Le digital a-t-il tué Baselworld?

Raffi Balyozyan, Genthod Global WM & Marie-Caroline Fonta, Notz Stucki

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Les organisateurs doivent repenser la stratégie du salon et les groupes de luxe doivent s’adapter aux nouveaux modes de consommation.

Chaque année, le mythique salon annuel de Baselworld voit de grandes entreprises de luxe quitter le navire. On ne les compte plus, ces deux dernières années Hermès, Ulysse Nardin et Girard-Perregaux (Kering) ont déserté, suivi par le coup de tonnerre du groupe Swatch avec ces 18 marques horlogères!

A cela s’ajoute la gestion des exposants actuels tels que le groupe LVMH (Bvlgari, Hublot, TAG Heuer et Zenith), Breitling ou Patek Philippe qui sont peu enclins à l’idée que les pavillons de ceux qui ont quitté le salon soient remplacés par ceux de nouvelles marques concurrentes. Pour éviter de contrarier les grands contributeurs à la survie de ce salon, les organisateurs ont dû aménager des espaces de restauration ce qui a fortement aidé à la visibilité de certaines marques.

Le nombre d’achat en ligne est en hausse
mais le panier moyen progresse également.

Cela n’a malheureusement pas calmé le climat d’incertitude qui règne autour de Baselworld avec de nouvelles rumeurs faisant état que Rolex serait le prochain à vouloir partir.

Mais qu’est ce qui a bien pu bousculer le bon fonctionnement de ce grand rendez-vous prestigieux des horlogers et joailliers?

Un premier indice, à contrecourant de la baisse vertigineuse de la fréquentation de Baselworld (-22% en 2019), l’expérience digitale des plateformes de luxe telles que Farfetch bat des records avec des consommateurs actifs (plusieurs achats lors des 12 derniers mois) atteignant 1,4 million de personnes soit une hausse de 45% en un an. Non seulement, le nombre d’achat en ligne est en hausse mais le panier moyen progresse également de quoi faire trembler les canaux de vente physiques qui n’imaginaient pas un instant que le luxe pourrait s’allier au digital. Selon le cabinet Bain & Company, l’e-commerce va représenter jusqu’à 25% des ventes de biens du luxe (actuellement 10%) au détriment des grands magasins ainsi que des boutiques multimarques et monomarques.

Peut-on pour autant tenir pour responsable l’essor du commerce en ligne au déclin du modèle d’affaires de Baselworld?

Les millennials représenteront jusqu’à 45% du marché du luxe en 2025.

Si le digital n’est pas le seul coupable, il a une part de responsabilité pour deux raisons principales:

  1. Les revendeurs traditionnels connaissent une crise depuis 2015 avec des stocks d’invendus importants les empêchant de commander les nouvelles collections lors de Baselworld. Cette crise, s’est accentuée avec l’avènement du e-commerce ces dernières années. Le groupe Richemont, qui organise le SIHH (Salon International de la Haute Horlogerie), a trouvé une solution en rachetant les stocks d’invendus mais très peu de groupes font recours à cette solution onéreuse.
  2. Baselworld est un rendez-vous physique qui a lieu pendant seulement 5 jours alors que les nouveaux consommateurs du luxe (en grande partie les millennials) veulent pouvoir découvrir des nouveautés tout au long de l’année et de préférence depuis leur smartphone. Pour cette génération née entre 1980 et 2000, le consultant Xavier Dalloz fait référence à l’acronyme ATAWAD quand il s’agit de leur consommation «Any time, anywhere, any device». Par conséquent, le salon n’a plus la même connotation magique qu’auparavant et n'attire plus assez les foules. Les millennials représenteront jusqu’à 45% du marché du luxe en 2025.

En conclusion, malgré des efforts considérables de l’industrie horlogère et joaillière à faire front commun en coordonnant les dates de Baselworld et du SIHH, cela risque de ne pas être suffisant pour redynamiser la fréquentation en 2020. Les compagnies du luxe doivent s’adapter à ces nouveaux modes de consommation à l’instar de Cie Financière Richemont qui s’est tourné vers le digital et la vente par internet de montres haut-de-gamme de deuxième main avec l’acquisition de Yoox Net-a-Porter et Watchfinder en 2018. Les organisateurs doivent repenser la stratégie du salon en prenant en compte la révolution que mène le digital et ainsi aboutir à un résultat qui associe les deux mondes.

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