Les gagnants et les perdants de la prospérité

François-Xavier Chauchat, Dorval Asset Management

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Les investisseurs ont enfin initié une rotation des obligations vers les actions, ce qui explique l’euphorie boursière depuis le début de l’année.

L’économie mondiale a retrouvé le chemin de la prospérité. La plupart des pays industrialisés bénéficient du couple inflation/chômage le plus favorable depuis les années 1960. Dans ce contexte, les investisseurs ont enfin initié une rotation des obligations vers les actions, ce qui explique l’euphorie boursière depuis le début de l’année. Mais la hausse des taux d’intérêt va-t-elle rapidement mettre un terme à la fête? Il est permis de douter. Historiquement, les périodes de hausse des taux ont rarement été défavorables aux actions (1994 était une exception en la matière). Par ailleurs, les banques centrales étant toujours à la recherche d’un supplément d’inflation, le risque de politiques monétaires restrictives est exclu. Enfin, si les anticipations d’inflation augmentent bien, en ligne avec le prix des matières premières, les taux réels restent très bas, même aux Etats-Unis. Il y aura des corrections sur les marchés actions, mais l’idée que des taux d’intérêt plus élevés pourraient bientôt menacer la reprise parait très prématurée.

Avec des hausses de taux d’intérêt et une forte baisse des impôts aux Etats-Unis, la dépréciation du dollar peut sembler contradictoire à première vue. Le dollar US est une des principales victimes de la prospérité économique. Les pays émergents de la zone dollar peuvent en effet obtenir aisément les dollars dont ils ont besoin par l’exportation, ou en se finançant sur les marchés internationaux. Cette offre supplémentaire de dollars impacte négativement la valeur de la devise américaine. La logique souvent entendue est ainsi inversée : ce n’est pas parce que le dollar se déprécie que les marchés émergents vont bien, mais parce que leurs fondamentaux s’améliorent que le dollar baisse.

Le retour de l'optimisme

Avec le retour de l’optimisme, il devient de plus en plus difficile de trouver des histoires de croissance à un prix attractif. Sauf dans le sud de l’Europe. Les investisseurs du nord de l’Europe boycottent les actifs du sud depuis la crise de 2011/2012. Ceci explique pourquoi l’écart de rendement entre les obligations souveraines périphériques et allemandes atteint encore 150 points de base, et pourquoi la valorisation en bourse de leurs banques reste inférieure à leur valeur comptable. Le Sud de l’Europe est l’un des principaux bénéficiaires du retour de la prospérité. Les agences de notations vont continuer à réviser à la hausse la notation de ces pays, comme elles l’ont fait récemment pour l’Espagne et la Grèce.

Logiquement, les obligations souveraines sans risque et les secteurs défensifs sont victimes de la confiance retrouvée, au profit des secteurs cycliques. Les indicateurs suggèrent que cette dynamique de marché demeure en ligne avec le cycle macro-économique.

Au sein des actions cycliques, les titans de la nouvelle économie ont vu leurs profits littéralement exploser (+42% en seulement 18 mois). Cependant, quelques business traditionnels, comme Wal-Mart par exemple, se sont finalement adaptés au choc de compétitivité. Si ces exemples se multiplient (et c’est un grand ‘si’) nous pourrions être à l’aube d’un retour en grâce des entreprises plus traditionnelles. Cette question est centrale pour l’Europe où, en plus d’un euro plus fort, la pression compétitive des géants de l’infotech explique les difficultés de nombreuses entreprises à mieux capter la forte croissance européenne. La saison des résultats du 4ème trimestre nous en dira plus sur ce sujet crucial.