Les actionnaires restent critiques envers les rémunérations

Yves Hulmann

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Les salaires médians versés aux CEO des 100 plus grandes sociétés suisses n’ont que peu varié entre 2013 et 2017, relève SWIPRA Services.

La saison des assemblées générales 2019 est déjà bien avancée en Suisse. L’occasion de faire un premier bilan des tendances en matière de gouvernance d’entreprise, de rémunération des dirigeants d’entreprise et concernant les votes des actionnaires. Durant la période allant début juillet 2018 à début mai 2019, la rémunération médiane accordée aux directeurs (CEO) des 100 plus grandes entreprises du SPI s’est établie à 2,04 millions de francs, en baisse de 3,7% sur un an, a indiqué SWIPRA Services devant les médias lundi à Zurich. A noter que la part des rémunérations variables (à court terme et à long terme) a aussi légèrement reculé à 45,7% (contre 47,4% un an plus tôt). Du côté des présidents de conseil d’administration, la tendance est inverse, avec une légère hausse à 690’000 francs (valeur médiane) en 2018, comparé à 655’000 francs un an plus tôt.

évolution divergente au sujet des rémunérations

S’agissant des votes des actionnaires exprimés lors des assemblées générales qui ont eu lieu entre le 1er juillet 2018 et le 26 avril dernier, SWIPRA Services observe deux tendances divergentes. D’un côté, les rapports sur les rémunérations se rapportant à l’année 2018 ont été moins critiquées: seuls 8,7% des actionnaires ont voté contre les rapports de rémunération (comparé à 13,3% un an plus tôt), toujours d’après la valeur médiane. De l’autre, la part des voix opposées aux montants des rémunérations versées au management s'est établie à 11,8% (comparé à 9,7% un an plus tôt) s’agissant des points à l’ordre du jour les plus débattus.

Les sociétés de conseil sont plus critiques que les actionnaires eux-mêmes.

Autre observation: les sociétés qui émettent des recommandations de droit de vote restent nettement plus critiques à propos des rapports de rémunération que les votes exprimés lors des assemblées générales. En effet, la part des recommandations négatives a par exemple atteint 14,8% dans le cas de ISS, alors que cette proportion grimpe même à 44,4% chez Ethos. S’agissant du montant des rémunérations, la part des recommandations «contre» varie fortement selon qu'il s'agisse d'ISS (17,6%, comparé à 21% un an plus tôt) et Ethos (45,3%, par rapport à 43,5% un an auparavant).

Au cours de la saison actuelle des assemblées générales, les votes les plus critiques exprimés au sujet des rémunérations versées aux dirigeants ont concerné surtout des sociétés de taille moyenne, non pas les poids lourds du SMI. Sulzer se place ainsi en tête avec 25,3% de voix opposées aux montants accordés à la direction, suivi par Basilea (24,1%), Sunrise (22,3%) et SGS (19,3%).

Faible variation des salaires médians des CEO

Quelles tendances observe-t-on sur la durée? Depuis l’introduction en 2013 de l’Ordonnance contre les rémunérations abusives dans les sociétés anonymes cotées en bourse (ORab), suite à l’acceptation de l’Initiative Minder, les rémunérations accordées aux directeurs (CEO) sont restées pratiquement inchangées. La rémunération des CEO des 100 plus grandes entreprises du SPI a atteint 1,95 million de francs (valeur médiane) en 2017, comparé à 2,06 millions en 2013. En revanche, les critiques exprimées par les actionnaires ont été plus nombreuses depuis l’entrée en vigueur de l’ORab: les voix opposées au rapport de rémunérations ont augmenté à 11,8% en 2017, comparé à 7,2% en 2013.

Les caisses de pension restent peu actives

Selon l’étude SWIPRA Corporate Governance Survey de 2016, moins du quart (24%) des caisses de pension suisses prennent part à des réunions d’«engagement» avec des entreprises, comparé à 58% du côté des gérants d’actifs helvétiques. Comment expliquer cette participation nettement plus faible des caisses de pension helvétiques? Pour Barbara Heller, qui dirige SWIPRA Services, cette situation s’explique par le fait que beaucoup de caisses de pension n’investissent que de manière indirecte, ce qui ne les oblige pas à exercer leurs droits de vote. Cela s’explique aussi par des raisons de coûts: «L’engagement coûte et mobilise des ressources mais il est notamment très important pour les gérants institutionnels internationaux», rappelle-t-elle.

Refuser la décharge, un nouveau moyen de pression.

S’agissant des prochaines assemblées générales à venir, celle d’UBS, qui aura lieu ce jeudi, sera scrutée avec particulièrement d’attention. Plusieurs sociétés de conseil, dont la très influente ISS, ont en effet recommandé aux actionnaires de refuser l’octroi de la décharge au conseil d’administration de la grande banque en raison des procédures juridiques en cours en France et aux Etats-Unis. 

Quel est l’impact d’un refus de l’octroi de la décharge au conseil d’administration? Pour Barbara Heller, un tel refus aurait avant tout valeur de signal. «Refuser la décharge a surtout un impact symbolique», explique Barbara Heller. Selon elle, certains actionnaires n’ont pas toujours connaissance de la signification juridique exacte de la décharge. La décharge ne s’applique qu’aux faits qui étaient déjà connus au moment de l’assemblée générale ou qui devraient être facilement reconnaissables. Comme cela, la responsabilité du conseil d’administration n’est pas automatiquement exclue même lorsque la décharge a été donnée, rappelle la responsable de SWIPRA Services.

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