Les métaux de base sont en train de fondre

Cyril Gomez

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Moody’s établit une corrélation entre les prix des métaux, les taux de défaut et ceux de rendement. Un repli momentané pour Picard Angst.

L’impact de la crise turque sur les marchés émergents s’étend désormais sur les métaux de base. Ceux-ci, mesuré par le Moody’s Industrial Metals Price Index, ont chuté de 3,5% le 15 août dernier. Soit la plus forte baisse journalière depuis le recul de 3,9% enregistré le 23 novembre 2015. Rappelons que les principaux métaux de base sont le cuivre, le plomb, le zinc, l’étain ou encore l’aluminium. Les prix sont actuellement à leurs plus bas depuis le 24 juillet 2017. Il y a encore trois mois, le même indice était en hausse annuelle de plus de 30% (au 6 juin 2018), alors qu’il accuse désormais une perte de 5,3% par rapport à l’an dernier à la même période.

«Si la baisse annuelle des prix des métaux de base se poursuit, alors les perspectives de qualité de crédit des entreprises en souffriront probablement», prévient John Lonski, chef économiste de Moody’s Capital Markets Research. Dans le dernier Credit Market Review & Outlook publié vendredi par l’agence de notation, l’économiste rappelle qu’une baisse «continue et profonde» des prix des métaux de base s’accompagne généralement d’une hausse significative des taux de défaut du segment obligataire à haut rendement (‘high yield’). Et ce à court terme.

«Sur la base du dernier rapport de juillet, le taux de défaut moyen
projeté pour cette période a été révisé à la hausse à 2,3%.»

Mesurant les chances qu’ont les entreprises de faire défaut au cours d’une période donnée, l’indicateur de fréquence attendue des défauts EDF (‘expected default frequency’), calculé par Moody’s, se situe aujourd’hui à 2,45% contre 2,23% en moyenne durant le mois de juillet. Cet indicateur, qui couvre essentiellement les marchés à haut rendement américain et canadien, génère à tout moment une corrélation relativement élevée (0,88) par rapport au taux de défaut constaté neuf mois plus tard.

D’après l’agence de notation américaine, bien que les perspectives relatives aux taux de défaut des émetteurs américains demeurent solides, celles-ci auraient subi de subtiles altérations au cours des trois ou quatre derniers mois. «Lorsque notre rapport du mois d’avril 2018 a été publié en mai dernier, les projections des taux de défaut pour la période janvier-avril 2019 étaient en moyenne de 1,8%. Toutefois, sur la base du dernier rapport de juillet, le taux de défaut moyen projeté pour cette période a été révisé à la hausse à 2,3%», détaille John Lonski.

Corrélation négative entre prix des métaux et anticipations des défauts
Source: Moody’s Analytics

 

Or l’indicateur EDF entretient une corrélation très négative (-0,73 en moyenne) avec l’indice de prix des métaux de base de Moody’s. Celui-ci explique en effet que, depuis 1996, l’indice des métaux de base a enregistré une hausse annuelle d’au moins 5% dans 138 mois des cas. Dans 79% des mois, soit durant un total de 109 mois, l’indicateur EDF a enregistré une baisse. Sous une perspective plus retreinte, Moody’s ajoute qu’au cours des 24 derniers mois (à fin juillet 2018), l’indicateur EDF a baissé pendant 23 mois.

Or l’évolution des prix des métaux de base entretiendrait également un lien avec le taux de rendement des obligations d’Etat américaines à 10 ans. En effet, la dernière fois que les prix des métaux de base ont baissé de 5% ou plus en glissement annuel correspond à la période février 2015-juin 2016. Durant cette période, le taux de rendement moyen des U.S. Teasuries à 10 ans ont également reculé dans 15 des 16 mois sous revue.

«Dans l’ensemble, les métaux industriels restent sensibles
à la détérioration des relations commerciales entre les États-Unis et la Chine.»

D’un autre côté, dans 58% des 189 mois (environ 16 ans) au cours desquels les prix des métaux de base ont augmenté d’au moins 5% annuellement, les taux de rendement moyen ont débouché sur des niveaux plus élevés que ceux de l’année précédente. La corrélation s’est également maintenue au cours des 24 derniers mois de hausse annuelle des prix des métaux de base.

«Dans l’ensemble, les métaux industriels restent sensibles à la détérioration des relations commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, où la peur d’une atténuation de la demande et du sentiment des investisseurs joue un rôle significatif», estiment de leur côté les experts de Picard Angst, société de gestion indépendante et de produits structurés sur les matières premières basée à Pfäffikon. Dans ses perspectives mensuelles des matières premières publiées ce vendredi, Picard Angst observe que la tendance baissière a été la plus marquée pour le zinc, suivi du nickel, du cuivre et de l’aluminium.

«Des opérations de déstockage étaient manifestes dans les marchés émergents, en dépit de l’impact macroéconomique limité de la hausse des tarifs commerciaux, ce qui a, dans une certaine mesure, interrompu la constitution des stocks et l’activité industrielle», précisent les experts de Picard Angst. Enfin, la phase de désendettement des agents américains au premier semestre a pesé sur le marché de la construction et, par conséquent, sur les prix du cuivre. 

Le cuivre est l’un des matériaux de base les plus utilisés durant la phase terminale d’une construction d’une maison, dans les finitions, par exemple, tandis que l’acier est plus demandé dans des projets d’infrastructure. «Toutefois, si la demande sous-jacente demeure solide, alors les restockages reprendront de plus belle et une hausse des inventaires sera manifeste», anticipe l’asset manager suisse.

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