Les grèves pèsent sur le moral en France

Marc Brütsch, Swiss Life Asset Managers

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Les grèves et manifestations contre la réforme des retraites ont sans doute un effet déformant sur les résultats des enquêtes.

© Keystone

En 2019, la France a moins souffert que ses voisins germanophones d’une conjoncture mondiale défavorable. L’activité intérieure s’était nettement redressée au premier semestre, après un second semestre 2018 marqué par les conséquences négatives des manifestations des gilets jaunes sur le moral des ménages et des entreprises. L’économie avait alors bénéficié de mesures budgétaires proactives – les mêmes qui faisaient défaut à l’Allemagne. Toutefois, les critères de Maastricht réduisent la marge de déficit et donc les possibilités de recourir de nouveau à l’instrument budgétaire en 2020 (le FMI prévoit même des conséquences négatives pour la France l’an prochain). D’autres raisons laissent prévoir une modération graduelle des dynamiques économiques des trimestres à venir. Les chiffres du marché du travail annoncent la fin prochaine de la baisse du chômage français. D’après les statistiques officielles de l’INSEE, le taux de chômage en France métropolitaine aurait légèrement augmenté au troisième trimestre, de 8,2% à 8,3%. Plus récemment, une enquête de la Banque de France montrait que les projets d’embauche des entreprises étaient au plus bas depuis mai 2015. Ce dernier chiffre est toutefois à relativiser sachant qu’il s’agissait des prévisions à un mois. Or, de même qu’au dernier trimestre 2018, les grèves et manifestations contre la réforme des retraites ont sans doute un effet déformant sur les résultats de cette enquête, comme sur d’autres indicateurs du sentiment économique.

Une politique monétaire accommodante de la BCE resterait
foncièrement pertinente en ce qui concerne la France.

Après 1,2% en novembre, l’inflation devrait ressortir à 1,3% en moyenne pour 2019. Les prix de services ayant chuté successivement chaque mois depuis septembre, les entreprises positionnées sur le marché intérieur n’ont qu’une très faible marge d’augmentation de leurs prix. Nous prévoyons une inflation annuelle à 1,3% encore en 2020, puis 1,4% en 2021. Une politique monétaire accommodante de la BCE resterait ainsi foncièrement pertinente en ce qui concerne la France.

Un soulagement prématuré?

Avec une croissance de 0,08% au troisième trimestre, l’Allemagne est passée à deux doigts de la récession technique. Le soulagement général qui a accueilli la publication de ce chiffre nous semble prématuré. En l’absence de tout soutien significatif rapide de la politique budgétaire ou monétaire à la conjoncture intérieure, le pays dépendra toujours de la demande extérieure pour relancer la dynamique économique de son industrie. Contrairement aux trois périodes de reprise de 2009, 2013 et 2016, les marchés émergents ne devraient pas constituer cette fois-ci le moteur de croissance de l’économie mondiale. Il s’ensuit que le processus d’ajustement en cours chez les constructeurs automobiles allemands pèsera encore sur la croissance des prochains trimestres. A en croire les derniers chiffres du quatrième trimestre 2019, l’activité resterait très déprimée, avec une production industrielle tombée en dessous des niveaux de 2014. Les commandes aux usines ont encore reculé de 0,4% en glissement mensuel en octobre, ce qui porte la baisse à 5,5% sur un an. A première vue, les indicateurs de sentiment économique tels que l’indice Ifo du climat des affaires ou l’enquête auprès des directeurs d’achats du secteur manufacturier commenceraient à dénoter une stabilisation, mais un examen plus attentif des détails de l’enquête Ifo de novembre fait ressortir un solde net croissant d’entreprises manufacturières envisageant de réduire leurs effectifs au cours des trois prochains mois.

A 1,2%, l’inflation de novembre fut bien inférieure à notre projection de 1,6%, d’où la réduction de notre estimation pour 2020 à 1,3%. Le ralentissement du marché du travail devrait empêcher les entreprises d’augmenter beaucoup leurs prix sur le marché intérieur, ce qui bride les perspectives d’inflation à moyen terme. Les effets de base des fluctuations des prix de l’énergie de l’an dernier ne devraient augmenter l’inflation totale que temporairement au premier trimestre 2020.

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