Les multiples maux sud-africains

Econopolis

2 minutes de lecture

Le rand sud-africain est en chute libre. Econopolis s’est demandé pourquoi un pays aussi riche en ressources naturelles et doté de la plus grande Bourse d’Afrique se portait si mal.

À la turque

Le rand sud-africain, la plus importante monnaie d’Afrique, n’a cessé de plonger ces dernières semaines. La monnaie a atteint son plus bas niveau depuis 2016. Le lien avec la crise monétaire qui frappe la livre turque est aisé à établir. Comme la Turquie, l’Afrique du Sud est largement tributaire des capitaux étrangers, lisez des investissements et des prêts en dollar. Et c’est précisément ceux-ci qui sont sous pression.

Les prudents relèvements de taux opérés par la banque centrale américaine (la «Fed») afin d’éviter un dérapage de sa propre économie renforcent le dollar. Cela signifie que les prêts contractés par l’État et les entreprises sud-africaines (en dollars) sont de plus en plus chers. Trop chers pour ne pas s’en inquiéter.

En outre, l’Afrique du Sud, comme la Turquie, accuse un lourd déficit budgétaire et est confrontée à un gros problème politique. Additionnez ces deux facteurs et vous comprendrez la dégradation significative de la confiance générale dans l’économie africaine. Mais quel est ce problème politique? Ou, pour être correct, quels sont ces problèmes politiques?

Instabilité politique

En Afrique du Sud, les Noirs représentent plus de trois quart de la population, mais ne possèdent que 4% des terres. Ce qui n’est pas sans causer de tensions. L’ANC, le parti de gouvernement, sent dans son cou le souffle chaud des Economic Freedom Fighters (combattants de la liberté économique, extrême gauche radicale) de Julius Malema, qui exploitent largement ce point délicat. C’est pourquoi le président sud-africain Cyril Ramaphosa a annoncé qu’il souhaitait réformer la constitution afin de permettre au gouvernement d’exproprier… sans compensation.

Cela vous rappelle quelque chose? Effectivement, un scénario à la Zimbabwe plane sur l’Afrique du Sud. Et pour empirer les choses, l’inévitable Donald Trump y est allé d’un tweet réclamant une enquête sur «les meurtres à grande échelle d’agriculteurs en Afrique du Sud». La déclaration ne reposait sur aucun fait concret, mais elle n’a pas redoré le blason de l’Afrique du Sud.

Outre la question de l’expropriation, l’Afrique du Sud est confrontée à un autre problème politique: la corruption généralisée. Au début de l’année, Cyril Ramaphosa a pris la succession d’un Jacob Zuma largement mis en cause. On attendait de Ramaphosa qu’il réforme une ANC désormais associée à la corruption, mais la nomination de David Mabuza, le très controversé premier ministre de Mpumalanga, à la vice-présidence, a rapidement douché ces espoirs. Et n’a pas restauré la confiance des investisseurs étrangers dans le gouvernement sud-africain, au contraire.

Rien à sauver?

En euro, une obligation sud-africaine rapportait un rendement d’un peu moins de 15% sur cinq ans. Soit quelque 2,9% par an. Aujourd’hui, une obligation à cinq ans affiche un rendement de 8,7%. Il est cependant difficile d’évaluer où se trouvera la monnaie dans cinq ans. L’inflation (environ 5%) est pourtant sous contrôle. En outre, Afrique du Sud est l’un des rares pays d’Afrique disposant d’un marché d’actions développées.

L’indice de la bourse sud-africaine évolue latéralement depuis le début de l’année (en monnaie locale, il a perdu 13% en euros). La crise politique n’y est naturellement pas étrangère.

Naspers Ltd, une entreprise basée au Cap, constitue une exception à la performance terne de l’indice boursier. Fondé 1915, ce groupe de presse qui gère plus de 60 magazines et 90 pays journaux en Afrique du Sud a su se réinventer en conglomérat multimédia dont les activités se déploient dans 120 pays.

Naspers, aujourd’hui la plus grande entreprise africaine, est pleinement engagée dans les investissements technologiques dans les pays en développement. Le groupe détient par exemple près d’un tiers de Tencent, le géant chinois des médias sociaux et des jeux vidéo, est propriétaire de MultiChoice, la plus grande chaîne de télévision payante d’Afrique, et est actif notamment en Russie (avec mail.ru) et en Inde (met MakeMyTrip). Chaque jour, environ un milliard et demi de visiteurs passent sur les différentes plates-formes Internet de Naspers. Comme le dit un célèbre dicton sud-africain: «Soos jy jou bed maak, so sal jy daarop slaap» (Comme on fait son lit, on se couche). Qu’un pays qui compte plus de dix langues nationales officielles se trouve dans une situation économique aussi complexe n’a finalement rien de surprenant…