Les limites de la politique monétaire

Philippe G. Müller, UBS

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Les marchés ont été influencés par le différend commercial entre les USA et la Chine ainsi que par la reprise des assouplissements monétaires.

Le premier facteur reste vrai. En effet, les progrès pour arriver à la conclusion du premier volet d'un accord commercial ont contribué, la semaine dernière, à propulser les actions américaines vers un sommet historique. Néanmoins, même si la Réserve fédérale (Fed) a abaissé ses taux d'intérêt il y a quelques jours, la politique monétaire est certainement moins susceptible de dicter l'orientation des marchés des actions dans les mois à venir.

Pause probable de la Fed

Pour la troisième fois depuis le mois de juillet, la Fed a baissé ses taux directeurs, ramenant ainsi la fourchette cible pour le taux des fonds fédéraux à 1,50-1,75%. Toutefois, les modifications apportées au communiqué du FOMC (Federal Open Market Committee) et les déclarations du président de la Fed, Jerome Powell, lors de sa conférence de presse suggèrent que la banque centrale américaine ne modifiera sa politique qu'en cas de «nette réévaluation» des perspectives conjoncturelles.

La BCE moins radicale?

Les déclarations de Christine Lagarde, nouvelle présidente de la Banque centrale européenne (BCE), suggèrent qu'elle se montrera aussi conciliante que Mario Draghi. En août, elle avait notamment indiqué que les responsables de la BCE devaient se tenir prêts à agir pour protéger l'économie – mais elle est également connue pour être un artisan du consensus.

De plus en plus de voix dissidentes se font entendre
parmi les membres du Conseil des gouverneurs.

Et même si la BCE s'est engagée à reprendre l'assouplissement quantitatif, de plus en plus de voix dissidentes se font entendre parmi les membres du Conseil des gouverneurs. Le président de la Banque de France, Francois Villeroy de Galhau, a déclaré qu'il n'était, à ce stade, pas favorable à la reprise des achats d'actifs nets, considérant que cela n’était pas nécessaire. Son homologue allemand, Jens Weidmann, a suggéré que Mario Draghi avait dépassé les bornes, alors que la situation économique n'est pas si mauvaise.

La BoJ également attentiste

La semaine dernière, la Banque du Japon (BoJ) a laissé son taux directeur à -0,1%, comme cela est le cas depuis janvier 2016. Elle a suggéré qu'elle n'excluait pas un nouvel assouplissement, mais uniquement en cas de dégradation des perspectives économiques et de marché.

Efficacité limitée des politiques actuelles

L’échelonnement des taux de rémunération des dépôts en Europe est le signe que la BCE a dû innover pour atténuer les conséquences néfastes des taux négatifs. Le président de la Banque de Suède, Stefan Ingves, a déclaré que les risques inhérents aux taux négatifs s'accentueraient si ces derniers perdurent. Il prévoit de rompre avec cette politique malgré les signes persistants de difficultés économiques.

Il est plus pertinent de se focaliser sur le rendement
plutôt que sur les plus-values.

La Chine a dû introduire un nouveau taux prêteur de référence dans le but d'améliorer le mécanisme de transmission de la politique monétaire, qui n'était pas parvenu à faire baisser significativement le coût de financement des entreprises. Et cela en dépit des liquidités suffisantes dont les banques disposent. Enfin, au Japon, les banques restent frileuses en matière de crédit malgré la politique de taux négatifs en vigueur depuis 2016.

Comme il est peu probable que la politique monétaire dicte l'orientation des marchés des actions, les relations commerciales et les statistiques économiques prendront probablement le relais. Les investisseurs sont déjà confiants quant à l'apaisement des tensions commerciales, mais la conjoncture économique est poussive.

Privilégier le rendement aux plus-values

Compte tenu de la forte progression des marchés cette année, il est plus pertinent de se focaliser sur le rendement plutôt que sur les plus-values. Une légère sous-pondération des actions dans leur ensemble, avec une surpondération des Etats-Unis et du Japon au détriment de la zone euro, est conseillée. Cette stratégie reflète les prévisions de la Recherche d’UBS quant à l'évolution des bénéfices dans ces économies.

Par ailleurs, une surpondération des obligations d'entreprises investment grade libellées en euro au détriment des obligations high grade est également recommandée. Dans les marchés émergents, privilégier les obligations souveraines libellées en dollar américain plutôt que les actions et surpondérer certaines devises émergentes à haut rendement par rapport à un panier de devises au rendement plus faible, semble être judicieux.

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