Les «midterm»: un non-événement pour l’économie américaine?

Florence Pisani, Candriam

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Le résultat des élections de mi-mandat a peu de chances d’infléchir à court terme la trajectoire économique.

 

Cruciales, vraiment? Les élections de mi-mandat approchent à grands pas et avec elles un cortège d’interrogations, notamment sur les enjeux macroéconomiques. Dans quel état l’économie américaine se présente-t-elle à la veille de ces élections? Leur résultat marquera-t-il un tournant pour l’économie du pays?

A la veille des élections de mi-mandat, l’économie américaine continue de défier les Cassandre. A 3,7%, le taux de chômage vient de retrouver son plus bas niveau depuis la fin des années 1960. Et la croissance a de quoi faire des envieux de ce côté-ci de l’Atlantique: après avoir progressé de 4,2 % en rythme annuel au second trimestre, le PIB a crû à nouveau de 3,5 % au troisième trimestre. Les Etats-Unis semblent même sur le point de connaître leur phase d’expansion la plus longue depuis… le milieu du XIXe siècle: tout juste entrés dans leur 113e mois de croissance ininterrompue, ils ne sont plus très loin du record de 120 mois enregistré pendant la «Grande modération» des années 1990.

Jamais en temps de paix le poids de la dette fédérale n’a été aussi élevé.

Ces chiffres impressionnants ne doivent toutefois pas masquer des réalités qui le sont moins: la reprise engagée depuis 2009 a été la plus poussive de l’après-guerre (la croissance y a été deux fois moins rapide que pendant les années 1990) et aucun des problèmes structurels auxquels l’économie américaine est confrontée (inégalités, faiblesse des gains de productivité, trajectoire inquiétante de la dette publique…) ne sont en passe d’être résolus. Pire, la politique budgétaire menée va laisser des traces: jamais en temps de paix le poids de la dette fédérale n’a été aussi élevé et demain, le vieillissement et la hausse des coûts de la santé ne manqueront pas de l’alourdir encore.

A plus court terme certes, la résilience de l’économie et une politique monétaire raisonnable laissent penser que, sauf accident, la croissance ne devrait décélérer que graduellement en 2019. Appuyer sur le frein et l’accélérateur en même temps, comme le fait Donald Trump, n’est toutefois pas le plus sûr moyen d’assurer la pérennité de cette reprise. En allégeant la fiscalité sur les entreprises, le Président américain a dit vouloir stimuler l’investissement productif. Il n’en a rien été: sur la première moitié de l’année, les entreprises ont consacré l’essentiel des baisses d’impôts au rachat de leurs actions et il est peu probable que le climat d’incertitude créé par la politique commerciale de l’administration les incite à investir beaucoup plus dans les prochains mois. Les chiffres du troisième trimestre indiquent d’ailleurs un essoufflement de l’investissement productif. Or, faute d’investissements, les gains de productivité risquent d’avoir du mal à reprendre. La tâche de la banque centrale n’en sera que plus délicate. Certes, le taux de participation des hommes du cœur de la population en âge de travailler (ceux âgés de 25 à 54 ans) peut se redresser encore un peu à l’instar de celui des femmes, mais sans rebond de la productivité, la Fed n’aura d’autre choix que de continuer… à freiner la croissance ! Et l’accuser de mettre en danger l’économie en montant les taux n’y changera rien…

Une victoire des Démocrates mettrait un terme au projet de «baisse d’impôts 2.0»

A moins d’une surprise, le résultat des élections de mi-mandat a peu de chances d’infléchir à court terme cette trajectoire économique. La politique commerciale relève largement des prérogatives du Président. Si les Démocrates l’emportaient, ils pourraient éventuellement décider de ne pas voter le nouvel accord commercial avec le Mexique et le Canada (le «Nafta 0.8» comme se plaisent à l’appeler ses opposants), mais au-delà d’une opposition partisane, on ne verrait pas bien leur intérêt à le faire… Sur le front budgétaire, une victoire des Démocrates peut peut-être ouvrir la voie à un plan d’infrastructures (même s’ils n’ont pas forcément intérêt à soutenir une initiative qui pourrait accroître les chances d’une réélection de Donald Trump). Une victoire des Démocrates mettrait en revanche un terme au projet de «baisse d’impôts 2.0» souhaitée par les Républicains. Elle annoncerait aussi sans doute un débat houleux autour du relèvement du plafond de la dette au printemps prochain…

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