Le dérapage des finances publiques américaines

Bart Van Craeynest, Econopolis

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Avec ses récentes décisions budgétaires, le gouvernement américain a réduit ses marges de manœuvre en cas de difficultés économiques.

Après plusieurs années à plaider pour une discipline budgétaire stricte depuis les rangs de l’opposition, les Républicains ont déjà approuvé une importante baisse d’impôts et une forte augmentation des dépenses publiques depuis la prise de fonction de Donald Trump. Qu’un tel cocktail provoque à terme un dérapage des finances publiques n’étonnera personne. Le Congressional Budget Office (CBO), une instance neutre qui transmet au Congrès américain des avis indépendants sur les comptes publics, a publié cette semaine ses nouvelles estimations pour les dix prochaines années. Sur la base de la politique actuelle, le CBO prévoit que le déficit budgétaire total fluctuera autour de 5% du PIB au cours des dix prochaines années, avec un pic de 5,4% en 2022. Dans l’histoire des Etats-Unis, de tels déficits n’avaient été possibles qu’en période de récession ou de guerre. Et ces estimations sont basées sur une longue période de croissance économique soutenue. Si l’économie américaine devait plonger en récession au cours des dix prochaines années, un scénario hautement probable (c’est le contraire, 20 ans sans récession, qui serait étonnant), le déficit atteindrait presque certainement des niveaux plus élevés.

 

Avec de tels déficits, la dette publique américaine passerait de 76,5% du PIB aujourd’hui à 96,2% en 2028, son plus haut niveau depuis la Deuxième Guerre mondiale. En soi, ce n’est pas nécessairement un problème. Ces dernières années ont clairement illustré, notamment au Japon, que les pays qui disposent de leur propre banque centrale ont les moyens de gérer une augmentation de la dette publique. Même avec de telles estimations, le risque de crise de la dette publique aux Etats-Unis reste donc limité. Mais une telle politique économique n’est pas saine. En période de croissance économique soutenue, le gouvernement devrait plutôt veiller à renforcer les finances publiques. Avec ses récentes décisions budgétaires, le gouvernement américain a réduit ses marges de manœuvre en cas de difficultés économiques. En outre, il lui sera également plus difficile de relever les défis structurels auxquels est confrontée l’économie américaine, comme le vieillissement de la population et des infrastructures obsolètes.

Au-delà des considérations économiques liées à la politique budgétaire américaine, il y a ses implications pour les marchés financiers. Celles-ci sont plus nuancées que le suggèrent certains observateurs. Un dérapage des finances publiques ne se traduit pas nécessairement par une flambée immédiate des taux qui pourrait dégénérer en une spirale néfaste de pression croissante sur les finances publiques et de hausse des taux. Les pays dont la dette est libellée dans leur monnaie et qui possèdent leur propre banque centrale, en particulier, disposent de possibilités de briser une telle dynamique. Mais toutes autres choses restant égales, la dégradation des finances publiques implique une augmentation des taux obligataires et exerce traditionnellement une pression baissière sur la monnaie.
 

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