Les malheurs de l'euro

Philippe G. Müller & Dean Turner, UBS

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Alors qu'une récession mondiale semblait s'éloigner, les tensions au Moyen-Orient ont resurgi, entraînant une aversion au risque sur les marchés.

© Keystone

Les investisseurs ont connu un début d'année mouvementé. Alors que le spectre d'une récession mondiale semblait s'éloigner, les tensions au Moyen-Orient ont resurgi, entraînant une aversion au risque sur les marchés. A peine étaient-elles retombées que l'épidémie de coronavirus, dont les répercussions sur l'économie mondiale commencent à peine à être comprises, s'est déclarée.

Comme toujours, les marchés des changes sont sensibles aux sautes d'humeur des investisseurs. La nervosité qui semble s'emparer des marchés joue en faveur du dollar américain. Cette année, l'indice du dollar (qui mesure la vigueur du billet vert face à un panier de devises) est en hausse de 2% et flirte avec ses récents sommets.

Vu de ce côté de l'Atlantique, c'est surtout le niveau actuel de l'euro qui interpelle. La semaine dernière, le taux de change EURUSD a cassé le seuil psychologique de 1,10 et reste orienté à la baisse. Il faut remonter à début 2017 pour trouver la monnaie unique à un niveau aussi bas. Alors que faire de la faiblesse de l'euro: est-elle excessive ou justifiée? Pour répondre à cette question, il faut s'intéresser non seulement aux facteurs de court terme, mais aussi aux facteurs plus structurels.

Que faire de la faiblesse de l'euro:
est-elle excessive ou justifiée?
L’impact du coronavirus

L'importance de l'épidémie de coronavirus et son impact sur l'économie chinoise peuvent difficilement être ignorés. Alors que des régions et des villes entières sont en quarantaine, que les déplacements sont interdits et des usines fermées, la consommation et la production vont souffrir.

Ce trimestre, l'économie chinoise est partie pour enregistrer un net ralentissement. Les autorités ont annoncé des mesures pour atténuer l'impact de l'épidémie, mais elles ne seront probablement pas d'une grande aide. Cela n'est pas anodin pour la zone euro, dont la Chine constitue le troisième débouché pour ses exportations. La faible demande de biens et de services européens se traduit par une faible demande d'euros en vue de leur règlement.

A l'heure actuelle, la Recherche d’UBS estime que l'impact de l'épidémie de coronavirus sur la demande mondiale en Chine et dans d'autres régions du monde durement touchées s'avérera temporaire. Elle table pour l’heure sur une reprise au deuxième trimestre. Si tel est le cas, compte tenu de la récente atténuation des tensions commerciales internationales, on pourrait assister un vif rebond. Si ce scénario se vérifie, le vent pourrait tourner en faveur de l'euro.

Les taux d’intérêt négatifs

A plus long terme, la question de la politique monétaire est incontournable. Les taux directeurs en zone euro se situent à -0,50% et ne donnent guère de signes de remontée, ce qui fait de l'euro une «devise de financement» attractive pour les investisseurs. Les pays où les taux d'intérêt sont positifs, comme les Etats-Unis, en profitent. Toutefois, les investisseurs auraient tort de croire que le statu quo actuel durera éternellement.

La Réserve fédérale américaine a déjà baissé
ses taux d'intérêt à titre préventif.

La Réserve fédérale américaine a déjà baissé ses taux d'intérêt à titre préventif et peut se permettre de les baisser encore en cas de dégradation des données économiques. Dans le même temps, la politique conciliante de Mario Draghi lorsqu’il était à la tête de la Banque centrale européenne n’est plus majoritaire. Une politique plus agressive est de mise et l'humeur des investisseurs pourrait changer assez rapidement.

La présidentielle américaine

Sans oublier, évidemment, la présidentielle du mois de novembre aux Etats-Unis. L'incertitude accrue et les surprises qui pourraient émailler la campagne sont de nature à peser sur le dollar américain, tout comme l'absence de volonté des principaux protagonistes de la campagne de s'attaquer à la question des déficits abyssaux des Etats-Unis.

La Recherche d’UBS estime qu’à sa juste valeur, l'euro est sous-évalué face au dollar américain. Cette année, la monnaie unique devrait donc s'apprécier et il est tout à fait possible qu'elle se rapproche de 1,20. Toutefois, l'aversion au risque observée actuellement sur les marchés suggère qu'un rebond de l'euro n'interviendra peut-être pas avant plusieurs mois. De même, le taux de change actuel reflète déjà un réel pessimisme. Par conséquent, une poursuite de la baisse du taux de change EURUSD semble difficilement justifiable.

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