-Unis augmenteraient à nouveau.

Malgré la satisfaction affichée par le président Trump à l'issue de cette réunion bilatérale avec son homologue chinois, décrite comme «formidable et productive, il est probable que la rivalité entre les Etats-Unis et la Chine ne sera pas facile à surmonter, notamment sur les questions de la propriété intellectuelle et de l'accès au marché.

Pourparlers fragiles

La menace d'une rupture des pourparlers continuera de planer sur les marchés et l'économie mondiale. Les relations commerciales entre les Etats-Unis et d'autres partenaires restent également tendues. Il est dès lors opportun de continuer à surveiller le risque d'une hausse des droits de douane sur les importations de voitures, qui pénaliserait grandement les constructeurs automobiles allemands et japonais.

Toutefois, le report de la hausse des droits de douane est une évolution favorable par rapport au scénario de référence retenu par la Recherche d’UBS. La réunion entre Donald Trump et Xi Jinping a en effet évité une escalade significative qui aurait amplifié la récente correction des actions mondiales. Une issue négative aurait pu se traduire rapidement par une troisième salve de droits de douane aux Etats-Unis sur un montant supplémentaire de 267 milliards d'USD de marchandises chinoises. Cette nouvelle salve aurait porté sur des produits informatiques à plus forte valeur ajoutée et aurait perturbé davantage les chaînes d'approvisionnement internationales.

Une Fed flexible

En début de semaine dernière, l'indice S&P 500 a enregistré sa plus forte progression journalière depuis le mois de mars, dans la foulée d'un discours du président de la Fed, Jerome Powell, qui a dénoté une plus grande flexibilité de cette dernière concernant la poursuite du relèvement de ses taux d'intérêt.

Les éléments de langage de la Fed ont un réel impact
sur l'humeur des investisseurs.

D'un point de vue économique, ce discours n'a rien apporté de nouveau. Les remarques de Jerome Powell selon lesquelles les taux directeurs sont désormais «juste en dessous» du niveau neutre, est une déclaration factuelle fondée sur les prévisions à plus long terme des membres du Federal Open Market Committee (FOMC) de la Fed. Elles sont tirées du Résumé des projections économiques de septembre, qui s'inscrivaient dans une fourchette de 2,5 à 3,5%.

Néanmoins, ces propos tranchent avec ceux tenus le 3 octobre, lorsqu'il avait estimé que le taux des fonds fédéraux était «loin d'être neutre à ce stade». Les éléments de langage de la Fed ont un réel impact sur l'humeur des investisseurs. Si la Fed insiste sur le fait que les taux sont proches de leur niveau neutre, elle sera davantage encline à envisager une pause dans le cycle de relèvement.

Cette interprétation a été confortée par une autre phrase du discours de Jerome Powell: «Nous serons très attentifs à ce que nous diront les données économiques et financières publiées». Cela fait longtemps que la Fed n'avait pas indiqué aussi clairement qu'elle conditionnerait sa politique à l'évolution des indicateurs. Cette posture plus conciliante atténue le risque d'un resserrement monétaire excessif en 2019.

La Fed paraît évoluer

Le compte-rendu de la dernière réunion du FOMC, publié le 29 novembre, était également empreint d'un ton conciliant et suggère que la Fed pourrait ne plus faire référence à «de nouvelles hausses graduelles» dans sa déclaration de politique monétaire en décembre.

L'issue du sommet du G20 et les déclarations de la Fed de la semaine dernière confortent l’appétence modérée au risque qui est proposée. La surpondération des actions mondiales a été accentuée dans les portefeuilles après les élections de mi-mandat aux Etats-Unis en novembre. En effet, on peut considérer que les marchés avaient procédé à des ajustements pour mieux refléter les préoccupations face au ralentissement de la croissance économique et au durcissement du bras-de-fer commercial.

Les actions mondiales et les obligations souveraines des marchés émergents libellées en dollars américains devraient toujours être surpondérées. Cependant, on peut prévoir encore une accentuation de la volatilité alimentée par l'actualité politique et économique. Par conséquent, la surpondération des actions devrait être contrebalancée par des positions contra-cycliques, dont une surpondération des bons du Trésor américain à dix ans et du yen face au dollar de Taïwan.

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