Les pépites européennes

Salima Barragan

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«Nous tirons parti de l’imperfection des marché», explique Erik Esselink, gérant d’un fonds de petites et moyennes capitalisations chez Invesco.

 

L’indice américain des petites capitalisations, le Russel 2000, a largement superformé le marché alors qu’en Europe, les incertitudes politiques ont créé des turbulences sur ce segment. Or, depuis six semaines, ces sociétés européennes à haut béta rattrapent leur retard et connaissent un nouveau souffle. Généralement peu ou mal couvertes par la recherche «sell side» et pénalisées par un mécanisme de découverte des prix plus long, Erik Esselink, gérant d’un fonds de petites et moyennes capitalisations chez Invesco, profite de l’inefficience de ce marché.

Les marchés politiques sont de courte durée

La retour des valeurs de petites et moyennes capitalisations coïncide aussi avec la reprise favorable de l’indicateur Citi des surprises économiques pour l’Europe, après avoir évolué en territoire négatif durant la première partie de l’année. Les incertitudes politiques, notamment en Italie, ont pénalisé les marchés. «Dans le rétroviseur, les objets ont l’air toujours plus grands qu’ils ne le sont vraiment», observe Erik Esselink.

Les sociétés restent le point de départ
malgré les aléas politiques.

Pour ce spécialiste sur l’Italie, ce marché a toujours eu ses caractéristiques propres mais recèle pourtant de très belles sociétés comme Moncler, Ferrari ou Brembo. «Nous avons investi dans Carel qui produit des solutions pour les climatiseurs. Nous n’allons pas vendre nos titres italiens à cause de problèmes budgétaires», explique le gérant. Les sociétés restent ainsi le point de départ malgré les aléas politiques. D’ailleurs, il y a quelques années, l’implémentation d’une réforme fiscale favorisant la détention de sociétés avait poussé les valorisations à des sommets. Aujourd’hui, avec les nouvelles frasques du gouvernement, elles ont rebaissées. «A part pour les titres financiers qui sont à des niveaux très bas mais risqués, le marché des actions italiennes n’est pas si bon marché», relève-il.

L’imperfection de l’information

Le mécanisme de découverte des prix est plus long comparé aux grosses capitalisations, où les nouvelles sont intégrées instantanément par les traders. Cependant les variations de prix y sont aussi plus extrêmes à cause du phénomène d’exagération des annonces négatives. «Nous tirons parti de l’imperfection de ce marché», explique Erik Esselink. Le segment est notamment moins bien couvert par la recherches sell side, qui se concentre sur les grands noms. Ainsi, beaucoup de gérants sont confrontés à une asymétrie de l’information. «Nous avons la possibilité d’effectuer nos propres analyses pour créer davantage de valeur, ce qui est particulièrement bénéfique sur un segment mal couvert», souligne Erik Esselink, dont le processus d’analyse des titres est complétement internalisé.

De même, la nouvelle réglementation MiFID a provoqué un accroissement important des coûts impactant ainsi les fonds dépendants de la recherche sur les actions. Pour Erik Esselink, ce changement réglementaire représente une opportunité: «Les autorités ont raté leur objectif et ont rendu le mécanisme de découverte des prix encore moins efficient».

Les compétences opérationnelles comme facteur clef de réussite

Le performance du fonds de Erik Esselink est menée par la sélection des actions individuelles. Trois critères dominent dans ses choix: les titres avec de la valeur, l’innovation et les sociétés «Self help». Il s’agit de sociétés qui, malgré de faibles marges temporaires, ont les compétences opérationnelles nécessaires pour se restructurer. Le ROCI (retour sur capital investi ) figure comme son ratio de référence. «Il n’ indique pas combien une entreprise gagne, mais combien elle doit investir en plus pour améliorer son revenu. A l’instar de Google, la plupart de meilleures entreprises au monde n’ont pas besoin d’investir massivement pour profiter de la croissance», explique le gérant qui utilise également ce chiffre pour identifier ce que le Capex et la R&D ont additionné ou soustrait aux revenus.

Les sociétés familiales sont mieux gérées
car elles bénéficient d’une vraie vision à long terme.

Les entreprises françaises représentent sa plus grande exposition (près de 40%). Erik Esselink estime que les entreprises françaises sont habituées à naviguer à travers des environnements difficiles. «Elle se sont internationalisées car elles ne peuvent pas compter sur la force de travail française. Elle ont l’avantage d’être concentrée sur ce qu’elles savent faire au lieu de se disperser», explique le spécialiste. Aussi, une majorité de ces sociétés sont familiales. Sur le long terme, celles-ci ont tendance à obtenir de meilleures rendements.

«Les sociétés familiales sont mieux gérées car elles bénéficient d’une vraie vision à long terme. Le capital, qu’elles détiennent, est alloué de façon plus optimale selon les cycles de retour sur investissement. Alors que les CEOs des sociétés cotées se concentrent uniquement sur les résultats à court terme», explique-t-il. Sa position le plus importante est la société française d’investissement Eurazeo. «Nous avons acheté ce titre il y a 7 ans avec une décote importante. Nous partageons la même philosophie d’investissement», explique-t-il. Cette société de Private Equity est un excellent vecteur pour jouer la thématique de très petites sociétés.

Après une longue période de surperformance des valeur de croissance, ce sont les valeurs défensives qui reviennent sur le devant de scène. Erik Esselink a senti le vent tourner et a positionné son portefeuille de manière défensive. «Nous avons été un peu prématurés dans notre timing mais avons maintenus nos convictions. De plus, l’élévation future des taux d’intérêt en Europe devrait soutenir ce type de valeurs», explique le gérant. La fin du QE de la BCE reste ainsi une date importante de l’agenda européen.