Le haut rendement vacille

Eoin Walsh, TwentyFour Asset Management

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Le marché US du haut rendement est devenu plus incertain, mais il n’y a pas lieu de penser que sa récente correction prélude à une situation critique.

Les investisseurs se sont positionnés relativement tôt en début d’année pour profiter des opportunités créées par la forte chute des marchés au quatrième trimestre 2018. Confortés par l’attitude conciliante de la Fed, ils ont opté pour l’hypothèse que la baisse récente n’était pas le signe avant-coureur de la fin du cycle, mais un recul temporaire. Depuis, le marché a connu un rallye quasi ininterrompu et la reprise s’est avérée soutenue et générale. L’année passée, le crédit américain a fait montre d’une excellente tenue alors que sur de nombreux marchés obligataires, on assistait à un écartement et à une hausse des rendements. Cependant, la situation a changé au quatrième trimestre lorsque le crédit américain, devenu l’épicentre d’un fort mouvement d’accroissement de la volatilité, a fait l’objet de dégagements massifs. Au début 2019, le rendement des obligations à haut rendement américaines se situait à 8,5%, mais il est revenu à 6,5% début mars.

«En deux mois seulement, les investisseurs ont réalisé
la performance attendue pour toute l’année 2019.»

Ce mouvement a permis aux investisseurs de dégager une performance de 6,4%, réalisant ainsi en deux mois seulement les résultats prévus par les stratèges pour toute l’année 2019. Les autres grands marchés obligataires ont connu une évolution similaire, la performance du haut rendement en euros s’est établie à 4,2% et celle du crédit en livres sterling a été de 3,6%. Puis l’humeur des investisseurs a soudainement changé il y a une dizaine de jours: le rallye s’est interrompu et les actifs défensifs ont regagné du terrain. Comment expliquer ce revirement?

Déceptions du côté de l’économie

La faiblesse des données économiques publiées est certainement l’un des facteurs explicatifs de la baisse du moral des investisseurs. La Chine a particulièrement déçu: alors que l’on tablait sur une croissance de 6,6% de ses exportations, ces dernières ont reculé de 16,6% en glissement annuel. Aux Etats-Unis, 20'000 nouveaux emplois hors agriculture ont été créés en février: c’est le troisième chiffre le plus faible enregistré ces cinq dernières années et il se situe très en deçà des 180'000 nouveaux postes prévus. Bien que simultanément le taux de chômage ait encore reculé, passant à 3,8%, et que le salaire horaire ait progressé de 3,4% en glissement annuel, ces nouvelles positives n’ont pas suffi à doper le moral des investisseurs. Résultat, les rendements des  bons du Trésor, récemment déprimés, sont repartis à la hausse, les investisseurs revenant sur les valeurs refuge.

Faiblesses techniques

Des facteurs techniques moins favorables sont venus se surajouter à la faiblesse des données économiques. Compte tenu de la vigueur de la reprise enregistrée ces derniers mois, il n’est pas surprenant que nous ayons assisté à une prise de bénéfice de la part des investisseurs. Il y a deux semaines, les rachats de parts de fonds en obligations américaines à haut rendement ont pratiquement atteint 2 milliards de dollars, ce qui représente le montant le plus élevé enregistré sur une semaine depuis décembre dernier. De plus, au même moment, les émissions progressaient, les entreprises plaçant plus de 8 milliards de nouvelles obligations à haut rendement sur le marché. C’était l’offre hebdomadaire la plus abondante qui ait été enregistrée depuis la mi-2018.

«Quoique très détendus, les rendements restent
nettement supérieurs à ceux enregistrés l’année passée.»
Vers une offre plus intéressante

Dans l'ensemble, bien qu'une partie des performances réalisées ait été effacée, les marchés ont absorbé les nouvelles émissions de manière relativement  ordonnée et les investisseurs restent friands de transactions proposées à des cours intéressants. Les rendements se sont certes fortement détendus, mais ils restent nettement supérieurs à ceux enregistrés durant la majeure partie de l'année dernière. Par conséquent, les investisseurs devraient continuer de vouloir faire travailler leur argent même si la période de gains relativement «faciles» est probablement terminée. Les nouvelles émissions devront donc offrir des conditions suffisamment intéressantes pour attirer de nouveaux capitaux.

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