Le résultat plutôt que la manière

Martin Neff, Raiffeisen

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Vu les résultats de Donald Trump, peut-être que les exécutifs européens devraient envisager de ne pas contenter tout le monde, au lieu de tergiverser sans arrêt.

L’«infréquentable» a finalement été élu président des Etats-Unis: Donald Trump. Pratiquement personne n’avait anticipé son élection, lorsqu’il avait annoncé sa candidature. Mais au moins les pronostics quant à l’évolution de la situation une fois qu’il aurait pris ses fonctions ont-ils été plus ou moins exacts. Il y aura du remue-ménage. Depuis qu’il est aux affaires, il récolte des hochements de tête désapprobateurs ou des applaudissements frénétiques. Il a continué à cliver, même après son élection. Il est en effet resté fidèle à sa ligne jusqu’à la mi-temps de son premier mandat et a profondément divisé la société américaine. On l’aime ou on le déteste, mais il laisse rarement indifférent. Et pas seulement aux Etats-Unis. Le monde entier s’interroge à présent pour savoir s’il est finalement bon ou mauvais.

Personne n’a évidemment la réponse. Selon la personne interrogée, les réponses seront diamétralement opposées, même en Suisse. Le fait est que nous nous sommes progressivement habitués à lui. Non pas que ce soit forcément une bonne chose, mais cela signifie aussi que nous ne décortiquons plus la moindre de ses paroles dans une perspective morale et que nous nous concentrons un peu plus sur l’essentiel, à savoir son action, et dans ce domaine il présente déjà un certain bilan. Mais commençons depuis le début. Après son élection à la présidence, l’air s’est brièvement raréfié pour les marchés financiers, mais depuis ils l’applaudissent à tout rompre. Par pur intérêt personnel, rappelons-le, car le nouveau dirigeant avait promis un certain nombre de choses que les marchés réclamaient avec véhémence. L’essentiel est que les acteurs des marchés boursiers gardent le moral grâce à lui, pourrait-on dire. Et il a plutôt réussi ce pari jusqu’à présent. Le 8 novembre 2016, jour de son élection, l’indice directeur américain Dow Jones s’établissait à 18 333 points. Lundi, il cotait à 25 380 points, affichant ainsi une progression de près de 43%. Ce n’est certes plus tout à fait aussi élevé qu’au début de l’automne, au plus haut historique du 3 octobre 2018, où il s’établissait à 26 828 points, mais cela reste remarquable. Et non moins remarquable, aucune autre place boursière au monde ne l’a surperformé durant cette période. Pas même dans les pays dans lesquels de nouvelles élections ont également été organisées. Une chose est sûre, Donald Trump connaît un franc succès auprès des marchés financiers. En effet, les marchés ne se soucient guère de la manière si importante à nos yeux d’Européens, tant que le résultat est conforme à leurs attentes. En échange, ils acceptent aussi la scission au sein de la communauté nationale provoquée par Trump.

Produire plutôt que palabrer 

On peut en penser ce que l’on veut, mais il est indéniable que Trump produit bien plus que ses prédécesseurs. Barack Obama a déçu bon nombre de ses électeurs. Guantanamo est encore en service, sa ligne rouge après l’attaque chimique en Syrie n’était rien d’autre qu’une menace en l’air et le sauvetage de Wall Street a catapulté le taux d’endettement des Etats-Unis au niveau d’une république bananière. Son plus grand mérite a sans doute été la réforme de la santé, mais il lui a fallu deux mandats pour la finaliser. A peine six mois après son entrée en fonction, Trump l’avait déjà pratiquement enterrée. La rudesse n’est certes pas un trait de caractère très appréciable, mais elle permet de parvenir rapidement à ses fins dans les affaires politiques controversées et ce président impossible a fait sienne cette devise. Après s’être contentée de hocher la tête face à Trump et de le considérer comme un phénomène temporaire, la moitié du monde occidental doit sérieusement l’envisager aujourd’hui. Celui-ci trace en effet sa route et s’accommode fort bien de son manque de popularité généralisée. Inutile de chercher une correction politique ou sociale chez l’actuel président des Etats-Unis. Il met régulièrement les pieds dans le plat, donnant presque l’impression de le faire exprès, parfois même pour le plaisir.

It’s the economy 

Barack Obama n’a évidemment pas eu de chance en prenant ses fonctions précisément l’année qui a suivi la crise des subprimes. Cette malchance ne devrait cependant pas lui éviter d’entrer dans les livres d’histoire comme le président qui a laissé filer la dette des Etats-Unis. Même s’il n’y était pour rien. La bulle immobilière malsaine s’est constituée durant le mandat républicain qui l’a précédé, sans que le gouvernement Bush ne s’en soit rendu compte ou ait tenté d’y remédier. Lorsque Trump est entré en fonction, l’économie était de nouveau prospère. Il ne peut certes pas en revendiquer le mérite, mais il ne s’en prive pas pour autant. Il en a remis une couche avec une réforme fiscale qui assure désormais une véritable expansion à l’économie américaine. On peut parler de politique fiscale procyclique qui illustre parfaitement pour les étudiants en politique économique ce qu’il ne faudrait justement pas faire. Son intervention dans la politique monétaire est également contraire à tous les manuels. Mais tant que cela lui assure des succès tangibles, il accepte volontiers de fouler aux pieds toutes les règles. Il doit à la reprise de l’économie américaine de ne pas avoir subi de revers majeur lors des élections de mi-mandat. Les marchés ont d’ailleurs accordé plus d’importance au renforcement de la majorité sénatoriale qu’à la perte de la majorité à la Chambre des représentants, qui n’a rien d’inhabituel. Car le Sénat est la chambre compétente pour approuver les nominations au sein de l’exécutif. C’est d’ailleurs pourquoi les marchés ont salué le résultat de ces élections. Ils ne s’intéressent qu’à l’économie et pas au prix Nobel de la paix ou à un quelconque prix d’élégance. Peut-être qu’au lieu de tergiverser sans arrêt, les exécutifs européens devraient envisager, à l’occasion, de ne pas contenter tout le monde. La prospérité économique et non la cote de popularité est déterminante en politique. C’est en effet grâce à elle que l’on peut tenir ses promesses électorales et procéder à une redistribution.

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