Le grand changement climatique – Prévisions de Saxo Bank

Communiqué, Saxo Bank

7 minutes de lecture

«Ce n’est pas la croissance, mais le climat et l’environnement qui deviennent la priorité des gouvernements et des citoyens», déclare Steen Jakobsen, économiste en chef et CIO de Saxo Bank.

Saxo Bank, spécialiste du trading et de l’investissement en ligne, a publié aujourd’hui ses prévisions pour le premier trimestre 2020 pour les marchés mondiaux, ainsi que ses principales idées de trading concernant les actions, le marché des changes, les devises, les matières premières, les obligations et les thèmes macroéconomiques centraux ayant un impact sur les portefeuilles des clients.

«Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, nous sentons que ce n’est pas la croissance, mais le climat et l’environnement qui deviennent la priorité des gouvernements et des citoyens, les pénuries de nourriture, d’eau salubre et d’air s’affirmant comme des questions de plus en plus existentielles», déclare Steen Jakobsen, économiste en chef et CIO de Saxo Bank.

«Le changement climatique nous indique donc que le «modèle» de croissance économique actuel est devenu néfaste à long terme: pas de manière marginale, mais bien foncièrement néfaste en matière de coûts pour la société et l’environnement.

Il est de plus en plus évident que nos mesures de croissance économique ne permettent pas de prédire l’impact total de notre activité sur l’environnement et la diminution des ressources à long terme. À cela s’ajoute l’absence de détermination des prix au cours de la dernière décennie, les banques centrales ayant maintenu notre activité non durable à son plus haut niveau afin d’éviter une remise à zéro qui aurait sapé le potentiel à long terme de nos économies et provoqué un manque de productivité préjudiciable.

Les prévisions économiques collectives pour 2020 s’appuient sur les éternelles promesses de faible inflation et de taux d’intérêt bas, l’abolition de la détermination des prix, l’acceptation totale des monopoles de la technologie et le non-engagement à réduire les inégalités. Les conséquences de ce cocktail de plus en plus toxique sont une croissance éternellement faible, une productivité proche de zéro et une politique monétaire sans issue, comme en a témoigné récemment la Fed en devenant non seulement prêteuse en dernier ressort du marché des pensions livrées («repo»), mais aussi adepte de la monétisation totale du déficit fédéral américain.

En 2020, trois facteurs vont venir bousculer le statu quo. D’abord, un changement de président des États-Unis donnerait un nouvel élan politique et économique. Ensuite, les insuffisances de crédit. La valeur excessive du marché devenant un problème, la perte de contrôle de la Fed sur les pensions livrées génère un risque événementiel massif dans l’univers du crédit, auquel le secteur du schiste américain est particulièrement exposé. Enfin, le concours du signal de détresse climatique – qui augmente le coût de la nourriture, de l’eau et de l’air – et de l’énorme sous-investissement en matière d’infrastructures indique que le marché est devenu suffisant, ce qui augmente le risque d’un pic de volatilité lors de la prochaine catastrophe.»

Dans ce contexte de crise climatique croissante, voici les principales idées et principaux thèmes de trading de Saxo Bank pour le premier trimestre.

La sensibilisation aux questions climatiques va provoquer une mégatendance verte dans l’univers des actions.

Les crises climatiques comme les grands incendies australiens incitent les individus, les entreprises et les gouvernements à lutter contre le changement climatique. La tendance au changement de politique et de comportement, associée à la baisse du coût des énergies vertes due aux progrès technologiques rend les actions vertes de plus en plus attrayantes, bien que non dénuées de risques. Une récession impacterait plus fortement les secteurs cycliques comme le solaire, l’éolien et les véhicules électriques, tandis que les industries naissantes comme les piles à combustible, le bioplastique et les aliments bio présentent des risques particuliers. Les actions vertes présentent un beau potentiel, mais il revient aux investisseurs de soigneusement évaluer leurs placements.

Peter Garnry, chef stratégiste en actions, explique: «Les exigences des millennials concernant la lutte contre le changement climatique créent d’excellentes opportunités en matière d’actions.

Les gouvernements vont augmenter les investissements et les subventions aux industries vertes, provoquant une nouvelle mégatendance sur les marchés des actions. Nous pensons qu’avec le temps, ces actions vertes pourraient devenir celles des entreprises les plus attrayantes et aller jusqu’à éclipser les monopoles technologiques actuels, les réglementations étant susceptibles de s’intensifier au cours de la décennie à venir. Afin de ne pas manquer cette occasion à long terme, les investisseurs devraient penser à orienter leurs portefeuilles vers les actions vertes.

Dans le même temps, les banques centrales et les gouvernements se montrent désormais favorables à la stimulation d’une phase tardive de croissance lorsque le marché de l’emploi est serré. Dans les plus grandes économies du monde, les politiques monétaires et fiscales pour 2020 sont déjà en place. Ce n’est pas le moment de négliger les actions.»

Le billet vert contre vents et marées

Le dollar semble résistant au 1er trimestre 2020 en raison des bonnes performances de l’économie américaine en 2019, dont les trois premiers trimestres ont affiché une croissance moyenne du PIB de 2,4%. Toutefois, la perspective d’un ralentissement de l’économie, de déficits budgétaires et de l’élection présidentielle pourrait peser sur l’avenir du billet vert.

John Hardy, chef stratégiste Opérations de change, commente: «Le dollar américain se montre en belle forme en ce début d’année. Il a formidablement résisté au revirement de la Fed courant 2019 et à l’accélération de fin d’année qui laissaient présager une monnaie bien plus faible, surtout si l’on tient compte de l’assouplissement exercé par les banques centrales d’autres pays.

Cette résistance du dollar illustre peut-être la force de l’économie américaine par rapport à ses concurrentes. Tandis que son secteur manufacturier a souffert des barrières douanières imposées par Donald Trump et du ralentissement de la croissance du secteur du schiste et du gaz, celui des services a fait preuve d’une belle résistance, et l’attitude agressive du président a provoqué une légère baisse des déficits commerciaux lors du second semestre 2019.

Un grand nombre des facteurs susmentionnés favorables au dollar semblent bien en place en ce début 2020, mais nous n’avons pas encore atteint le plafond bas d’une courbe du dollar somme toute plate au cours des 18 derniers mois. Nous nous attendons à un ralentissement de l’économie américaine au cours de l’année, à une baisse conséquente des taux d’intérêt du pays, à une poursuite de la monétisation des déficits budgétaires par la Fed et enfin à une élection présidentielle qui devrait jouer en défaveur du billet vert.

Les mesures prises par la Fed fin 2019 pour soutenir la liquidité constituent un autre obstacle potentiel. Cette injection de liquidités et le risque qu’elle entraîne une inflation et des taux d’intérêt encore plus négatifs pourraient suffire à enfin faire baisser le dollar.»

La volatilité due au climat va stimuler l’offre et la demande en actions vertes.

Le changement climatique influe sur la volatilité et a un impact négatif important sur les villes asiatiques. Inondations, sécheresses et incendies devraient stimuler la demande des consommateurs qui préféreront les entreprises durables et modifier l’offre en raison de mesures gouvernementales d’ordre climatique. Il est donc conseillé aux investisseurs de s’exposer à la durabilité et aux thèmes d’investissement à impact.

Kay Van-Petersen, stratégiste en macroéconomie mondiale, explique: «Il semble que, chaque année, la variabilité des températures, saisons et conditions météorologiques s’aggrave. En Asie, par exemple, des mégapoles comme Jakarta sont menacées par la montée des eaux, et Delhi a connu des épisodes de gel en décembre.

Les catastrophes climatiques agissent comme la volatilité sur les marchés, dans le sens où la volatilité engendre davantage de volatilité. Une catastrophe augmente la probabilité et la gravité d’un autre genre de catastrophe.

Cette hausse de volatilité entraîne au moins deux forces principales de changement structurel. La première est due à la demande. De plus en plus de consommateurs voudront investir leurs économies dans des entreprises qui oeuvrent en faveur du développement durable. Par exemple, environ 5% des 330 millions d’habitants des États-Unis sont végétariens, mais cette proportion devrait grandir. Les sociétés et entrepreneurs qui font preuve d’initiative en matière de durabilité vont se développer et aller de l’avant.

La seconde est due à l’offre. Les gouvernements commencent à comprendre que le coût de l’inaction en matière de croissance durable va s’avérer bien plus élevé que si des mesures sont adoptées dès maintenant. En d’autres termes, les gouvernements doivent faire preuve d’initiative concernant la crise climatique: stimuler l’innovation, la recherche, le développement et les investissements par des subventions, des allocations et des allègements fiscaux.»

Les matières premières dans le collimateur du climat et de l’inflation

Les matières premières mondiales font face à une année 2020 potentiellement volatile compte tenu des inquiétudes relatives à la croissance, des tensions géopolitiques, du changement climatique et des tensions inflationnistes. Alors que la demande en matières premières cycliques clés reste faible, l’offre est elle aussi confrontée à de multiples difficultés dues à l’agitation sociale et au changement climatique.

Ole Hansen, chef stratégiste en matières premières, commente:

  • Agriculture – «Nous avons vécu plusieurs années d’offre abondante, avec des prix stables voire en baisse. En fait, la dernière période de tension autour des principales cultures remonte à 2010, quand la hausse des prix du blé a contribué au déclenchement du printemps arabe. Alors que l’offre et la demande mondiales ont toutes les deux augmenté au cours des dix dernières années, la chaîne logistique mondiale restera vulnérable à une chute soudaine des rendements due aux conditions climatiques.
    En ce début 2020, une offre abondante et une faible fluctuation des prix ont provoqué des rendements négatifs pour la plupart des ETF exposés aux principales matières premières agricoles.»
  • Or – «Nous tablons sur un renforcement de l’or consécutif au fort gain de 18,5% de l’année dernière, à l’heure où la perspective technique et fondamentale continue de s’améliorer. Toutefois, après sa percée de début janvier, nous verrons peut-être le métal jaune passer la plus grande partie du premier trimestre à se consolider au-dessus de 1500 $/once avant de culminer à 1625 $/once plus tard dans l’année. La consolidation à court terme prend aussi en compte la position élevée des hedge funds. Ceux-ci tutoient leurs niveaux record et, à court terme, pourraient freiner le cours de l’or.»
  • Brut Brent – «Le brut Brent devrait stagner dans les 60 $ la première moitié de 2020, avant de progresser dans la seconde. La décision de l’OPEP élargie prise le 6 décembre de maintenir et d’accroître les baisses de production au premier trimestre devrait contrer toutes les inquiétudes potentielles relatives à la croissance ou à une nouvelle guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine.
    Nous voyons le brut Brent se placer à 75 $/baril d’ici la fin de l’année, en raison d’une reprise de l’inflation et d’un affaiblissement du dollar. Toute faiblesse à court terme, potentiellement due à la stimulation de certaines positions longues par les spéculateurs, devrait s’avérer limitée. Les menaces constantes à l’offre en provenance du Moyen-Orient et de la Libye empêchent le marché de diminuer de manière significative.»
L’Europe se prépare à l’assouplissement quantitatif vert

La sensibilisation au climat faisant accepter au public des politiques monétaires et fiscales plus actives, nous prévoyons pour 2020 la préparation d’un paquet climatique monétaire et fiscal massif, ainsi qu’un changement de politique de la part de la BCE. Les gouvernements nationaux devraient accompagner ce changement, la crise climatique influant sur les choix politiques. En conséquence, nous pensons aussi que l’arrivée au pouvoir des Verts en Allemagne sera le principal moteur de changement politique des prochaines années.

Christopher Dembik, chef analyste en macroéconomie, commente: «2020 sera l’année de la préparation d’un paquet climatique monétaire et fiscal européen massif, prévu pour 2021. Au cours des derniers mois, la plupart des banques centrales ont souligné l’importance du changement climatique, comme la Banque d’Angleterre qui a mis en garde contre un “moment Minsky” climatique.

Mais ce n’est pas l’assouplissement quantitatif vert de la BCE qui va sauver la planète et décarboniser à lui seul l’économie. La BCE a trois options pour lancer son assouplissement quantitatif vert. D’abord, favoriser les obligations vertes dans le cadre du programme de relance de l’assouplissement quantitatif (bien qu’il n’y ait pas encore suffisamment d’émissions pour ce faire). Ou bien appliquer une «coupe» punitive aux actifs de garantie bancaire, assortie de mesures contre les hautes émissions de carbone (bien que cela continuerait d’affaiblir le secteur bancaire européen). Ou encore, créer des obligations de transition pour les sociétés polluantes désireuses de se mettre au vert (mais cela ne rassurera en rien les activistes pro-climat).

Contrairement à ce qui s’est passé au cours des 10 dernières années, les banques centrales ne peuvent pas être les seules actrices du combat contre le changement climatique. Les gouvernements devront entrer en scène, et l’évolution actuelle de la courbe des rendements crée un environnement très attrayant pour une stimulation fiscale orientée vers le financement des projets verts.»

Création d’un écosystème financier durable

En ce début d’année 2020, nous sommes sur le point de nous rendre compte que les pertes économiques et environnementales, ainsi que l’impact social du maintien du statu quo ne peuvent plus perdurer. Alors que la tension monte, l’action climatique pourrait être l’un des défis les plus transformateurs et disruptifs que l’économie mondiale ait jamais rencontrés.

Eleanor Creagh, stratégiste marché, commente: «La création d’un écosystème financier durable nécessite une énorme réallocation de capital. Les investisseurs et sociétés qui n’orientent pas leurs portefeuilles vers des modèles commerciaux plus durables risquent d’essuyer de lourdes pertes au cours des décennies à venir: les changements réglementaires pourraient rendre de nombreux modèles opérationnels actuels non viables. Plus d’un tiers du capital mondial est déjà plus ou moins à vocation ESG, ce qui place de nombreuses entreprises et de nombreux pays du monde du mauvais côté de la barrière, de ce point de vue. Si les entreprises ne parviennent pas à s’adapter, elles mourront.

La transformation verte provoquera aussi des progrès très positifs, le besoin d’adaptation stimulant l’adoption de solutions politiques visant à financer les projets d’énergie propre, la sécurité hydrique, le développement d’infrastructures durables et les innovations technologiques vertes, comme la capture d’émissions et les avancées en matière de stockage d’énergie.

Ces nouvelles industries du climat créeront non seulement des emplois et des profits économiques, mais généreront aussi un impact positif en fournissant un air plus propre, en préservant les écosystèmes fragiles et en améliorant la santé des hommes. La crise climatique caractérise une génération future, et l’augmentation de la population d’investisseurs millennials ou de génération Z indique que la performance financière ne sera plus l’unique objectif de placement, et que l’exigence d’investissements à impact positif correspondant aux objectifs plus généraux de durabilité ne peut que se renforcer.»

A lire aussi...