Les banques centrales à la rescousse

Philipp Bärtschi, J. Safra Sarasin

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Alors que la probabilité de stimulus monétaire supplémentaire augmente, l’or semble une alternative intéressante aux liquidités.

L’annonce que les grandes banques centrales sont prêtes à soutenir l’économie par des baisses de taux d’intérêt en cas d’urgence n’a pas manqué d’avoir un effet sur les marchés financiers. Soutenu par l’apaisement des tensions commerciales, l’optimisme des investisseurs a considérablement augmenté récemment. Même la faiblesse des données économiques est désormais jugée positive car elle augmente la probabilité de stimulus monétaire supplémentaire. Nous profitons de la hausse des cours des actions et des obligations pour prendre des bénéfices de façon sélective et positionner les portefeuilles de manière plus défensive. L’or nous semble une alternative intéressante aux liquidités. Les risques pour la croissance restent élevés, et il faudra encore patienter avant de voir l’espoir d’une nouvelle reprise vers la fin de l’année devenir réalité.

Rétrospective: la quête de rendement se poursuit

Après les fortes baisses des cours enregistrées en mai, les actions ont largement effacé les pertes de ces dernières semaines et certains indices boursiers ont atteint de nouveaux sommets. Dopés par la perspective de baisses des taux d’intérêt de la Réserve fédérale américaine et les espoirs d’avancées dans le conflit commercial entre les États-Unis et la Chine, les investisseurs ont retrouvé le moral. La chasse au rendement s’est encore accélérée dans toutes les classes d’actifs. En conséquence, actions comme obligations ont été bien orientées au premier semestre.

Solide performance au premier semestre
Source: Datastream, J. Safra Sarasin, 05.07.2019

 

Macro-économie: un record… et après?

Les États-Unis ont entamé leur onzième année consécutive sans récession. Un record. Mais pour le resituer dans un contexte mondial, certains pays ont évité la récession pendant une période beaucoup plus longue. L’Australie, par exemple, en est déjà à sa 28e année, tandis que la Grande-Bretagne n’a pas connu de récession entre 1992 et 2008, soit pendant 17 ans. Même si les cycles économiques ne meurent pas de vieillesse, les investisseurs se demandent à juste titre si après tant d’années de croissance la fin est proche. Bien que la croissance américaine ait été encore robuste au premier semestre, les derniers indicateurs avancés signalent un ralentissement significatif. Celui-ci a commencé l’année dernière dans le reste du monde et s’étend maintenant à l’économie américaine.

Vers un ralentissement de la croissance
Source: Datastream, J. Safra Sarasin, 05.07.2019

 

Néanmoins, il n’existe pour l’heure aucun signe de récession imminente. Le principal risque actuellement est le conflit commercial. Le caractère imprévisible de la politique menée par le président américain fait peser une épée de Damoclès sur les investisseurs, car une escalade dans le conflit commercial avec la Chine serait susceptible de provoquer une récession mondiale. La rencontre entre Donald Trump, le président américain, et Xi-Jinping, le président chinois, au sommet du G-20 à Osaka a soulagé les investisseurs de certaines de leurs inquiétudes. Les modalités de la trêve négociée sont, comme d’habitude, encore floues, mais dans l’immédiat, les droits de douane punitifs restent inchangés, les négociations sont relancées et l’accès de Huawei, société technologique phare de la Chine, aux composants technologiques américains est rétabli. Un apaisement durable du conflit commercial augmenterait considérablement la probabilité de poursuite du cycle économique mondial en 2020.

En septembre, la BCE et la BNS devraient
également procéder à des baisses de taux.
Obligations: vers des baisses des taux américains

Les banques centrales de la planète ont récemment fait tout ce qui était en leur pouvoir pour signaler leur volonté sans réserve de prendre de nouvelles mesures de politique monétaire. Tout a commencé avec le discours de Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne, à Sintra, au Portugal. Il a souligné que de nouvelles mesures de relance seraient nécessaires si les perspectives économiques ne s’amélioraient pas et si les anticipations d’inflation n’augmentaient pas. Il a également évoqué la possibilité de reprise des programmes d’achat de titres. La Réserve fédérale américaine s’est aussi engagée à suivre de près l’évolution de la situation économique. Selon M. Powell, ce qui était encore considéré comme une mesure de politique monétaire non conventionnelle avant la crise financière fait maintenant partie de l’arsenal habituel de mesures de la banque centrale. Avec cette annonce claire, plus rien ne s’oppose à une première baisse des taux d’intérêt d’ici la fin juillet. En septembre, la BCE et la Banque nationale suisse devraient également procéder à des baisses de taux.

États-Unis: décalage de la courbe des taux

Source: Datastream, J. Safra Sarasin, 05.07.2019

 

Ruée sur le marché obligataire

La baisse mondiale des anticipations de taux d’intérêt a entraîné une ruée vers les obligations de toutes sortes. Les obligations à haut rendement ont particulièrement bénéficié de cet environnement. Le net recul des primes de risque de crédit a largement contribué à la performance annuelle. Si une poursuite des gains en capital est peu probable, les coupons restent attrayants, en particulier dans un contexte de forte baisse des rendements des emprunts d’État. Les obligations des marchés émergents libellées en monnaies locales recèlent un meilleur potentiel de rendement. L’environnement de croissance des pays émergents devrait s’améliorer au second semestre. 

Le niveau global de l’indice du climat du marché
ne doit pas masquer celui de certaines de ses composantes.
Actions: positionnement prudent

Le moral des investisseurs a été dopé par la perspective de mesures de soutien à la liquidité des banques centrales de la planète et l’apaisement des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, lequel a notamment contribué à l’amélioration du climat du marché. Mais le niveau global de l’indice ne doit pas masquer celui de certaines de ses composantes. Les composantes cycliques de l’indice révèlent en effet des faiblesses. Les banques, le secteur des transports et les petites et moyennes capitalisations n’ont pas participé dans la même mesure au récent mouvement de hausse. Les investisseurs demeurent prudents et donc positionnés de manière défensive. In fine, c’est le cycle économique qui sera déterminant. Et les signes d’un ralentissement persistant de la croissance restent trop nombreux. Cette situation aura probablement une incidence négative sur les résultats et les perspectives des sociétés. Sans une hausse claire des indicateurs avancés, le potentiel de hausse des marchés boursiers semble limité.

Or: sortie de la bande de trading

Source: Datastream, J. Safra Sarasin, 05.07.2019

 

Allocation d’actifs: orientation défensive

Les baisses de taux d’intérêt attendues représentent un important facteur de soutien pour les investissements risqués et devraient limiter le risque de repli. Les investisseurs ne doivent toutefois pas oublier les obstacles que constituent la menace d’un nouvel échec des négociations commerciales entre les États-Unis et la Chine et la faiblesse persistante de la croissance en Europe et en Chine. C’est pourquoi, il nous semble judicieux de prendre des bénéfices de manière sélective. L’or a récemment bénéficié de la dépréciation du dollar et de la baisse des taux d’intérêt réels et offre une alternative intéressante aux liquidités. Le métal précieux est généralement bien orienté lors des fins de cycle et offre un ancrage stable au portefeuille en période de crise.

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