Les indicateurs: le cœur des modèles quantitatifs

Salima Barragan

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Selon Guido Bolliger de SYZ Asset Management, la gestion quantitative est plus imperméable aux biais émotionnels.

 

Lors d’un premier article de notre série consacrée à la gestion quantitative1, nous en avions démystifié le concept. Cette approche permet une plus grande insensibilité aux facteurs irrationnels. Guido Bolliger, Portfolio Manager et Co-Head of Quantitative Investment Solutions chez SYZ Asset Management, nous emmène au cœur de ses mécanismes…

Par quels processus sont construits les modèles économétriques?

Le point de départ de tout modèle économétrique est constitué par une hypothèse généralement issue de la littérature académique. Par exemple, les entreprises dont le niveau de profitabilité est élevé ont une performance future plus élevée que celles dont le niveau de profitabilité est faible. Si les marchés intègrent toute l’information disponible sur le marché, le prix actuel devrait déjà refléter le niveau de profitabilité de l’entreprise et aucun gain de marché futur n’est possible en utilisant la profitabilité de l’entreprise. Pour tester cette hypothèse, nous allons construire un modèle économétrique, par exemple, un modèle de régression, qui sur une longue période historique (entre 10 et 20 ans), mesurera la relation entre la profitabilité des titres, en utilisant par exemple la rentabilité des actifs «ROA», et leurs performances futures sur un grand nombre d’actions et, si possible, sur plusieurs marchés.  Afin de décider si nous intégrons cette variable dans notre modèle de prévision, nous utiliserons trois critères principaux. Premièrement, la relation entre la profitabilité et la rentabilité future doit être positive d’un point de vue statistique. Deuxièmement, cette relation doit être stable dans le temps. En effet, si les résultats montrent que la relation était positive il y a 10, mais qu’elle ne l’est plus, cela peut signifier que d’autres acteurs du marché utilisent déjà cette source d’information dans leur gestion et que la profitabilité est désormais instantanément incluse dans le prix du titre. Troisièmement, les résultats générés par une stratégie qui exploite cette source d’information doivent être imparfaitement corrélés aux résultats de stratégies que nous utilisons déjà et qui se basent sur d’autres variables.

Par exemple, quels types d’indicateurs sont utilisés dans vos modèles?

Pour les stratégies actions, nous utilisons plusieurs types d’indicateurs. Voici deux exemples concrets: 

  • La valorisation de l’action mesurée par des ratios tels que le ratio prix/bénéfice. En effet, à long terme, les actions dont les valorisations sont faibles dégagent une performance supérieure à celles dont les valorisations sont élevées.
  • La performance passée, c’est à dire le momentum, est également utilisée car les titres dont la rentabilité passée est élevée (ou faible) ont tendance à avoir une rentabilité future élevée (ou faible).
Il est vital de comprendre pourquoi
tel ou tel indicateur fonctionne.
Comment peut-on s’assurer de la pertinence des données intégrées dans les modèles?

Pour s’assurer de la pertinence des données intégrées dans le modèle, il est vital de comprendre pourquoi tel ou tel indicateur fonctionne. En effet, un indicateur ne fonctionne pas sans raison. Si nous ne sommes pas capables d’identifier les raisons pour lesquels un indicateur permet de générer des rentabilités futures supérieures à celle du marché, il faut renoncer à cet indicateur. En effet, dans ce cas, il y a une forte probabilité que les résultats de l’indicateur soient uniquement liés à la chance et à notre acharnement à vouloir absolument trouver une stratégique gagnante. Dans le jargon, nous appelons cela du «data mining». Si on reprend l’exemple du momentum cité ci-dessus, cette stratégie fonctionne car les investisseurs ne sont pas rationnels. Ils ont tendance à adopter des comportements moutonniers et à suivre les tendances actuelles; c’est-à-dire acheter les actions dont les prix se sont le plus appréciés. Afin de déterminer si un indicateur aura une longue durée de vie, il faut se demander si les raisons qui expliquent son succès vont perdurer. Dans le cas du momentum, pense-t-on que les investisseurs vont se comporter de manière rationnelle à l’avenir? La réponse étant probablement négative, il est dès lors fort probable que la stratégie fonctionne toujours dans les années qui viennent.

Que passe-t-il lorsque l’on doit modifier un modèle?

Un modèle quantitatif n’est pas modifié tous les jours. Toute modification de modèle fait l’objet de tests statistiques très poussés. Nous n’apportons des modifications aux modèles que lorsque ces dernières permettent d’améliorer sensiblement la performance ajustée du risque de nos portefeuilles. Avant d’apporter une modification, nous la validons dans le cadre de notre comité scientifique constitué de deux professeurs de finance de renommée mondiale. Ce comité scientifique se réunit une fois tous les trimestres. Par conséquent, le temps écoulé entre le début des travaux de recherche visant à la modification du modèle et sa mise en production dure au minimum 6 mois. Un gérant systématique qui adapte son modèle aux grés des mouvements du marché sans se donner la peine d’effectuer un travail de recherche préalable à 99,99% de chances d’échouer.

La gestion quantitative se reposant sur des ordinateurs, elle supprime donc l’impact des biais émotionnels sur la performance. Peut-on le mesurer?

L’impact du biais émotionnel sur la performance d’un gérant est difficile à mesurer. Néanmoins, la recherche académique effectuée dans le domaine de la finance comportementale montre que les émotions peuvent parfois entraîner des comportements irrationnels de la part des investisseurs qui, à long terme, pèsent sur la performance de leur portefeuille. Un processus de gestion quantitatif sera beaucoup plus imperméable à ces biais émotionnels car il exclut les interventions.

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Démystifier la gestion quantitative avec Michael Malquarti de Quaero Capital

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